Eh
oui, toute épreuve a une fin. Hier midi, après trois semaines d’une nombreuse
et détaillée correspondance, une calamiteuse rencontre ici
narrée et quelques entretiens téléphoniques qui provoquèrent ma lassitude, l’affaire s’est conclue. Je n’en ai peut-être
pas obtenu tout à fait le prix escompté
mais l’important était de me défaire de ce qui fut un rêve et qui comme bien
des rêves, une fois réalisé, perdit de ses attraits.
Or
donc hier, vers 9 h et demie je pris la route de Vire sous le chaud soleil
normand. Arrivé à la gare où devait arriver de Paris mon potentiel acheteur, je
constatai que son train avait, comme il se doit, pris le retard minimum de 10
minutes, qui, probablement suite à une ancienne charte ou à un édit royal de
Saint Louis ou de Dagobert, caractérise les convois ferroviaires circulant
entre Paris et Granville. Tout était donc en ordre.
Mon
client arriva puis commença un examen minutieux de l’auto. Contrairement aux
deux zozos de l’autre fois, les critiques qu’il fit n’avaient rien d’agaçant.
Elles étaient motivées, reposaient sur une solide connaissance du véhicule en
question et de ses vices habituels. Il
est vrai que, possédant depuis vingt ans un modèle similaire il avait appris à
en connaître les multiples tendances à la facétie. Ayant pris note des défauts
constatés, nous partîmes pour un essai sur route. En dépit des recommandations
de mon assureur et des lourdes sanctions financières dont s’assortirait tout
événement malencontreux survenu lors de
la conduite par un tiers, je lui confiai le volant. Il est des gens en qui l’on
croit. L’essai se passa bien et nous poursuivîmes notre entretien dans un café
près de la gare. Ayant téléphoné à l’ancien propriétaire pour en obtenir
quelques précisions supplémentaires, alors que je ne savais pas s’il se déciderait
ou me ferait une proposition inacceptable, il m’offrit un montant égal à celui
que m’avait fait un autre client potentiel et que j’avais acceptée mais qui s’assortissait
d’une visite d’expert. Le marché fut conclu, un accompte fut versé, un reçu
signé, des photocopies établies et nous convînmes que j’irais la lui livrer à
Paris dans deux semaines.
Je
retirai de cette transaction un soulagement certain et des enseignements
rassurants. Il existe encore des gens courtois, agréables et raisonnables, qui savent
de quoi ils parlent et pour qui une voiture de 24 ans ne saurait être neuve. Ça
change des « spécialistes » autoproclamés, des gens qui après vous
avoir demandé une profusion de renseignement disparaissent à jamais sans
explication, et des emmerdeurs de tout poil. Cette nouvelle expérience confirme cependant le
peu de goût que j’avais déjà pour la noble activité de vendeur de voiture.