Ma journée d’hier fut
du genre médical, c'est-à-dire désagréable. Avant-hier une visite de routine à mon bon médecin m’avait
valu la prescription d’une radiographie des poumons suite à une longue période
de toux et de rapide essoufflement. Je me suis donc rendu à la clinique et y ai
attendu que me fût communiqué le résultat. Mon optimisme naturel me poussait à
envisager qu’on me diagnostiquerait le cancer ou la bronchite chronique que
cinquante ans de tabagisme intensif m’auraient normalement mérité. Et l’un
ou/et l’autre à leur stade ultime…
La lecture du commentaire me laissa perplexe. Être affecté d’un
« Majoration de la trame
péri-broncho-vasculaire en lobaire inférieur droit compatible avec une
condensation débutante ou au décours », je ne sais pas ce que ça vous
dit, mais à moi, rien. Toutes les hypothèses restant ouvertes, je décidai donc
d’aller voir mon praticien pour qu’il m’explique un peu les choses. Ça tombait bien, vu qu’il me fallait descendre
au bourg voisin pour y récupérer ma glycine enfin arrivée. Malheureusement,
contrairement à mes attentes, mon bon docteur ne consultait pas : je dus
me contenter de son confrère qui m’expliqua les choses : il ne s’agissait
que d’une banale infection au bout de laquelle une huitaine de jours d’antibiotiques
viendraient. Pas plus de cancer ou de bronchite chronique que de beurre au
tribunal…
Avant de me rendre à la clinique, j’étais passé chercher mes
nouvelles bésicles chez M. Générale d’ Optique, le bon lunettier. Comme je le
redoutais, en les essayant, je constatai que si ma vue de loin était meilleure,
il m’était impossible de lire avec. La feuille qu’il me tendit me parut
trapézoïdale et dessus les caractères étaient
illisibles. On procéda à des réglages qui n’y changèrent rien. Il
vérifia la correction des verres. Mon inquiétude montait. L’opticien se voulait
rassurant. Ça allait s’arranger, j’avais le temps de m’y faire, un mois pour changer les verres en cas d’inadaptation. La chose à faire était d’attendre le matin
suivant, de les porter dès mon lever et on verrait ce qu’on verrait (c’est bien
le cas de le dire !). J’emportai
les lunettes à regret, convaincu que tout ça allait mal se passer.
Bien entendu, dès mon retour de consultation, je me lançai
dans de nouveau essais. Ils s’avérèrent navrants : je ne voyais pas plus
nettement les touches du clavier que je ne pouvais lire ce qui apparaissait sur
mon écran trapézoïdal quelle que soit la manière dont je chausse les montures
et malgré les diverses torsions que je leurs faisais subir. Je revins à mes
anciennes lunettes. J’avais beau me dire
que demain ça irait mieux, qu’on verrait bien (cf. supra), je me voyais perdre un temps fou
en inutiles aller-retour à Vire, que ça
allait se terminer par un conflit, que j’avais stupidement gâché plus de 400 €,
que j’allais devoir tout recommencer à zéro : nouvelle interminable
attente d’un rendez-vous avec l’ophtalmo,
nouvelle ordonnance, nouvel opticien. Bref, un vrai parcours du binoclard.
Et puis ce matin j’ai suivi les conseils de celui que j’étais
venu à considérer pseudo-lunettier et véritable escroc. J’ai pris sans conviction
mon recueil de mots-croisés et malgré un début dans le flou, petit à petit, mes
yeux se sont accoutumés aux verres, ma
vision s’est faite nette. Et c’est avec
mes nouvelles lunettes que je
tapote le clavier d’un ordinateur dont l’écran n’a plus rien du trapèze.
Donc, pas de drames. Si l’on exclut de cette catégorie le
fait qu’en vieillissant la vue déconne, on attrape plus facilement des
infections pulmonaires et il faut bien se résigner on à remplacer des dents qui
se font la malle…