Comme tout un chacun, enfin pas tout à fait, j’ai passé ma
vie à courir après le sou qui me manquait pour faire un franc. Ça n’avait rien
à voir avec le niveau de mes ressources qui a beaucoup varié. Ce n’est pas
forcément au moment où je gagnais le plus que j’en manquais le moins.
Et puis, tout d’un coup, voilà que je me retrouve avec plus
d’argent que je ne saurais en dépenser. Et pourtant, j’ai perdu près de 30 % de
mes revenus depuis un an que je suis à la retraite.
Apparemment paradoxal, cet état de chose s’explique par
plusieurs facteurs.
D’une part, j’ai fini par vendre ma maison d’Eure-et-Loir.
Ensuite j’ai cessé mes navettes incessantes entre Beauce et Normandie. Je ne
fais plus trente et quelques kilomètres par jour pour aller au boulot. Mon
budget carburant est ainsi passé d’important
à négligeable.
Mon héritage m’a permis de finir de payer ma maison et d’y
faire des travaux.
Ma baisse de ressources combinée au fait que je n'ai plus qu'une maison m’amène à payer beaucoup moins d’impôts.
En résumé, si mes revenus ont baissé, mes dépenses fixes,
elles, se sont trouvées divisées par 3 ou 4. Et puis, peut-être et surtout, j’ai
atteint une forme d’équilibre de vie qui fait que ce que j’ai me suffit et que
les sirènes de la consommation peuvent chanter autant qu’elles veulent sans m’attirer.
Je pourrais m’acheter une belle voiture neuve, mais pour
quoi faire ? Pour rouler à 90 à l’heure ? Histoire de perdre X milliers d’Euros par an
afin d’impressionner le gars de la déchetterie quand je vais y porter gravats
et saloperies diverses ? Pour ça mon break de 10 ans d’âge suffit et
suffira encore longtemps…
Je pourrais me payer de jolies vacances mais pourquoi m’éloigner
de l’endroit où je vis bien pour moins de confort et plus d’ennui ?
Je pourrais multiplier les exemples de ce qui ne me dit
rien.
Tout ça a pour conséquence qu’au lieu de mes perpétuels
découverts, il me reste des sous en fin de mois. Je ne dirai pas que c’est un problème.
Simplement que ça me crée un sentiment de légère gêne.
Il y a des malheurs plus
poignants.