« Le jour du
quatorze juillet,
Je reste dans mon lit
douillet »
Ecrivait Tonton Georges. Eh bien moi, c’est pire :
j’ai oublié qu’on l’était ! Et par deux fois. Hier soir, alors que j’avais
éteint les feux en vue d’une nuit de repos bien méritée, je fus inquiété par
des bruits pour le moins suspects. C’était comme si on frappait des coups
sourds dans le voisinage. Normalement, passée une heure raisonnable, vaches,
moutons et ânes se taisent, les tracteurs sont rangés et peu de voitures
passent. La paix est totale. Aussi me levai-je afin d’aller voir ce qui se
passait. Les brumes du demi-sommeil se dissipant, je n’eus pas à chercher
longtemps l’origine de ces sons incongrus. Il s’agissait de faibles explosions,
de celles que provoquent les fusées d’un feu d’artifice. C’est alors que je me
souvins que nous étions le treizième jour du septième mois et qu’à cette
occasion les édiles, y compris ceux du bourg voisin, toujours zélés dès qu’il s’agit
d’amuser le badaud, procèdent à ce genre de spectacle aussi édifiant que
républicain. Je me recouchai donc et m’endormis.
Au réveil, encore engourdi, je me souvins que le bon
docteur, en vue de ma visite annuelle chez le cardiologue, m’avait prescrit des
analyses. Vu que je m’étais levé tôt et que les prises de sang se font à jeun
entre 7 h 30 et 8 h, après moult atermoiements et hésitations, je me décidai à
me rendre chez les gentilles infirmières, histoire de me débarrasser de cette
corvée. Ce n’est qu’au moment de prendre le volant que je me rappelai que nous
étions le 14 juillet et qu’animées de
cet enthousiasme citoyen qui est, avec leur infatigable dévouement, la
caractéristique principale de ces auxiliaires de santé il y avait peu de
chances pour qu’elles tinssent leur permanence.
Le rouge au front, je décidai de prendre mon petit déjeuner
avant d’aller cueillir des fèves au jardin. J’aurais pu compenser ce défaut de
civisme en regardant défiler nos fiers militaires puis en buvant les paroles de
notre cher président.
Hélas, je n’en fis rien. Parce que défiler, c’est bien, c’est
joli mais c’est insuffisant. Pour me rassurer sur la puissance de nos armes il
faudrait des démonstrations grandeur
nature avec tirs à balles et obus réels, des lâchers de bombes et des
tirs de missiles, des combats rapprochés !
On en aurait le cœur net, on se rendrait compte ! Mais là…
Quant aux bavardages du président, j’en dirai ce qu’avait
répondu une collègue à son mari lorsqu’il lui demandait ce que l’éducateur de
la maison pour enfants en grande difficulté où nous travaillions avait bien pu
raconter (ce dernier avait un bec de lièvre et malgré son handicap insistait
pour assurer l’animation des soirées de Noël) : « Les mêmes conneries que l’année dernière ! »