Quand je pense aux
salopards qui déforestent à tout va que ce soit en Afrique, en
Asie, en Amérique, comme tous les bons occidentaux, ça me fout les
boules ! Est-ce qu'on déforeste, nous ? Non, Môssieur, on
ne déforeste pas. Nous sommes des gens biens, nous. Bien sûr, on a
déforesté à tour de bras mais c'était il y a longtemps, il y a
prescription. Mille ans qu'on s'est mis à essarter comme des fous,
ça a pris du temps mais on est parvenu à récupérer, au Moyen Age
Central, les terres que cultivait l'Antiquité. Et puis on avait une
excuse : la population était en expansion. Plus de bouches à
nourrir, ça demande plus de terre arable et plus de terre arable ça
permet de nourrir davantage de bouches. Cycle infernal s'il en est !
Heureusement que de temps à autre une mauvaise saison provoquait de
salutaires famines. Sans compter les épidémies dont la formidable
Peste qui au milieu du XIVe siècle vint débarrasser L'Europe de 40%
des canailles qui encombraient son sol. Et puis il y avait cette
merveilleuse absence de médecine efficace qui faisait qu'on pouvait
faire plus d'enfants qu'un curé n'en saurait bénir, il en mourait
tant que c'était sans trop de conséquences.De plus, les gens
avaient le bon goût de mourir jeunes. Et cela qu'on soit roi ou
serf. Évidemment, la médecine moderne (celle qui, au contraire de
la bonne médecine traditionnelle, a tendance à guérir les malades)
est venue foutre le bazar dans ce merveilleux équilibre. Mais,
malins comme des singes, les Européens ont remarqué qu'ils
perdaient moins d'enfants. Du coup, ils en ont fait moins. Ça
s'appelle la transition démographique.
Ce qui se passe sur les
autres continents est différent. Parce que figurez vous que la
rencontre entre l'Occident et le Tiers-Monde a foutu la pagaille. Les
Occidentaux sont de bien tristes personnages. Non seulement ils ont
exploité leurs frères exotiques mais, comble de méchanceté, il
leur ont imposé leur médecine. En plus, quand une famine y sévit,
arrivent avions et bateaux chargés jusqu'à la gueule de vivres. Du
coup, la population explose littéralement car cela s'est produit
très vite, pas petit à petit comme chez nous et la transition
démographique s'y fait attendre. Au début des années 70, quand
j'étais au Sénégal, on y comptait 4 millions 300 mille habitants.
45 ans plus tard, les voici rendus à 15,4 millions. Si on avait fait
pareil, on serait 192 millions en Doulce France. On commencerait à
se marcher sur les pieds comme de vulgaires Néerlandais... Vous me
direz qu'au Sénégal, la forêt c'est réduit. Mais beaucoup de pays
connaissent une démographie comparable. Ne serait-ce que pour faire
la soupe, ça demande du bois. Et puis pour nourrir tout ce petit
monde, il faut des sous, alors en plus de l'essartage en vue de
culture vivrières, on défriche pour cultiver des produits
exportables afin d'acheter vivres et autres commodités. En
conséquence, tout plein de braves animaux sauvages voient leur
terrain de jeux se réduire au point qu'ils n'ont plus le cœur à
jouer et meurent de langueur. Nous, en Europe, on n'a pas ce
problème : il y a bien longtemps que les bêtes sauvages, on
les a liquidées. On tente bien d'en réintroduire un peu mais
l'enthousiasme est faible.
Pour bien faire il aurait
fallu que nous laissions épidémies et famines jouer leur rôle
régulateur, mais non, au risque de nuire aux forêts et aux animaux
qui les hantent, on s'y est opposé en envoyant médecins et
nourriture. Un peu comme l'apprenti sorcier dépassé par les
conséquences de sa magie, nous voici réduits à les déplorer. Et
qui paie les pots cassés ? Les malheureux orangs-outangs, les
pauvres tigres, les tristes éléphants, les jolis perroquets
amazoniens et tout plein de fascinantes bestioles. Voilà ce qui
arrive quand l'action brouillonne prend le pas sur la sereine
réflexion.
NB : Cette année
point besoin de bons vœux vu que grâce à M. Macron toutes nos
attentes seront satisfaites.