Plus Cordicopolis est en fête, plus mon malaise s’accroît.
Je ne me reconnais pas dans le pays qu’on me montre.
Une grave menace pèse sur la France et que fait-on ? On
tresse des couronnes (mortuaires) à des gens qui à longueur de couvertures
moquaient la mort de ceux qu’ils poursuivaient de leur haine. On va tenter de
sauver à tout prix un journal moribond. Ceux qui ne l’achetaient pas en parlent
comme de leur bible. On va défiler. Comme si ça servait à quelque chose. Une
mobilisation de masse a dans le meilleur des cas pour effet de faire renoncer le
pouvoir à une mesure impopulaire. Des millions de gens dans la rue ne
changeront rien à la détermination de terroristes dont le but est de
déstabiliser la société et non de sonder leur popularité. Plus leurs méfaits
auront de retentissement, plus grande sera leur victoire. On achète des
T-shirts, on allume des bougies, on étale son chagrin, on brandit des
affichettes, on est Charlie. Pathétique !
J’attendais plus de dignité et pourquoi pas de réflexion. Les
victimes ont été choisies de manière à choquer l’opinion démocratique tout en s’assurant
la compréhension de ceux qui se sont sentis offensés dans leur croyance. Un
cocktail détonnant. Les prochaines ne présenteront pas cet « avantage ».
Ce seront probablement des anonymes ou des humanistes tranquilles. Frantz Fanon l’a
clairement théorisé : la victime innocente et si possible bienfaisante est
la meilleure des cibles : sa mort provoque des réactions violentes du camp
agressé, dirigées vers d’autres innocents, qui poussent les proches de ces derniers sinon à devenir terroristes
eux-mêmes du moins à les soutenir. D’attaques
en ripostes, la mayonnaise terroriste prend.
Plus qu’à porter le deuil de dessinateurs, si talentueux et
célèbres soient-ils, c’est à une
mobilisation contre le terrorisme qu’il faudrait appeler. La vraie question est
de savoir si et comment on peut le contrer. Et aussi d’éviter des amalgames menant
aux affrontements inter-communautaires puisque, malheureusement, communautés il
y a. Mais on préfère rester dans l’émotion, le pathos plus ou moins affecté. C’est
plus simple et ça mène dans le mur.
Tenter de trouver réfléchir à des solutions, forcément à
long terme, est ingrat, difficile, demande du sang froid, un minimum de
maturité. On peut espérer, mais rien n’est moins certain, que les leaders le
savent. Seulement, ils n’ont l’œil que sur la ligne bleue des prochains
scrutins. Et un peuple enfant suit ces joueurs de flute qui les mènent non à la
noyade mais au chaos.
Tout cela est fort déprimant.