..Toi qui entres ici, abandonne tout espoir de trouver un contenu sérieux. Ici, on dérise, on batifole, on plaisante, on ricane.

vendredi 21 décembre 2012

Warehouse blues (3)



Pour filer la métaphore météorologique esquissée précédemment, l’orage n’éclate pas en plein ciel bleu. Ce dernier se voile puis se couvre avant les premiers éclairs.

Dès le début 85, ça devient moins lumineux : après un bon départ, Bourges stagne. Des concurrents ouvrent. Rien de catastrophique, mais quand même. Bien que sachant que, du fait du surcroît de charge de personnel, nos revenus vont forcément baisser, nous faisons un pari. Fort de notre excellent bilan de juin 84, nous décidons au printemps d’emprunter pour d’acheter une belle maison avec un grand parc. Pour en payer les traites, il faudra bien se manier un peu le cul : ça nous boostera !

Comme prévu, le bilan de juin 85 est moins bon : nos revenus sont divisés par deux. Fin 85 M. Bérégovoy nous envoie sa « petite » note : il n’y va pas avec le dos de la cuiller, le vilain petit binoclard.  C’est quand même un peu plus de 36 % du total de nos revenus de 84 qu’il nous réclame ! A payer avant le 15 mars 86 ! Le plus gênant, c’est comme je l’ai dit que notre bel argent de 84, on l’a réinvesti. Et que la somme réclamée représente pas loin de 75 % de nos revenus de 85 !

Je vais expliquer tout ça à la dame de la perception. Elle est gentille et compréhensive comme tout. Elle m’accorde de payer ça en dix mensualités…

Seulement, rien ne s’arrange. A Bourges comme à Châteauroux la concurrence s’accentue. Les chiffres se maintiennent mais pour y parvenir il faut faire de plus en plus de promos et qui dit promos dit plus de pub pour les faire connaître. Marges en baisse pour causes de promos, frais en hausse pour cause de pub, on finit par ne plus rien gagner. Il devient de plus en plus difficile de faire face aux échéances…

Le paiement  des impôts s’avère impossible à assurer. Surtout que ceux sur 85 sont venus s'y ajouter. Les pénalités tombent, s’accumulent. Désormais on ne fait que courir après la trésorerie. Ça va durer deux ans et demi .

Je vous épargnerai les détails. On fermera Bourges, on licenciera, on vendra la maison, la belle auto… Tout foutra le camp, inexorablement… Nos fournisseurs principaux, connaissant eux-mêmes de gros problèmes bradent leurs marchandises aux concurrents. Commencera la ronde des huissiers, des traites impayées, des négociations dont on sait à l’avance qu’on ne pourra tenir les termes, des montages financiers douteux.

Ça  c’est pour l’objectif. Seulement le bonhomme, à force de voir s’écrouler tout ce qu’il avait cru construire, il est en bien piètre état. Il déprime, ce con. Idées noires et tout. Heureusement qu’il a une fille ! La dame, elle va beaucoup mieux.  D’aciers qu’ils sont ses nerfs. Elle s’en fout de laisser un trou de 500 000 ou d’un million de francs. « On ne nous donnera pas une médaille pour avoir limité les dégâts » qu’elle dit.  Mais le monsieur, ne voit pas ça comme ça. Il voudrait qu’on arrête le cirque, après avoir planqué un peu de sous en vue d’un autre départ. Elle ne veut rien savoir et le commerce est à son nom… Du coup, celle qu’il avait pendant plus de dix ans considérée  comme sa planche de salut, une source de force et de bonheur devient à ses yeux une ennemie qui l’entraîne irrémédiablement vers des profondeurs dont il ne voit pas comment il pourra s’extraire.

En janvier 89, ça s’arrêtera. Enfin et bien tard. Je suis en miettes, voire en purée. Quelques mois après ce sera la séparation. Plus de boulot, plus de femme, plus de logement, plus un rond.  Un stage de commerce international  à Brive, puis le départ pour Londres seront les premières étapes d’une longue et lente reconstruction.

Bon, c'est pas bien gai tout ça.  Pour détendre l'atmosphère, en guise de conclusion, je citerai quelques vers du joyeux Louis Aragon :



Rien n'est jamais acquis à l'homme Ni sa force
Ni sa faiblesse ni son cœur Et quand il croit
Ouvrir ses bras son ombre est celle d'une croix
Et quand il croit serrer son bonheur il le broie
Sa vie est un étrange et douloureux divorce
          Il n'y a pas d'amour heureux





jeudi 20 décembre 2012

Solidarité avec DSK



M. Dominique Strauss-Kahn qui, si la calomnie n’était venue l’abattre, serait probablement celui qui s’emploierait aujourd’hui à relever la France traverse une épreuve que je ne souhaiterais à personne.

En effet, la justice vient de voir rejetées les demandes de nullité de procédure dans l’affaire dite du Carlton. Ce qui signifie que jusqu’à nouvel ordre il reste mis en examen pour proxénétisme !  Et quoi encore ?

Mettez-vous à sa place. Vous êtes un beau gosse. Votre physique avantageux, doublé d’un  irrésistible  charme, attire de jeunes et jolies filles désireuses de passer de bons moments en votre compagnie. Quoi de plus naturel ? Iriez-vous jusqu’à leur refuser quelque instant de bonheur ? J’espère que vous n’auriez pas cet égoïsme !

Et voilà-t-il pas que des fouille-merdes osent avancer que vos rosières seraient des putes ?  Que vous seriez au courant de leur vraie nature ? Qu’en organisant des soirées récréatives entre elles et vos copains vous participeriez d’un réseau de proxénétisme ? C’est tout votre monde qui vacille sur ses bases ! 

Car quoi de plus attristant pour un séducteur-né que de s’apercevoir que ces conquêtes  qu’il attribuait à son magnétisme naturel ne sont que le résultat de sordides transactions ?  Comment aurait-il pu s’en douter ? Rien ne ressemble davantage à une pute qu’une bourgeoise en goguette, non ?

Imaginez-vous apprendre, comme Dominique le naïf, que vos petites amies sont payées pour vous offrir leur corps. N’en seriez-vous pas gravement affecté ?

Dans la dure période qu’il traverse, M. Strauss-Kahn a besoin de notre soutien. La naïveté n’est pas un crime !

Certains mettront en doute sa sincérité. C’est tout simplement impossible : un socialiste ne saurait mentir.

D’autres avanceront qu’un sexagénaire grisonno-bedonnant doit être bien bête pour croire qu’on couche avec lui pour ses beaux yeux aux paupières tombantes. Que c’eût été une erreur de mettre un tel gogo à la tête de l’état.  L’objection ne tient pas : un président doit ressembler à ses électeurs.

Warehouse blues (2)




Le problème avec les belles et chaudes journées ensoleillées c’est qu’elles font penser à tout sauf à l’orage qui finira bien par les suivre. L’orage est parfois tout près. Comme la Roche Tarpéienne l’est du Capitole.  

Nous avions commencé juste avant l’élection du bon Président Mitterrand. Pas par nous.  Son règne avait commencé en fanfare. Populaire comme tout qu’il était le François ! On nationalisa, on augmenta le SMIC et diverses allocations, on embaucha  55 000 fonctionnaires et ce n’était qu’un début ! On allait voir ce qu’on allait voir. Rien que du bon en attendant le meilleur !  Seulement ça ne peut pas être tous les jours fête et le  lendemain dimanche… 

La politique de relance échoue, les dévaluations se suivent en cascade, en mars 83 revient la rigueur, en juillet 84 Maurois s’en va, Fabius, un jeunot, lui succède.  En décembre de la même année la popularité de Mitterrand est à son étiage : seuls 36% des Français lui font encore confiance*. La fête est finie et il faut bien que quelqu’un paye les violons du bal. Les taux d’imposition grimpent : Pour un foyer comme nous, il atteint dans sa tranche supérieure 65% auquel vient s’ajouter une majoration de 3%. Il faut prendre l’argent là où c’quelle est (vieux proverbe socialiste).

Ce n’est là qu’un des nuages. Début 83, le Mammouth de Châteauroux a eu l’excellente idée de brûler. En quoi est-ce une bonne nouvelle ? Eh bien figurez vous que nous nous sommes installés pas loin de son concurrent l’hypermarché Continent. Du coup, la fréquentation de ce dernier  augmente de 20 % et les gens qui s’y rendant passent nous dire un petit bonjour. Après la réouverture courant 84 de Mammouth ils n’auront pas toujours l’idée de continuer à venir nous voir…

D’autre part, le goût des gens change : les jeunes commencent à exiger de la marque et nous, la marque, c’est pas vraiment notre truc. Nos fournisseurs  font  plutôt dans l’import pas cher…

Plus grave, nous faisons des émules. Quelques petits malins, voyant que manifestement dans le vêtement discount il n’y a qu’à se baisser pour les ramasser sont tentés de se pencher sur la question. Ils n’ont pas forcément raison vu qu’on ne va pas tarder à siffler la fin de la récré. Mais qui s’en douterait ? Quand nous avons ouvert fin 82, nous étions deux sur ce créneau à Châteauroux ; quand nous avons fermé boutique six ans plus tard nous étions sept.  Malheureusement le marché n’avait pas plus que triplé…

Ça, c’est pour la conjoncture.
Je me doutais bien (j’ai toujours eu la manie du calcul) que la note de M. Bérégovoy serait salée. C’est afin de pouvoir le payer avec un doux sourire que nous avions ouvert à Bourges. J’avais donc loué un vaste et cher local dont, prudent, je n’avais ouvert que 200 m2, attendant des bénéfices subséquents qu’ils financent en plus de l'impôt l’ouverture des 700 m2 restant.  Seulement, vu qu’on ne peut pas être partout, il avait fallu embaucher du personnel. Ce qui, quoi qu’on en dise occasionne de menus frais…

De même, si nos affaires marchaient bien, en l’attente du bilan de juin 1984, nous étions les seuls à le savoir. Allez faire une demande de crédit avec un seul bilan de  six mois à votre banquier et vous saurez ce qu’est l’hilarité financière. C’est donc sur nos fonds propres que nous avions dû financer les travaux et autres investissements qu’imposait la  mise aux normes de nos locaux tant à Châteauroux qu’à Bourges. Electricité, sécurité, isolation, matériel de vente, etc., tout ça est bien coûteux…  Bref, notre trésorerie était faiblarde.

Seule une progression constante nous permettrait de faire face à l’augmentation considérable de nos charges qu’elles soient de personnel ou fiscales… Nul besoin de sortir de Saint-Cyr pour le réaliser. Mais après trois ans et demi de progression fulgurante comment aurions-nous imaginé que celle-ci s’arrêterait ?

*M. Hollande est beaucoup plus fort : il a fait mieux en 7 mois !

mercredi 19 décembre 2012

Ce Tolstoï, quand même !



Je me suis décidé à lire La Guerre et la Paix de M. Tolstoï. J’y suis allé à reculons tant le volume de l’ouvrage me rebutait : pas loin de 1500 pages écrit petit, ça ne se lit pas en cinq minutes. Sauf à faire comme ce comique qui me fit beaucoup rire il y a longtemps en déclarant « Grâce à une méthode de lecture rapide, j’ai lu  La Guerre et la Paix en une heure : ça parle de la Russie ».

D’autre part, étant d’humeur de plus en plus futile et doutant d’y trouver force gras  jeux de mots, contrepèteries et plaisanteries de garçon de bain, je craignais de m’ennuyer comme un rat mort  à la lecture du puissant chef-d’œuvre de Lev  Nicolaïevitch.

Je m’y lançai malgré tout. Eh bien après plus de cent pages je peux le dire, ce Russe a du génie. Alors que m’attendais à quelque chose de soporifique apte à précéder une sieste réparatrice, le roman me tient éveillé, impatient même d’en connaître la suite.

Et pourtant ce n’est pas évident : tous ses personnages portent des noms russes et pour corser l’affaire ils sont tous princes, comtesses, comtes ou princesses. De plus, ils ont la sale manie de s’appeler par des diminutifs aussi nombreux que variés.

C’est là le grand reproche que je ferais au Comte Tolstoï : autant la présence d’un prince voire d’un comte  vous pose un livre (comme de garenne vous pose un lapin) autant leur multiplication ainsi que celle de leurs épouses, sœurs, tantes et cousines (toutes affublées de la variante féminine de leur titre) désoriente. A mon sens, le bon nombre de Comtes et de Princes dans un roman ne devrait sous aucun prétexte être supérieur  à deux.

De même si Je ne vois aucune raison valable pour qu’on se permette la  fantaisie d’appeler le Prince Nicolas tantôt par son prénom et tantôt par des diminutifs comme Nicolégnka (pas facile à prononcer), Nicolouchka  ou encore Kolia.

Tout cela a pour effet de rendre malaisée l’identification des personnages. J’ai souvent été contraint de retourner  à Saint-Pétersbourg  pour vérifier qui était ce Prince Basile qu’on retrouvait à Moscou.

S’il se trouvait que par hasard M. Tolstoï soit un de mes lecteurs, j’aimerais, au cas où la fantaisie le prendrait d’écrire un nouveau livre, lui donner ce conseil : pas de noms russes, pas de diminutifs, pas plus d’un Comte et/ou d’un prince. A bon entendeur, salut !