Il ne s’agit pas d’une faute de frappe : je ne vais pas
traiter des
chasseurs de
gallinettes cendrées mais des braves jeunes gens qui en mémoire d’un des
leurs tombé au champ d’honneur expriment avec véhémence leur tristesse en
mettant nos jolies agglomérations à feu et à sang.
Comme c’est bien connu de ceux qui le savent, en fait, les mauvais
casseurs sont des policiers déguisés, justement, en casseurs dont le seul rôle
est de ternir la réputation des bons casseurs qui eux se caractérisent par leur
répugnance à casser quoi que ce soit, un pacifisme en béton désarmé et un amour
fou pour l’ordre et ceux qui tentent de l’assurer face à leurs collègues
déchaînés.
On peut donc supposer qu’avant la manif pacifique, les
forces de l’ordre se répartissent les tâches. Selon quel mode désigne-t-on qui
sera casseur et qui sera en uniforme ? En tirant à la courte paille ?
Suivant un roulement ? Ça ne peut pas être sur la base du volontariat, vu
qu’il semblerait qu’on compte généralement plus de blessé du côté des
soi-disant défenseurs de l’ordre que du côté des enragés lanceurs d’engins
incendiaires. Les rôles répartis, tout ce beau monde se rend à la manif et fait
son boulot. Masqués, casqués, armés de barres de fer, de cocktails Molotov et
de bouteilles d’acide, les faux protestataires attendent que la manifestation
touche à sa fin pour entrer en action.
Ils cassent et incendient tout ce qui est susceptible d’être cassé et
incendié tandis que leurs collègues s’en prennent à d’innocents passants à
grands coups de matraque. De temps à autre, les policiers en tenue attrapent un
des pseudo-manifestants qui fait mine de se débattre un peu, l’emmènent dans un
car afin qu’il s’y repose et quand les choses sont calmées, ils rentrent tous à
la caserne prendre le pot de l’amitié et refaire le match.
Je suppose que durant les conversations joyeuses qui suivent
certains reproches sont échangés, des « casseurs » blâmant
leurs opposants pour les avoir confondus avec
d’innocents passants ou de pacifiques manifestants et leur avoir en conséquence
administré une mémorable dérouillée
tandis que du côté de l’uniforme on tend à conseiller aux casseurs de
mettre un peu moins d’essence ou d’acide dans leurs bouteilles parce que ça
fait quand même des dégâts… Mais bon, on ne fait pas d’omelette sans casser d’œufs…
Ainsi, le discrédit ayant été mené à bien,
on se prépare à la prochaine manif où l’on discréditera si possible encore plus.
Ne riez pas, on peut lire ici ou là ce genre d’arguments. On m’a même reproché,
dans un commentaire sur un mien article de ne pas connaître ce que chacun sait
depuis plus de 40 ans. J’ai hypocritement répondu, pour tenter de me faire pardonner cette terrible lacune, que j’avais été très occupé ces derniers temps…
Une autre approche du phénomène des casseurs consiste, tout
en reconnaissant l’existence de VRAIS casseurs à en minimiser le nombre : ils
sont tout au plus une poignée, une grosse quinzaine ou une petite vingtaine à
tout casser (jeu de mots !). On se demande alors comment des compagnies
entières de CRS ou des escadrons de gendarmes mobiles n’en viennent pas à bout
en quelques minutes…
La première théorie est gauchiste. La seconde plus modérée.
Mais quelle que soit celle que l’on adopte, elle permet à la gauche de se dédouaner
de certaines conséquences impopulaires des manifestations qu’elle organise. Et dans le pire des cas de ne blâmer que du
bout des lèvres les gentils extrémistes dont elle ne craint pas de souligner le
côté « généreux » de la démarche, mêmes si ponctuellement elle mène à
de contestables débordements…
Curieusement, il est à parier que si des groupuscules d’extrême
droite mettaient le pays à feu et à sang tous les trois quatre matins, on
déclarerait la République en danger alors que, ce faisant, les trublions gauchistes ne sauraient rien remettre en cause…