Faire une overdose de roues de bus est un des dangers qui menacent la santé de l'homme d'aujourd'hui (pour celui d'hier, c'était les roues de diligences). Je sais de quoi je parle.
J’allais au collège et j’attendais tranquillement mon bus lorsque je m’aperçus que j’avais oublié ma trousse à la maison. Une journée d’école, c’est toujours ennuyeux, mais quand on n’a pas de quoi écrire, ça devient tout de suite plus pénible. Être en butte aux remontrances outrées des profs et aux quolibets des condisciples (qui se feraient un devoir de ne rien me prêter, cet âge étant sans pitié) ne me disait rien aussi trouvai-je vite une solution : De l’autre côté de la rue, un copain attendait le bus qui le mènerait au lycée. Je traversai donc et lui empruntai un stylo.
C’est alors que je m’aperçus que mon bus s'apprêtait à démarrer avec à son volant le célèbre Grand louis, un conducteur qui avait ceci de remarquable qu'il s’arrêtait boire son coup de rouge dans pratiquement tous les bistrots entre Montlhéry et la porte d'Orléans. Et retour . Plusieurs voyages par jour. Ça n'affectait pas sa conduite, si bien qu'il ne venait à personne l'idée de lui en faire grief. Une autre époque, je vous dis.
Sans plus réfléchir je me ruai vers ce véhicule. Mal m’en prit car une voiture me faucha net et m’envoya dinguer sous le bus. Si vous n’avez jamais vu des roues énormes rouler doucement vers vous, inutile d’essayer, je peux vous dire ce que ça fait : on ne reste pas traîner. Immédiatement, je me mis à ramper, stylo à la main ; les roues soudain s’arrêtèrent. Alerté par les hurlements de ceux des passagers qui avaient vu la scène, Grand Louis avait freiné. Je pus donc sortir de l’autre côté du bus et y monter.
A peine assis, je me mis à trembler de tous mes membres. Vu que tous n’avaient pas réalisé ce qui m’était arrivé certains se demandèrent ce qui pouvait bien troubler à ce point ce petit gars.
Mais ce n’est pas là le plus curieux. J’appris par le copain qui m’avait prêté le stylo que le plus choqué était surement le conducteur de la voiture. Mettez vous à la place d’un gars qui vient de renverser un gamin, de l’envoyer rouler sous un car et qui ne trouve pas trace de sa victime !