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mercredi 9 octobre 2013

Voyage en Absurdie



L’avantage, avec les voyages en Absurdie, c’est qu’ils n’exigent aucun passeport et aucun déplacement. En fait, comme une sorte de double peau, l’Absurdie recouvre avec exactitude le territoire de ce qui fut la France. J’en ai eu une nouvelle preuve ce matin.

Depuis jeudi, j’étais privé de téléphone fixe (la privation de portable étant ancienne et permanente, faute de  réseau). Pas de tonalité, rien qu’une affreuse friture. Le problème s’était déjà posé il y a quelques années, en moins grave toutefois vu que la friture rendait simplement toute conversation quasi-inaudible. Le monsieur de France Télécom était venu et avait changé la partie du câble endommagée. Pourquoi pas le câble en entier ? Eh bien parce que pour ce faire il lui eût fallu percer un trou en haut de ma porte d’entrée, ce que sa déontologie ou sa non-habilitation en tant que perceur de haut de porte en bois (la porte était alors en bois) lui interdisait formellement. Il était plus que probable que le restant du câble, tout aussi vieux finirait par se montrer à son tour défaillant mais, que voulez-vous, quand on ne peut pas, on ne peut pas.

Ce matin donc, je vis arriver un beau camion tout neuf doté d’une jolie nacelle piloté par le technicien censé savoir dûment accompagné de son arpète. A part à regarder son chef travailler, je n’ai pas bien saisi à quoi servait l’arpète. Il faut croire que parcourir les collines embrumées provoque une neurasthénie que seule la compagnie d’un homme jeune et gaillard peut tempérer…

Aux commandes de la nacelle le brave technicien commença par vérifier que jusqu’au poteau d’où partait le câble menant à la maison la ligne fonctionnait. C’était le cas.  C’est là que les choses se compliquèrent car il m’avoua ne pas pouvoir vérifier la ligne plus avant, n’étant pas en possession d’une échelle et son camion ne pouvant s’aventurer sur la pelouse. « Qu’à cela ne tienne, lui dis-je, innocent que j’étais, j’en ai une d’échelle ! Une échelle de toute beauté, une échelle comme je souhaite à tous d’en avoir ! »  Que n’avais-je pas dit là. L’homme me jeta ce regard apitoyé que réserve l’initié à l’ignorant. « Je ne peux pas monter sur  VOTRE échelle, au cas où surviendrait un accident, je ne serais pas couvert ! » Je ne pus me retenir de lui signaler à quel point ce règlement était absurde. Il n’alla pas jusqu’à en convenir, arguant de questions de sécurité. Il faudrait, pour inspecter le reste faire venir une autre équipe munie d’une Échelle appropriée.

Toutefois, doté d’un escabeau, il consentit à inspecter le boitier d’arrivée intérieur. Ce test permit d’établir un diagnostic définitif : c’était bien mon câble qui était fautif. Je m’en doutais déjà un peu. Il me dit qu’il m’enverrait  une autre équipe le surlendemain, possesseur de la Sainte-Échelle et apte à remplacer (à mes frais) le Saint-Câble mais qu’il serait bon que je perçasse moi-même un trou à l’endroit où je désirais faire entrer les fils et que ce trou fût suivi d’une gaine menant à l’endroit où je désirais qu’il installât l’arrivée. Les écumeurs de collines partis, je grimpai sur mon échelle afin de bien voir où percer mon trou et c’est là que j’avisai le raccord entre le morceau de câble remplacé et l’ancien. Et si c’était là l’origine du problème ? J’allai inspecter la jonction et m’aperçus immédiatement qu’à la sortie du boitier, une section du câble était complètement pourrie. Il me fallut une petite heure pour remplacer le morceau défaillant et retrouver le parfait usage de ma ligne. Je décommandai donc par téléphone la seconde équipe, exigeant, on n’est jamais trop prudent, qu’on me confirmât par mail l’annulation de l’intervention.

De cette captivante aventure, j’ai tiré quelques leçons :


     1) Il existe parmi les réparateurs de lignes plusieurs catégories : le technicien AVEC échelle (mais sans nacelle) et le technicien (avec  nacelle mais) SANS échelle. La catégorie AVEC nacelle ET échelle existe-t-elle ?  Ne rêvons pas trop.  Il serait donc utile, lors du dépôt d’une réclamation de préciser quel genre d’intervenant l’on souhaite.

     2) On peut supposer qu’au sein de la catégorie AVEC échelle, existent les sous-classes avec et sans  chignoles lesquels se subdivisent en aptes à percer ou non tel ou tel matériau. Reste à savoir si le perceur agréé à les capacités d’utiliser les autres outils qui s’avéreraient nécessaire et de poser des gaines.

     3) Vu la complexité des précautions requises j’ai pris la sage décision, la prochaine fois que le problème se posera de changer moi-même la totalité du câble. Car payer le déplacement et les heures de deux gars qui viennent de plus de cinquante kilomètres pour me dire qu’ils ne sont pas en mesure d’intervenir et qu’un jour d’autres viendront me paraît abusif. Ou du moins le serait ailleurs qu’en Absurdie.


24 commentaires:

  1. Bienheureux que ce ne soit pas un satellite, l'échelle eut été trop courte de toutes manières.

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  2. France Telecom, c'est bien une ancienne boite de fonctionnaires ?

    Ceci, explique cela...

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    1. En fait, Orange sous-traite la maintenance. Il doit s'agir de règlements s'appliquant à la profession dans son ensemble (Cf. Pangloss).

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  3. Comme dit le nouveau Caton qu'est h16 : "ce pays est foutu " --sauf si de vaillants bricoleurs tels que Jacques prennent le pouvoir...

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  4. J'ai vécu une aventure semblable avec France-Télécom il y a quelques années quand le câble qui arrivait chez moi s'est décroché du dernier poteau avant ma maison. Le bonhomme n'avait ni échelle ni nacelle et a refusé d'utiliser mon échelle. Donc pas de réparation. Heureusement, à la tempête suivante, le fil s'est décroché de quelques nouveaux poteaux et traînait sur la route. Il a bien fallu réparer. Maintenant j'attends le remplacement du dernier poteau (en bois et pourri) qui ne tient (c'est le cas de le dire) qu'à un fil. Après signalement à FT, j'ai vu arriver au bout d'un an un type d'une entreprise privée qui a constaté la chose et placé sur le dit poteau une étiquette métallique "Danger" en inscrivant sur sa fiche que le poteau n'est pas accessible avec le camion qui ne peut rouler sur l'herbe. C'était il y a six mois et FT n'est pas encore intervenu. Inutile de dire qu'il est inutile d'espérer les joindre au téléphone: après s'être expliqué avec la boîte vocale on s'entend dire qu'on ne peut vous répondre car le standard est débordé d'appels.
    Tout ça pour dire que si vous passez par chez moi avec un poteau et les outils indispensables, vous serez le bienvenu (je fournis l'échelle).

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    1. J'avais oublié de mentionner les délais d'attente du service de dépannage.

      Hélas, je n'ai pas de poteau, sinon, vous pensez bien que ce serait avec plaisir que je vous dépannerais...

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  5. J'ose à peine imaginer le commentaire de Marchenoir si d'aventure il vient à passer par ici…

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  6. Vous vous ennuyez donc tant que cela ?

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    1. Je ne m'ennuie pas, mais j'aime bien Sardou à qui j'ai piqué mon titre comme vous l'avez finement relevé.

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  7. Brazil....lala lala lalal'laaa....
    Et après on s'étonne du téléphone portable dans les pays en voie de développement !

    Amike

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  8. Robert Marchenoir9 octobre 2013 à 21:49

    J'avais déjà remarqué que les ouvriers, aujourd'hui, viennent de plus en plus sans leurs outils. Pour ma part, j'ai eu droit jusqu'à présent à ceux qui trouvent tout naturel d'emprunter les vôtres (voire les volent).

    Un symptôme de plus du socialisme ambiant. Ce qui est à moi est à moi, et ce qui est à toi est à ma disposition.

    Vous, vous avez eu droit au type qui, non seulement débarque sans ses outils, mais en plus refuse d'utiliser ceux qui vous appartient.

    Je suppose que c'est en cela que le service public est supérieur à l'entreprise privée.

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    1. Il ne s'agissait pas de service public (Voir ma réponse à Skandal).
      Quant au manque d'outils, j'en suis venu à soupçonner certains artisans de déposer chaque matin une boite à outil soi-disant incomplète chez plusieurs clients et sous prétexte d'aller chercher l'outil manquant de s'éclipser et de facturer des heures à plusieurs clients tandis qu'ils se désaltèrent au bistrot du coin.

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    2. Mes parents sont arrivés à la même réflexion après quelques années à gérer les travaux de différents artisans. Dans leur cas, il s'agit de la Côte d'émeraude, et non de la Manche.

      Popeye

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    3. Robert Marchenoir10 octobre 2013 à 15:34

      Peu importe le statut réel du type qui est intervenu chez vous. C'est une question de mentalité. Orange, ex-France Télécom, ex-PTT, ex-Postes et Télégraphes, c'est toujours le sévice public, même si on y a mis une dose de privé. Il est impossible de décoller la pulpe fonctionnariale du fond.

      Ne me dites pas qu'un artisan ultra-libéral, consumériste, âpre au gain, et au PEA blindé d'actions de salopards capitalistes faisant fabriquer leurs baskets par des petits nenfants esclaves en Inde, n'aurait pas accepté de percer un trou dans votre porte en bois, moyennant, si nécessaire, un petit bifton de la main à la main.

      Indépendamment du statut des gens, de leur catégorie sociale, de leur profession, de leur affiliation politique ostensible, du parti pour lesquels ils votent, les Français sont profondément communistes dans l'âme. Même les patrons.

      Il suffit de lire le blog de Yann le Galès sur le Figaro. 80 % des patrons auxquels il donne la parole ont des réflexes et des revendications communistes, et non libéraux.

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    4. @ Popeye : C'est une pratique générale de Dunkerque à Tamanrasset .

      @ Robert : Je suis bien d'accord.

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  9. Marchenoir a raison : cela n'arrivait pas, du temps des PTT.
    La privatisation est une catastrophe.

    La dernière fois que j'ai fait venir des plombiers, ils sont venus avec le matériel le plus vieux et le plus pourri possible, et n'ont pas réussi à déboucher un simple évier.
    Ils étaient trois.

    Malheureusement on ne peut pas mettre des fonctionnaires partout parce que c'est trop cher, mais des fois on se demande si ça ne serait pas plus pratique.

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    1. Plus qu'une opposition service public/privé je vois dans cette affaire une illustration de la multiplication de règlements ridicules.

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    2. Robert Marchenoir10 octobre 2013 à 16:03

      Du temps des PTT, il y avait un an d'attente pour faire mettre le téléphone chez soi. Sauf si vous connaissiez personnellement un ministre. Tout le monde cherchait à se faire pistonner pour pouvoir se faire attribuer une ligne dans un délai raisonnable : c'était un sport national.

      Et une fois que vous aviez une ligne, encore fallait-il arriver à joindre votre correspondant... D'où le célèbre dicton selon lequel la moitié de la France attendait une ligne, et l'autre moitié attendait la tonalité. Où diable Fernand Reynaud a-t-il trouvé son inspiration pour écrire "Le 22 à Asnières" ?

      http://www.ina.fr/video/I06268515

      C'est daté de 1966. En pleines Trente Glorieuses. Sous le règne de l'immense de Gaulle. Du temps où la clâââsse ouvrrrrrière existait encore, où la Frônce bénéficiait du fabuleux programme du Conseil national de la Résistance, où, lorsqu'on parlait du Parti, tout le monde comprenait qu'il s'agissait du parti communiste (*), et où les salopards de capitalistes (pas encore ultra-libéraux) mangeaient encore dans la main du noble Etat-stratège.

      Vous remarquerez, à l'écoute de ce sketch, à quel point Fernand Reynaud "hait les fonctionnaires", à quel point il les "stigmatise", à quel point il se complait dans des "stéréotypes ultra-libéraux", qui n'ont, bien entendu, rien à voir ni de près ni de loin avec la réalité.

      De Fernand Reynaud à ma pomme, une demi-siècle de haine anti-fonctionnaires ! Vraiment, on se demande comment, face à une telle persécution, il reste encore des candidats pour travailler dans le sévice public.

      La capacité des gauchistes à refaire l'histoire et dédouaner le communisme est infinie.

      (*) De même qu'aujourd'hui, lorsqu'on parle de "la religion", tout le monde comprend qu'il s'agit de l'islam, vous avez remarqué ?

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    3. Vous parlez d'un temps dont les moins de 50 ans n'ont jamais entendu parler que pour en dire du bien.

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  10. Skandal,

    Il y a bien longtemps que France Telecom n'est plus une entreprise d'état, les derniers fonctionnaires ont été priés de partit vers d'autres horizon mais la mentalité est restée, comme quoi un branleur reste un branleur même dans le privé.

    Mais le texte de Jacques résume bien ce qu'est devenu ce pays , un vaste foutoir.

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  11. On est foutus, je me tue à le dire!

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