Je plaidais naguère en faveur de l’indispensable réintroduction
du loup et de l’ours dans nos campagnes.
Mesure aussi timide que juste et qui permettrait d’y remplacer les
mugissements de ces féroces soldats par des hurlements et des grognements
autrement agréables à l’oreille tandis qu’ils viendraient jusque dans nos bras
égorger nos fils et nos compagnes avec une ardeur égale sinon supérieure à
celle des soudards.
Cependant, comme je viens de l’esquisser, cette idée
manquait d’audace. L’ « affaire » du tigre de Seine-et-Marne m’a
contraint à le reconnaître. Renseignements pris, j’ai pu constater que le tigre
à dents de sabre nommé homotherium ou
encore chat des cavernes n’avait disparu d’Eurasie que depuis 10 à 35 000 ans,
autant dire hier. Si c’est plutôt des lions des cavernes que nos ancêtres ont représentés
sur leurs murs, c’est que, un peu paresseux, ils peignaient ce qu’ils avaient
sous la main. Homotherium se nourrissait de jeunes mammouths qu’il chassait en
bande. Le réchauffement climatique le privant de ses proies, comme bien des boutiquiers
en nos temps de mutations, il dut se résoudre à disparaître. Quoi qu’il en soit
sa présence sur notre sol est bel et bien attestée jusqu’à la fin du pléistocène
et sa disparition est bien attristante. Si le tigre avait subsisté chez nous,
tout comme les Bangladais et les Indiens, nos media auraient un sujet de plus à
traiter chaque fois que quelques-uns de nos concitoyens seraient tombés sous
ses griffes et s’en seraient conséquemment trouvés boulottés.
J’ai donc pensé que la présence signalée du fauve en Île-de-France
était due à une politique européenne de réintroduction à moins qu’il ne se soit
agi de l’initiative citoyenne d’un particulier. Malheureusement, j’ai dû bien
vite déchanter. Des experts ont bien examiné les traces de pas laissés par le félin
et en ont conclu qu’elles étaient celles d’une bête pesant de vingt à trente
kilos, ce qui n’est pas très sérieux de la part d’un tigre. On s’est
mis à parler d’un gros chat ce qui me laisse songeur car même nourri de bonnes
croquettes, il est rare qu’un chat atteigne ce poids quelle que soit la bonne
volonté qu’il y mette. Or donc, de tigre il n’y a point et c’est bien triste. Toutefois,
il ne faut pas perdre tout espoir. Si
nos chats se mettent à muter au point de pouvoir de loin passer pour des
tigres, il suffit de se montrer patient pour qu’ils les rejoignent et les
dépassent en taille et que faute de Bangladais ou d’Indiens, ils prennent une
part active à la régulation des populations de loups et d’ours, créant ainsi un
écosystème que la terre entière nous enviera…