C'est
le cœur serré que j'ai procédé dimanche à l'habillage puis à
l'inhumation de ces petits êtres sans défense que l'on nomme en
leur prime enfance « Chicorée de Bruxelles » ou encore
« Witloof » avant de devenir, suite à leur
ensevelissement et après quelques mois de patience, « Endives ».
Le
regretté Pierre Desproges s'était, dans son par ailleurs
remarquable et érudit Dictionnaire superflu à l'usage de l'élite
et des bien nantis, répandu en calomnies sur cette brave plante
bisannuelle. Il lui reprochait principalement sa fadeur. Ce reproche
est d'autant plus injuste que le gourmet ne manque pas d'amputer
celles qu'il cuisine de leur pointe frisée et d'extraire un cône au
centre de son pied afin d'en éliminer l'amertume. Je crois qu'en
fait ce bon Pierre ne connaissait que très mal l'endive. Voir dans
sa disparition prématurée une vengeance de cette salade relèverait
du complotisme le plus débridé car elle est dotée d'une excellente
nature que l'on retrouve chez sa cousine dite « à café »
qui fournit à qui redoute l'excitation que provoque le café une
délicieuse boisson. Toutes deux n'y peuvent rien : leurs gènes
les poussent à procurer à l'homme d'innocents bien qu'intenses
plaisirs gustatifs.
Contrairement
au zombies qui ne quittent leur tombe que pour nuire aux humains (M.
Goux nous a narré avec talent les méfaits de ces morts-vivants) et
dans un état peu ragoutant, les endives quittent leur séjour
souterrain pour notre bien après avoir pris belle apparence.
Le
terme d'habillage appliqué à la préparation des futures endives
est paradoxal, vu qu'il consiste à les amputer du plus gros de leur
feuillage et de réduire la taille de leurs racines. Ce qui permettra
au jardinier prévoyant de jouir d'un supplément non négligeable de
compost comme le montre la photo suivante, prouvant, si nécessaire
qu'en elle, comme dans le cochon, tout est bon :
Maintenant,
je prierai les personnes sensibles de s'éloigner de leur écran, car
la vision de l'image qui va suivre pourrait les traumatiser à vie,
voire à mort. En effet, lors de leur inhumation les futures endives
ne se voient pas offrir une tombe mais se trouvent, serrées les unes
contre les autres dans une fosse commune ! Vision insoutenable !
Tant pis, vous avez droit à la vérité :