Dans un récent article, M. Goux se
plaignait de la cuistrerie de l'éditrice d'un ouvrage de Mme Carson
McCullers. Ce grand esprit, probablement en proie à un grave abattement, déclarait ne trouver aucun intérêt aux notes que la
brillante universitaire avait rédigées afin d'éclairer le lecteur.
Il laissait même entendre qu'il ne s'agissait aucunement d'un cas
isolé. Je ne saurais partager ce genre de blasphèmes : en
fait, en dehors des préfaces, les notes de bas de page ou de fin de
volume sont souvent ce qu'il y a de plus intéressant dans bien des
livres. Elles ouvrent de nouveaux horizons au lecteur. Au point que
nombreux sont les vrais amateurs de littérature qui ne lisent
qu'elles.
Si la vie, cruelle marâtre, ne m'avait
pas contraint à suivre d'autres chemins, je pense que le métier de
noteur m'aurait apporté une ineffable félicité. Quoi de plus
noble, en effet, que d'accompagner, voire de guider un lecteur sur le
chemin souvent malaisé qui mène à une profonde compréhension de
l’œuvre comme de l'âme d'un auteur ? Je vous le demande !
D'ailleurs, et vu qu'il n'est jamais
trop tard pour réaliser ses rêves de gosse, je vais annoter, rien
que pour vous, un texte que chanta Yvan-Chrysostome Dolto, plus connu
sous le nom de Carlos, chanteur d'un grand talent qu'un malencontreux
cancer du foie enleva bien trop tôt à notre affection. Parmi les chansons hautement poétiques qu'il interpréta, il en est une quai, tant par la forme que par le fond domine un répertoire pourtant riche et profond. Je veux
parler, certains de vous l'auront deviné, de son célèbre
« Papayou » :
Quand je suis v'nu au monde
Ma mère1 m'a tout donné
Une panse bien ronde
Des pieds, des grands pieds
Pour marcher, pour danser2
Mais la plus belle chose
Qu'elle ait pu me donner dans l'fond
C'est à peine si j'ose
Le dire... c'est mon...
Ma mère1 m'a tout donné
Une panse bien ronde
Des pieds, des grands pieds
Pour marcher, pour danser2
Mais la plus belle chose
Qu'elle ait pu me donner dans l'fond
C'est à peine si j'ose
Le dire... c'est mon...
Papayou, Papayou, Papayou, Papayou
lélé3
J'ai le plus beau des Papayou lélé
Qu'on ait vu depuis des années
Papayou, Papayou, Papayou, Papayou lélé
Ma mère me disait faut pas le montrer
Ca f'rait des jaloux dans le quartier4
Ca f'rait pleins de jaloux qui n'en n'ont pas du tout
Pleins d'envieux qui n'en ont pas chez eux
Pleins de méchants qu'en ont pas d'aussi grands
J'ai le plus beau des Papayou lélé
Qu'on ait vu depuis des années
Papayou, Papayou, Papayou, Papayou lélé
Ma mère me disait faut pas le montrer
Ca f'rait des jaloux dans le quartier4
Ca f'rait pleins de jaloux qui n'en n'ont pas du tout
Pleins d'envieux qui n'en ont pas chez eux
Pleins de méchants qu'en ont pas d'aussi grands
Il faut pas le montrer du tout, non!
Un jour l'institutrice5
Me dit: "Mais que t'as grandi"
Je réponds sans malice
"Mais mon Papayou il grandit lui aussi"6
Elle me dit "Je suppose
Que c'est une plaisanterie"
Mais en voyant la chose
Elle pousse un cri "Oh"7
Me dit: "Mais que t'as grandi"
Je réponds sans malice
"Mais mon Papayou il grandit lui aussi"6
Elle me dit "Je suppose
Que c'est une plaisanterie"
Mais en voyant la chose
Elle pousse un cri "Oh"7
Papayou, Papayou, Papayou, Papayou
lélé
C'est le plus beau des Papayou lélé
Que j'ai vu depuis des années
Papayou, Papayou, Papayou, Papayou lélé
Garde le pour moi ne le montre pas8
Ca f'rait des jaloux dans le quartier
Ca f'rait pleins de jaloux qui n'en n'ont pas du tout
Pleins d'envieux qui n'en ont pas chez eux
Pleins de méchants qu'en ont pas d'aussi grands
Pleins de badauds qu'on rien vu d'aussi beau
Et qui diraient partout, drôle de joujou
Il faut pas le montrer du tout, non!
C'est le plus beau des Papayou lélé
Que j'ai vu depuis des années
Papayou, Papayou, Papayou, Papayou lélé
Garde le pour moi ne le montre pas8
Ca f'rait des jaloux dans le quartier
Ca f'rait pleins de jaloux qui n'en n'ont pas du tout
Pleins d'envieux qui n'en ont pas chez eux
Pleins de méchants qu'en ont pas d'aussi grands
Pleins de badauds qu'on rien vu d'aussi beau
Et qui diraient partout, drôle de joujou
Il faut pas le montrer du tout, non!
Un jour à colin-maillard
Une fille aux yeux bandés9
Le découvrant par hasard
Me dit: "Qu'est-ce que c'est, qu'est-ce que c'est, qu'est-ce que c'est?"10
Une fille aux yeux bandés9
Le découvrant par hasard
Me dit: "Qu'est-ce que c'est, qu'est-ce que c'est, qu'est-ce que c'est?"10
Papayou, Papayou, Papayou, Papayou lél
Etc.
J'espère vous avoir été utile en
favorisant votre compréhension de ce texte dont certains
passages,sans être ésotériques, peuvent paraître obscurs.
1Françoise
Dolto éminente psychanalyste qui fit tant pour que les parents
cessent d'éduquer leurs enfants convenablement.
2Carlos
voua, toute sa vie durant, un véritable culte à sa mère et plus
particulièrement à sa légendaire générosité ainsi s'explique
l'énumération de dons que des enfants moins reconnaissants eussent
trouvé aller de soi.
3Le
papayou lélé est un bonnet de coton mêlé de latex que, dans les
familles grecques et russes, on offre aux nouveaux nés et qui
partage avec la grenouillère « Babygro » la
particularité de grandir avec l'enfant (du grec « papayos
lèlos », bonnet de coton extensible).
4La
famille Dolto, jouissant d'une certaine aisance n'avait pas mégoté
sur le prix du bonnet ce qui risquait de provoquer des réactions
d'envie chez les voisins moins favorisés.
5Ernestine
Chombier, pédagogue émérite, toute entière dévouée à son
apostolat était cependant très distraite au point de ne pas voir
ses élèves grandir au fil des années.
6Cf.
note 3
7Bien
que très cultivée, Mme Chombier ignorait tout de l'extensibilité
du papayou lélé.
8Notez
la convergence des conseils de la mère et de l'institutrice qui de
ce fait est présentée comme un substitut maternel.
9Précision
inutile car jouer au colin-maillard sans bandeau constituerait une
tricherie qui ferait perdre tout son attrait au jeu.
10Répétition
suggérant habilement l'état de confusion où se trouve plongée
la jeune fille suite au contact avec un objet textile inconnu.
11La
misogynie de l'auteur pointe le bout de l'oreille laissant entendre
que le possesseur du signe extérieur de richesse que constitue ce bonnet attirerait les bonnes grâces des filles de la région, supposées intéressées par un riche mariage.