Je trouve dans ma boîte à lettres Brideshead revisited de M. Waugh et Carry on Jeeves de M. Wodehouse, respectivement sixième et dixième
ouvrages de ces auteurs que j’avais commandés d’occasion via M. Amazon.
Oserai-je dire, au risque de souligner une fois encore ma profonde futilité,
que PG me plaît plus qu’Evelyn ? Soyons fou : osons ! Même s’il est répétitif et raconte toujours la
même histoire, je préfère la légèreté bon enfant de Wodehouse au ton doux amer
de Waugh. Quoi qu’il en soit, grâce à eux, j’ai appris beaucoup sur les us et coutumes
de la vie menée dans les demeures aristocratiques anglaises des années trente
du siècle précédent. Savoir qui ne pourrait s’avérer utile qu’à condition qu’on
inventât avant mon trépas une machine à remonter le temps offrant un minimum de
fiabilité, qu’on me permît d’y accéder, que l’idée curieuse d’inviter chez lui un
vieux plouc comme moi traversât l’esprit de quelque Lord et que, vainquant mon
instinctive répugnance j’accepte de m’éloigner quelques jours durant du bocage.
Conditions dont la réunion est pour le moins improbable.
Mais foin de considérations générales, venons-en au fond du
problème. Alors que je feuilletais machinalement Brideshead revisited s’en échappa un rectangle de carton aux bords
arrondis. Le recto, jaune en son centre tandis que deux bandes oranges en
relevaient le haut et le bas, ainsi que le logo de British Railway du coin
inférieur gauche, me fit d’abord penser à un billet de train. Le document
avait, allez savoir pourquoi, été plié en huit, et longuement tripoté avec pour
conséquence d’en effacer la plupart des inscriptions, avant d’être déplié et de
servir de marque-page. Un examen plus approfondi me permit d’apprendre qu’en
fait, il s’agissait d’un billet de réservation de siège. Quelqu’un, un jour
effacé d’octobre 2008 avait jugé prudent de réserver sa place entre Glasgow et
Londres dans la voiture A. Qu’est-ce qui avait bien pu pousser cette personne à
faire ce long voyage ? Arrivé à destination, fût-ce machinalement ou dans
un but quelconque qu’elle avait réduit ce rectangle au huitième de sa surface avant
de se raviser et de lui trouver une utilisation ? Comment ce bout de
carton a-t-il échappé à la vigilance des employés de Worldofbooks ? En
eût-il été de même si plutôt que d’un document de transport périmé, le voyageur
avait choisi de marquer la progression de sa lecture d’un billet de cinquante Livres
Sterling ?
Autant de questions qui resteront à jamais sans réponse.