Sur une placette du vieux Foix, il est une boutique. Son
enseigne en verre peint, de celles qui firent rage jusqu’au début du siècle
dernier, annonce, lettres d’or en faux relief sur fond noir, non la nature du
commerce mais le nom d’un fier
propriétaire. Nom qui m’échappe. Toutefois quelques appareils ménagers et
surtout les interminables rangées de tiroirs
en bois que laisse apercevoir la vitrine nous renseignent : le
commerce est une quincaillerie. Bien sûr, l’enseigne a un peu perdu de son
lustre. Il est probable que l’actuel propriétaire ne porte plus le nom qui s’y
affiche. Quoique… Pourquoi ne serait-on
pas quincailler à Foix de père en fils depuis des générations ?
Un homme en blouse bleue perché sur un massif escabeau de
bois, d’époque lui aussi, un chiffon à la main, plusieurs produits d’entretien
posés sur la plate-forme supérieur,
nettoie sa vitrine. Il y était quand nous arrivâmes à l’hôtel, il s’y trouvait
encore quand nous en sortîmes pour faire un tour en ville. Toujours fidèle au
poste quand nous en revînmes. Il faut dire qu’il travaillait à gestes lents et
que sa tâche semblait souvent interrompue par une conversation avec quelque
passant ou passante. L’homme n’était pas vieux, juste entre deux âges.
Des quincailleries de ce genre, j’en ai connu dans les
années soixante-dix à Tours ou à Lannion. Leurs centaines de tiroirs
contenaient toutes les merveilles qu’on pouvait espérer. Vous aviez la serrure,
on vous trouvait la clé. Vous aviez la clé, on vous trouvait la serrure.
Semences, vis, clous à tête dorée, d'homme ou plate, pentures, crémones, gonds ? On y trouvait son bonheur. Pour un
prix ridicule, un vendeur en blouse grise vous enveloppait les cent grammes de
semences que vous guigniez dans un bout de papier journal.
Ces commerces ont disparu. Les frères Brico (Marché, Rama ou
Dépôt, les prénoms sont bizarres dans cette famille !) et les compères
Leroy et Merlin ont eu leur peau. C’est du
moins ce que je croyais. Et puis j’ai vu cet homme sur son escabeau, la blouse
bleue comme une trahison. Trahison ou concession à la modernité, la blouse
grise de coton ne se fabricant plus ?
Homme, vitrine, enseigne et commerce anachroniques. Témoins
d’un temps plus lent, moins avide de profit. Pour combien de temps encore ?
Vous connaissez la réponse que fit cette duchesse dont le nom m'échappe, à qui Proust demandait où elle trouvait ses extraordinaires chapeaux : « Je ne les trouve pas, mon petit Marcel : je les garde. »
RépondreSupprimerPour la blouse de votre homme, c'est sans doute la même chose.
Pour l'enseigne aussi...
SupprimerC'est un peu la même chose avec les marchands de jouets : il y en a de moins en moins et ces grands machins spécialisés n'ont aucune âme... je paldie coupable d'ailleurs, il m'est arrivé de les fréquenter
RépondreSupprimerJe vais également chez les frères Brico. A-t-on le choix d'ailleurs ?
SupprimerSouvenirs, souvenirs! Il y en a une comme ça dans la ville où j'ai fait mes écoles. Certes sans enseigne en églomisé, mais avec les blouses bleues et les tiroirs qui recèlent tout ce dont on peut avoir besoin: clous, charnières, vis, clés, etc. Le personnel est souriant, sympa et compétent, en toute simplicité.
RépondreSupprimerA découvrir ici: http://www.morard-quincaillerie.ch
Heureux, avec vous, que de telles enseignes persistent.
Merci pour l'adresse. J'ai noté la fidélité du personnel à la blouse. Ce commerce me paraît cependant à la fois plus important et plus ouvert à la modernité que la petite boutique que j'évoquais.
SupprimerVous avez raison: l'ancien et le moderne s'y côtoient dans un joyeux fatras.
SupprimerBonjour Jacques, n'auriez-vous pas fait un voyage dans le temps, ne serait-ce que quelques secondes? Finalement, tout ce qui n'est pas très moderne permet de vivre des scénarios dignes de la science fiction. Tandis que la technologie se contente de nous la montrer cette sf, la rendant assez plate, les objets de nos souvenirs nous font vivre de véritables voyages sensationnels.
RépondreSupprimerOui, mais seule cette boutique était d'un autre temps. J'ai vu, il n'y a pas si longtemps, dans l'Yonne, en Puisaye, des villages entiers qui semblaient s'être arrêtés aux années 30 ou 50, à part les rares voitures qui passaient, bien entendu...
SupprimerSaint-Sauveur en Puisaye, village natal de Colette, est de ceux-là. Un vrai bonheur, on se sent encore en France dans ces refuges.
SupprimerSinon au registre de la nostalgie des boutiques de notre enfance, il y a aussi les épiceries. Je me rappelle que gamin j'aimais traîner dans une de ces boutiques où les parfums des épices du monde entier se mélangeaient. Et puis il y avait des dizaines de sortes de conserves de sardines, de thon, etc. dans de jolies boîtes en fer blanc décorées et colorées. Sans oublier la multitude de bocaux où des tas de confiseries n'attendaient que nous.
Alors là c'est au top, vous avez plusieurs sens qui se mélangent, odorat et vue, du coup le voyage est vraiment sensationnel. Ajoutez le son d'articles qu'on déplace et qui s'entrechoquent, vous vous retrouvez figé et tentez d'essayer de garder cette sensation le plus longtemps possible.
SupprimerJ'ai eu ce voyage l'autre jour, mais c'était plus une ambiance qu'un endroit, grâce à une chanson que je n'avais pas entendue depuis au moins 25 ans, et je me suis retrouvé un instant 25 ans en arrière, en oubliant la trotteuse du temps présent .
Quand ce sont plusieurs sens qui rentrent en action, comme c'est savoureux!
Quand le type en blouse bleue aura décidé d'arrêter, sa
RépondreSupprimerquincaillerie disparaîtra sans doute avec lui.
Profitons encore des quelques uns qui résistent encore, ce sera bientôt fini. Comme le monde que nous avons connu...
et aimé.
Amitiés.
Vous savez, Nouratin, on trouve encore de charmants petits vendeurs attentionnés aux besoin de quelque bourgeoise embagousée chez Rou_ier & P_é. J'en ai même vu un à quat'pattes, à écouter le ronronnement bizarre d'une "machine à polir les cailloux" -sic.
Supprimer-)
Ca me rappelle le disquaire neurasthénique qui m'a vendu mon premier disque de rock: "Rock Around the Clock", Bill Haley.
RépondreSupprimerMais il ne portait pas de blouse grise.