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jeudi 26 juillet 2012

Les marchés expliqués à tous (3)




Maintenant que vous possédez le vocabulaire de base, venons-en aux servitudes et grandeursde la vie de camelot (allusion fine aux malheurs d’Alfred, comprenne qui pourra).

Nous démarrâmes donc en fanfare. Mais comme une hirondelle ne fait pas le printemps, un bon départ ne garantit rien. Il faut faire sa place, trouver de bons marchés. Et ce n’est pas si facile, car les bons sont rares et courus. On peut s’y rendre et ne pas déballer, faute de place. Il faut se méfier des conseils des mange-merdes. Ils en débordent et y croient dur comme fer. Seulement, leurs plans sont tous foireux. Ils vous envoient vers des endroits de misère qu’ils décrivent comme autant d’Eldorado. Il y a une logique à cela : si leurs plans étaient bons, ils ne seraient pas des mange-merdes.

C’est ainsi que le premier été, suite à un conseil de ce type, nous partîmes faire fortune sur la côte vendéenne. La fortune consista à payer des prix exorbitants pour  être à l’abri du pognon et ne pratiquement pas dérouiller. Nous retournâmes voir le Loir-et-Cher au bout d’une semaine. Certains restèrent et, revenant en septembre, dirent qu’août n’avait pas été trop mauvais. Le mange-merde n’est pas difficile, ce qui explique son curieux régime alimentaire.

Cette courte escapade vendéenne nous donna l’occasion de rencontrer un petit couple bien sympathique mais qui attirait la poisse comme paratonnerre la foudre. Comme nous faisions du camping, ils nous proposèrent de venir planter notre tente dans leur jardin. Nous nous rendîmes vite compte qu’avec leur enfant, il crevaient littéralement la faim. Nous achetâmes donc la nourriture pour tout le monde. Ce qui rendait le camping onéreux....  Pétard, comme nous le surnommâmes ensuite, était un spécialiste des coups foireux, de ceux qui, s’ils marchaient, allaient lui rapporter un max et qui bien évidemment menaient immanquablement à l’échec. J’ai rencontré plusieurs rêveurs de ce type au cours de ma vie. En général, ils en restent au stade du projet. Pétard, lui était dynamique. Il entreprenait. Quand nous le rencontrâmes, il vendait des gâteaux de sa fabrication (véritables étouffe-chrétiens) ainsi que des pyrogravures de sa main (qu’il avait maladroite). Bien entendu, ni les uns ni les autres ne se vendaient. Il ne se décourageait pas, nourrissait sa famille de quelques gâteaux, congelait le reste et en faisait de frais pour le lendemain. Il nous raconta son prochain projet : le 14 juillet approchant, il aurait aimé vendre des pétards. Il avait une combine en or : les pétards qu’il achetait 1 franc, il les vendrait (facilement) 10. Avec 1000 F, il se ferait entre les soirées du 13 et du 14 dans les 10 000 F (sans compter les gâteaux et les gravures!). Seulement, les mille francs, il ne les avait pas. Après concertation avec mon épouse, nous lui donnâmes 500 F lui faisant valoir que s’il gagnait 5000 F, ça ne serait déjà pas si mal. Nous ne comptions jamais les revoir. Nous espérions simplement qu’ils permettraient à sa famille de manger un peu… Un an plus tard nous eûmes cependant la surprise de recevoir un mandat de ce montant. Comme quoi…

Donc, petit à petit, après des essais et des erreurs, nous parvînmes à nous constituer un réseau de marchés corrects dans le Loir-et-Cher. Léon nous fournissait de la bonne came, ça marchait comme sur des roulettes. A part que nous travaillons sept jours sur sept  avec grasse-après-midi le dimanche. Et les journées étaient longues. Parfois, le soir nous filions à Tours chez Léon au réassort  (achat d’un complément de marchandise). Nous faisions le plein du coffre de la 2 CV  dont la banquette arrière resta plusieurs mois dans son entrepôt, mangions chez lui et revenions très tard dans la nuit.

L’Estafette déjà bien faiblarde (ce qui explique l’utilisation sus-indiquée de la 2 CV) rendit l’âme. Nous achetâmes un beau gros fourgon tout neuf. Je m’offris également une 604 d‘occasion encore plus confortable que la 2 CV.

Parallèlement (ou conséquemment, allez savoir) enseigner me lassait de plus en plus. Nous avions commencé fin avril 1981, le 10 mai 1981 se produisit ce que l’on sait. Contrairement à bien des collègues, je n’en fus qu’à moitié ravi. De plus, ma chère directrice, n’approuvant que du bout de l’enthousiasme mes activités annexes et désapprouvant cordialement mon sens de la discipline et mes opinions qu’elle devinait non gauchistes  me tapait sur les nerfs. La cerise sur le gâteau fut une inspection en anglais dont l’entretien subséquent  tourna au conflit ouvert avec l’inspecteur. S’ensuivit  un rapport pas piqué des hannetons.  J’étais jeune, impulsif et fier. Je pris la décision de quitter l’Éducation Nationale, d’abord en me mettant en disponibilité. J’en fis donc la demande.

Les marchés rapportaient bien plus que mon boulot et pour la suite, on verrait…

En fait, quelques mois après la fin de l’année scolaire 1981-82, nous allions quitter les marchés pour une autre aventure.

27 commentaires:

  1. J'attends la suite avec impatience.
    Moi, qui ne me suis jamais résolu à quitter l'éducation nationale, avec vous je vis des aventures par procuration.

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    1. Je ne sais si vous avez bien ou mal fait. Tout ce que je sais c'est que je ne regrette rien.

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  2. Excellente série de billets !
    Vivement demain...

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  3. Que du bonheur, les histoires de l'oncle Jacques,deviendra t il le roman de l'été pour nous c'est oui sans hésiter.

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    1. Oh, mais tonton Jacques il en a encore plein sa besace des histoires ! Pas toutes racontables ! Et il pourrait lasser...

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    2. Le plus fâcheux serait non pas qu'il SE lasse, surtout. Quant à attirer les jeunes, comme le suggère Aristide ci-dessous, je SUIS jeune (43 ans 1/2 tout de même)

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    3. On se lasse de tout, Al ! Mais bon, le coeur y est encore, toutefois il ne s'agit pas ici de faire une autobiographie complète. Il faut de la variété. Et puis un blog qui ne parlerait pas politique de temps en temps priverait son auteur de bien des occasions de sortir des conneries...

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    4. Surtout avec le Président Normal™ que la Terre entière ne va pas tarder à nous envier (mais qu'il y aille, qu'il y aille), son Premier sinistre et l'aréopage de bras cassés qui l'entourent. Et puisque l'on se lasse de tout, plus ou moins, puissiez vous continuer longtemps à ne pas lasser vos lecteurs..

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  4. Faudrait mettre tout ça en bandes dessinées. Pour attirer les jeunes. Ou alors sous forme de clip avec du bruit, euh, de la musique bien rythmée.

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    1. On va demander aux instances de l'UMP ou du PS, ils savent bien faire ce genre de chose.
      Je vois bien Darmon dans le rôle du meneur de jeu.

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    2. Certes, Aristide, mais je dessine comme un cochon. Quant aux clips, les acteurs ont bien vieilli quand il n'ont pas disparu.

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    3. Ca me rappelle un peu "Les belles histoires de l'oncle Paul" que je lisais dans les vieux Spirou de mes oncles et tantes.
      C'était toujours très moral et patriotique.
      Un autre monde.

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    4. Vous êtes bien jeune ! Ces belles histoires, je les lisais à leur parution, me semble-t-il...

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    5. Ah, vous aussi vous avez été nourri à l'oncle Paul.
      Il semble que ces histoires aient eu une fâcheuse tendance à produire des esprits réactionnaires, même à retardement.
      Fort heureusement tout cela est du passé dont on fait les tables rases.

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  5. Ça me semble tout de même manquer de pianistes ces marchés !

    http://rachelarnaud.unblog.fr/les-danses-de-lamarrage/le-film/

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    1. En effet, nous manquions tragiquement de pianos.

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    2. Les seuls instruments adaptés au plein air sont le cor des alpes et le cor de chasse (plutôt le soir au fond des bois qu'en plein air d'ailleurs).

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  6. Encore, encore ... c'est vraiment un plaisir

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  7. Comment ça, Gilbert ? Comment osez-vous? J'ai supprimé votre commentaire : pas de ça ici !

    (En fait, il n'y a pas de Gilbert et, conséquemment, il n'a rien écrit. J'utilise simplement une technique que je viens de découvrir sur un blog : on répond à un commentaire supposé supprimé et ne laissant aucune trace. Ridicule !)

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    1. Alors là vous vous êtes surpassé !
      Et pour ce qui est du "nonsense", jazzman est enfoncé !
      Mais surtout, surtout, ne nous dites pas sur quel blog vous avez fait cette découverte, car tous vos lecteurs s'y précipiteraient, ce qui risquerait de déclencher une nouvelle passion irrépressible en vous.

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    2. Vous essayez de me rendre jaloux, mais ça ne marche pas. Aucune réaction, comme Gilbert.

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  8. En tout cas vos aventures sont fort plaisantes et vous avez
    manifestement bien fait de quitter ce ramassis de socialos
    ahuris qu'est l'Education Nationale.
    Au fait, les histoire de l'Oncle Paul, c'était pas plutôt
    dans le Journal de Tintin?
    Amitiés.

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  9. et les foires, vous faisiez les foires ?

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    1. Oui, bien sûr... La plus mémorable (et juteuse) fut celle où nous retrouvâmes Panier, dont je n'ai pas parlé jusqu'ici. En disant tout, on deviendrait lassant.

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