S’il existe des pays sur lesquels il n’y a quasiment rien à
dire ce n’est malheureusement pas le cas de la Grèce. Et ça rend malaisée la
tâche du géographe et de l’historien, si talentueux soient-ils. Les pays, c’est
comme les magasins de vêtements : du temps du bon Père Mao, en Chine, on y trouvait un type
de veste et de pantalon. Une description exhaustive de la marchandise y était rapidement
réalisable. Il en allait tout autrement pour les temples de la fringue
occidentale : en se voulant complet on serait vite devenu lassant. Voilà l’écueil
qu’il faut éviter en parlant de la Grèce.
D’abord de quoi parle-t-on ? Du petit pays d’aujourd’hui ?
De la Grande Grèce antique ? De l’Empire Byzantin ? Un choix s’impose !
Je ferai, dans un premier temps, celui de considérer la Grèce comme une
civilisation à laquelle nous devons tout plus que comme un territoire. Il est
indiscutable que notre dette vis-à-vis des Grecs est immense : ils ont
pratiquement tout inventé. La démocratie, la tyrannie, la géométrie, la
philosophie, le fil à couper le beurre, l’eau tiède, le bilboquet, la
pédérastie, l’alphabet, la tragédie, la comédie, les métèques, la plupart des
fables de La Fontaine, c’est à ce peuple
d’élite que nous les devons. Certains esprits chagrins m’objecteront qu’en
matière de rustines, de monothéisme et d’informatique il ne s’est pas montré au
top. Soit, mais à quoi sert la rustine pour qui n’a pas de vélo, une multiplicité
de dieux tous plus farceurs les uns que les autres n’est-elle pas plus
distrayante qu’un Dieu unique, quant aux ordinateurs et autres i-phones, en
dehors de la lecture de ce blog, qu’apportent-ils d’essentiel ?
En quelques lignes résumons son histoire. A partir de Cités,
les Grecs établirent des comptoirs (c’étaient de fins soiffards) et des
colonies un peu partout dans le bassin méditerranéen. Suivit l’époque hellénistique,
l’occupation romaine, l’empire Romain d’Orient, l’empire byzantin, la conquête
par les turcs puis, avec le soutien de M. Victor Hugo (une sorte de BHL
romantique), une guerre d’indépendance qui mènera à partir de 1830 et jusqu’à
ce jour à une alternance de républiques, de monarchies et de dictatures. En
dehors de l’Euro, la devise du pays est :
Ce qui signifie dans le jargon local « La liberté ou la
mort », le manque d’originalité de la formule n’a d’égal que le peu d’empressement
que met une grande majorité à la mettre en pratique. Notez au passage qu’au
lieu d’écrire comme vous, moi et toutes
les personnes raisonnables du monde, les grecs utilisent des caractères
ridicules, dans l’espoir de passer pour plus malins qu’ils ne sont. Voilà.
Vous savez tout. Pour plus de détails demandez à votre boulangère ou à tout
autre érudit de votre connaissance.
Venons-en à la Grèce d’aujourd’hui vu que c’est elle que
vous risquez de visiter en l’attente d’une machine à remonter le temps plus ou
moins fiable. Le pays est relativement petit sa surface étant d’un peu moins du
quart de celle de la France. Un peu plus
de 10 millions d’habitants la peuplent dont un bon tiers résident dans l’agglomération
d’Athènes qui en est la capitale. Le pays est pour 70 à 80% de son territoire montagneux.
Son point culminant, le mont Olympe, séjour des dieux, atteint 2917 m, ce qui n’est
pas si mal. Les séismes y sont fréquents au point que la moitié de ceux qu’on
constate en Europe y ont lieu. Le climat y est d’autant plus méditerranéen que l’on
ne s’y trouve jamais à plus de 80 km de mer et souvent beaucoup plus près vu
que le pays compterait pas loin de 10 000 îles de taille variable dont seulement
169 étaient habitées en 2001 (quel gâchis !). Il y fait trop chaud en été
mais plus frais en hiver. On y cultive l’olivier, y élève le mouton et y fait
pousser des trucs dans des terres souvent bien ingrates. Une des principales
ressources du pays est le tourisme. Allemands et Anglais s’y pressent sous
prétexte d’y visiter les vestiges
antiques mais en réalité pour s’y murger à l’ouzo, sorte d’anisette locale meilleur
marché que le vin résiné avant de se battre entre eux. Certains se contentent d’y attraper des coups
de soleil. La Grèce possède la plus grande flotte commerciale du monde et ses riches
armateurs, devenus vieux, épousent les
veuves de présidents des USA quand l’occasion se présente, ce qui n’est, hélas,
pas fréquent. Ces dernières années, le pays a connu une crise économique grave
qui a entraîné plus de misère chez les pauvres que chez les riches.
Arrivons-en à l’essentiel : ce pays dont vous
connaissez maintenant tout ce qui est digne d’en savoir mérite-t-il qu’on y
séjourne ? C’est une affaire de goûts. Si vous aimez les amas de ruines
(autrement nommés « vestiges antiques »), les tremblements de terre,
les Anglais, les Allemands, l’anisette, le fromage au lait de brebis, les
serveurs de restaurants qui abandonnent leurs clients pour se lancer dans de
frénétiques sirtakis au son du bouzouki, les blanches maisons chaulées, le
steak d’espadon, le chômage de masse, les soldats en jupettes, les oliveraies,
la chaleur étouffante des étés, les eaux de mer cristallines, les politiques d’austérité,
ce pays est fait pour vous. Sinon, je vous conseillerais plutôt la
Basse-Normandie où ces éléments sont rares.