..Toi qui entres ici, abandonne tout espoir de trouver un contenu sérieux. Ici, on dérise, on batifole, on plaisante, on ricane.

samedi 17 décembre 2011

Le temps, quand il ne le tue pas, peut renforcer l'amour...





C’est Samba N’Diaye qui m’a fait connaître la Mère Thibaud. C’était une solide métisse qui avait dû être belle un jour, mais ce jour datait. Elle tenait un petit bistrot-restaurant à Thiès où Samba m’avait emmené dîner ou déjeuner, je ne sais plus tant le jour de notre première visite nos libations furent abondantes. Nous y retournâmes plusieurs fois. L’ambiance était sympathique et, n’étant pas trop dérangée par les clients, la patronne nous accordait tous ses soins. La cuisine était acceptable, sans plus.

A notre deuxième visite, j’eus l’honneur d’être présenté au Père Thibaud. Car père Thibaud il y avait. C’était un français, retraité des chemins de fer. Vieux, très vieux, gâtissime même, il ne bougeait pas de son fauteuil et encore moins de la pièce fraîche où on le tenait. Il ne parlait plus.

Samba me raconta l’histoire du couple. La mère Thibaud, alors  que sa jeunesse agitée  commençait à se flétrir, décida de faire une fin. Et cette fin incluait le Père Thibaud, déjà  vieux. Il avait une trentaine d’années, bien tassée, de plus qu’elle. Elle l’épousa donc se disant que le bon vieux, pas très solide, ne tarderait pas à passer l’arme à gauche lui laissant une pension de réversion très substantielle pour le pays.

Miracle de l’amour, au lieu de prendre le chemin du paradis, le brave homme retrouva sa jeunesse et lui fit un enfant.  Le temps passa, l’enfant grandit, sa mère vieillit, Thibaud dépérit. Lorsque je les rencontrai le bambin était bien engagé dans la vingtaine. Et il ne faisait pas grand-chose. Rien, pour être précis. Du coup, de pressée qu’elle avait été de se vautrer dans les délectations moroses du veuvage, la Mère Thibaud était progressivement revenue à de meilleurs sentiments : cloué dans son fauteuil, le pauvre vieux ne risquait pas de dépenser la moitié de la pension qui partirait avec lui. Il devint donc l’objet des soins attentifs et empressés de sa petite famille : plus il durerait, moins le besoin la menacerait.

On peut gager que le jour où, malgré les attentions dont on l’entourait, le Père Thibaud rendit l’âme, il fut amèrement regretté.

2 commentaires:

  1. Histoire très intéressante qui prouve que les pensions de réversion honteusement basses, ont tout de même leur bon côté : elles évitent à tout un tas de petits vieux d'aller encombrer un peu plus les mouroirs d'état.

    RépondreSupprimer
  2. Belle histoire d' amour qui pour une fois termine bien.

    RépondreSupprimer

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.