Savez-vous qu’on dit d’un bois qu’il
est arsin quand, bien que debout, il a été endommagé par le feu ? Que le mont Œta est proche du Parnasse ?
Qu’il existe en Grèce une île nommée Icarie ? Moi je l’ai appris pas plus
tard qu’hier en faisant des mots croisés.
Les mots croisés sont une activité
stimulante. C’est pourquoi, il y a plus d’un an, je me suis abonné au Figaro
week-end suite à une offre alléchante. Car les magasines contiennent des
grilles de Michel Laclos, mon auteur favori.
Durant les années quatre-vingts, j’avais
pris l’habitude d’acheter le Fig Mag qui faisait les délices de mes week-ends.
J’en lisais la plupart des articles qui m’apparaissaient comme un baume apte à
apaiser les douleurs d’un cœur de réac martyrisé par ces années de mitterrandisme. Et puis, quand j’en avais le temps, je me livrais
sans retenue aux joies des mots croisés. Il arrivait que pour une raison ou
pour une autre je n’aie pas le loisir d’assouvir cette passion. Je découpais
alors les pages et les mettais de côté en vue de temps moins bousculés.
Ces temps arrivèrent suite au dépôt de
bilan. J’en avais tout un stock et passai l’essentiel de mon temps à rattraper
mon retard cruciverbeux. Sous l’œil courroucé de mon épouse qui ayant
rapidement trouvé un emploi jugeait que j’eus mieux fait de consacrer mon temps
à chercher du boulot. Comme si je n’essayais pas ! Il faut dire qu’elle commençait à me trouver
bien des failles…
Or donc m’abonnai-je l’an dernier.
Mais l’histoire ne se répétant pas, je trouvai bien moins de goût aux articles
de ce vénérable organe de presse. Quant aux mots croisés, le jardinage, le
bricolage et le blogage ne me laissèrent pas le temps de m’y consacrer. Je les
découpai avec soin et les plaçai dans un tiroir avant de mettre les magazines
non lus à la poubelle. Comme le temps passe vite et que je ne lis jamais les
courriers que m’envoie le Figaro, je m’aperçus récemment que, reconduit
tacitement, le prix de mon abonnement avait doublé. Ce qui fait beaucoup pour
du papier qu’on ne lit pas. Le journal
peut bien servir à allumer la cheminée, mais vu le nombre de feux que j’allume
et le stock déjà conséquent que j’en possède, je crains que ma fille se
retrouve avec de quoi démarrer des flambées bien longtemps après ma
disparition. D’autant plus qu’elle n’a
pas de cheminée.
Le week-end dernier, afin de
rentabiliser mes investissements, je me mis donc à remplir les grilles des
magazines reçus. Le résultat fut piètre. Des deux premières que j’attaquai,
après des heures d’efforts, je ne parvins à remplir totalement aucune. Dire que
sous François le mauvais j’en faisais mon affaire en une petite heure ! Tout fout le camp, ma bonne dame, tout fout
le camp ! Je ne me laissai pas abattre par ce cuisant échec. Et hier,
laborieusement certes, je vins à bout d’un problème. Pas une case qui ne fut
correctement remplie !
Ça m’a encouragé. Je ne lâcherai les
deux cent et quelques grilles qui m’attendent sagement dans leur tiroir qu’une
fois terminées. Aussi se peut-il que parfois le temps me manque pour éclairer
le monde d’un de ces billets magnifiques qui renouvellent la pensée occidentale :
on ne peut pas être partout.