..Toi qui entres ici, abandonne tout espoir de trouver un contenu sérieux. Ici, on dérise, on batifole, on plaisante, on ricane.

vendredi 10 octobre 2014

Patrick Modiano



Ainsi M. Modiano vient à la surprise générale de se voir attribuer le prix Nobel de littérature. Ce n’est pas rien. Le voici l’égal des Tomas Tranströmer, Wisława Szymborska, Mo Yan pour ne citer que les plus prestigieux lauréats de ces dernières années !

Ce qui rend la surprise moindre, c’est qu’il a écrit des livres. Il eût été plus étonnant qu’il se fût vu attribuer le Nobel de Médecine, de physique ou de macramé-pâte-à-modeler.

Mais je me montre moqueur. C’est d’autant plus condamnable que j’ai été, un temps fut, un lecteur enthousiaste du grand Patrick. La Place de l’étoile me l’avait révélé et j’ai encore dans ma bibliothèque treize de ses romans, soit pratiquement tout ce qu’il a écrit entre  1968 et le début des années quatre-vingt dix. J’aimais son style limpide, l’étrange ambiance qu’il savait créer  avec ses personnages énigmatique évoluant dans un monde interlope et sur lesquels planait l’ombre d’un passé trouble. De plus, au fil de leurs déambulation, à condition de se munir d’un plan de Paris, on pouvait, comme le souligna ironiquement je-ne-sais-plus-quel-critique, devenir incollable sur le VIIIe arrondissement. Ce qui est utile à qui rêve de devenir chauffeur de taxi.

Ce qui provoqua ma lassitude, c’est le curieux sentiment de déjà vu que finirent par provoquer en moi la lecture des derniers romans que je lus de lui. Je l’ai déjà dit, en matière de littérature, je suis atteint d’amnésie. Un livre si beau soit-il, ne laisse en mon esprit quasiment aucune trace. Nom des personnages, intrigue  s’évaporent au point qu’un esprit malin pourrait me soupçonner de n’avoir jamais rien lu. Accessoirement, je ferais bien piètre figure dans les salons où on cause littérature. Il m’arrivait même d’acheter un livre que je possédais et avais déjà lu et de ne me rendre compte de mon étourderie qu’en le rangeant à côté de son jumeau. 

Avec Modiano, j’eus l’impression contraire : alors que j’entamais son dernier roman paru, j’avais le sentiment de l’avoir déjà lu. Sensation ressentie  auparavant avec les écrits de Pierre Benoit et Françoise Sagan. J’en vins à la conclusion qu’en fait, il n’avait écrit qu’un roman qu’il déclinait à l’infini  en en changeant le nom des personnages et en modifiant légèrement leur itinéraire à travers le VIIIe. Je cessai donc de le lire.

Mon jugement est probablement outré. Surtout que cet unique roman perpétuellement remâché est de qualité.

Toutefois, il y a une chose qui ne me lasse jamais chez cet auteur : ses interviews. Son élocution hésitante, ses phrases jamais terminées, ses perpétuelles corrections d’assertions non émises, le labyrinthisme de sa pensée que cela révèle, me réjouissent. Je me demande l’effet que les inévitables interviews que lui imposera  la presse étrangère aura sur des auditeurs non-avertis et plains d’avance les courageux traducteurs qui lui serviront de truchement et dont l’aptitude professionnelle se trouvera à jamais remise en cause…

jeudi 9 octobre 2014

De la cécité en France



J’ai aperçu l’autre jour une pub à la télé déclarant qu’il existait en France 2 millions d’aveugles et de mal voyants. Je suppose qu’il s’agissait de sensibiliser les braves gens au problème ou de les faire cracher à quelque charitable bassinet. Ce chiffre m’a étonné par sa faiblesse. J’avais l’impression qu’il était autrement plus important.

En mai 2012, ils furent  18 millions à ne pas voir qu’en choisissant Hollande, ils fonçaient dans le mur. Ils sont encore 13%  à faire confiance à ce monsieur. Selon un sondage de 2011 14% jugeaient positif l’impact de l’immigration sur le pays et 28% pensaient qu’elle faisait de la France un endroit plus agréable ou vivre tandis qu’ils étaient un peu moins (24%) à déclarer qu’elle était bonne pour l’économie du pays et que 20% ne trouvait pas ses effectifs trop importants. Certains de ces résultats sont un rien contradictoires mais peut-on en vouloir à des aveugles ou malvoyants de ne pas avoir une vision bien cohérente et nette des choses ?

On me dira que ces malvoyants sont très minoritaires, que leur faible nombre montre à quel point le clergé multiculturaliste (politiciens « intellectuels », media), malgré tout le zèle qu’il y met,  prêche dans le désert  et que tout cela  est bien rassurant. C’est une façon de voir. Car tant que des majorités quelconques se prononceront en faveur de partis ou de personnes qui, pour ne pas froisser, afin de récolter une partie de leurs votes, continueront de prendre en compte les attentes des aveugles et malvoyants, tant qu’elles mettront en tête du hit parade des politiciens populaires un Juppé dont l’attitude vis-à-vis du multiculturalisme est pour le moins ambigüe (il le dénonce tout en insistant sur l’importance de l’ « Islam de France ») rien ne changera et  un multiculturalisme de fait continuera de se développer avec tous les dangers qu’on lui connaît.

mercredi 8 octobre 2014

Lisez Price !



Je viens de finir Price, roman de Steve Tesich, l’auteur de Karoo dont j’ai parlé ici. Comme diraient l’infatigable nymphomane ou le quasi impuissant quand ils aperçoivent le bout du tunnel menant à l’orgasme : « Ça vient quand on n’y croyait plus ! »

J’ai exprimé mon peu d’appétence pour la lecture ces temps derniers.  J’ai été incapable d’apprécier quoi que ce soit, mises à part leurs vertus soporifiques,  dans les derniers ouvrages que j’ai tenté de  lire et bien vite abandonnés. J’hésitais à faire l’emplette de Price, le roman nouvellement paru de Steve Tesich aux éditions Monsieur Toussaint Louverture. Et puis, ma fille se demandant quoi m’offrir pour mon récent anniversaire, je me suis dit : Pourquoi pas Price ?

Le livre m’est arrivé voilà trois jours et je l’ai dévoré. Alors que je peinais à lire plus de quelques pages avant qu’un livre ne me tombe des mains, j’en lus avec ravissement près de cent-cinquante par jour anxieux que j’étais d’en connaître la suite et effrayé du vide où sa fin me laisserait.

De quoi s’agit-il ? De l’été 1961 que traverse Daniel Price, adolescent de 18 ans (le titre original est Summer crossing) qui, emporté par une passion folle pour l’énigmatique, belle et déroutante Rachel, abandonnera un monde fait de copains « inséparables », de sport, d’une famille rongée de sourdes rancœurs avant de finalement quitter sa banlieue de Chicago pour Dieu sait où.  La recette est simple : Vous prenez un père mourant hanté par le sourire qu’il n’a pas su faire naître aux lèvres de sa femme, vous y ajoutez une fille fantasque qui souffle le chaud et le froid sur les braises d’un amour qui se rêve fusionnel, une mère monténégrine belle et sage, un supposé père que sa fille soutiendrait à bout de bras, des copains qui évoluent chacun à leur manière et qu’obtenez-vous ?  Une bouse infâme si vous n’avez le talent diabolique de Steve Tesich.

Parce qu’ici, comme dans toute œuvre littéraire, l’intrigue n’est rien. Tout est dans le talent de l’auteur à nous entraîner dans le monde qu’il crée, à nous faire partager les émotions et sentiments de personnages que son art parvient à faire quitter le monde de la fiction pour leur donner, l’espace d’une lecture, une existence tangible, émouvante, sinon vraie du moins vraisemblable. De ça je donnerai un exemple. Au tout début du roman, Daniel Price, alors qu’il vient de perdre une compétition de lutte voit s’éloigner la voiture de son entraîneur qui l’a déposé à un carrefour ou aboutit la rue où sa vie basculera. Tesich précise : « Son feu arrière gauche était cassé ». Détail superfétatoire : nous ne sommes pas dans un polar : que le feu arrière gauche soit cassé  n’a aucune importance. On n’en parlera jamais plus. Seulement, en le mentionnant, Tesich ancre son récit dans le vraisemblable, nous entraîne, illusionniste qu’il est, à croire en la réalité de sa fiction. Ça, c’est de l’art et du beau !

Alors, chef-d’œuvre ? Pas Chef-d’œuvre ? Je n’en sais rien et je m’en fous. Ce livre a su faire naître en moi une foule d’émotions. N’étant amateur ni de tableaux d’honneur ni de hit parades,  je dirai simplement que j’ai passé à sa lecture d’excellentes heures et que je ne saurais trop encourager ceux qui m’accordent un peu de jugement et de goût à le lire.

mardi 7 octobre 2014

De l’ « actualité » des classiques



François Hollande, à la recherche d’une roue de secours, nomme, fin 2014, après la démission du gouvernement Valls, Marylise Lebranchu premier ministre. Martine Aubry, qui guignait le poste, vexée comme un rat et folle de rage à cette annonce, fout à travers la gueule de celle qu’elle considère être une rombière hors d’âge, un pain à lui faire faire trois tours dans son string. Elisabeth prend mal la chose et confie sa rage à sa fille Léontine, laquelle se trouve alors dans le caca noir, vu qu’elle projetait de se pacser avec Élodie, la fille de Martine. Mais bon, le devoir, c’est le devoir et il faut remettre les bouffons à la place qui leur revient. Elle décide donc de régler son compte à la Martine et l’attend, kalachnikov en main à la sortie de son bistrot favori. Victime d’une overdose de plomb dans les viscères, la brave Martine rend l’âme. Élodie en est toute contrariée.  C’est alors que l’on apprend que des fascistes, refusant la GPA et la PMA se dirigent vers l’Élysée pour y contester le bien fondé des politiques sociétales du François.  Le sang de Léontine ne fait qu’un tour, et, à la tête de quelques républicaines résolues, elle se porte à l’avant des trublions, bientôt rejointe par des cohortes citoyennes. Ensemble, ils anéantissent les fachos. . Ce que constatant, François pardonne à Léontine son mouvement d’humeur, étouffe l’affaire et lui affirme qu’en gnougnoutant la touffe d’Élodie de temps à autre et grâce son appui, les choses finiront bien par s’arranger un jour.

Qu’est-ce que c’est que cette connerie se demanderont certains qui n’auront pas reconnu dans cette fantaisie une version modernisée du Cid de Corneille ? Cette ânerie politico-fictionnelle m’a été inspirée par un reportage entrevu à la télé et consacré à une « nouvelle lecture », comme ils disent, du Tartuffe où les personnages portaient des costumes plus ou moins modernes.

Moderniser Le Cid ou Tartuffe me paraît totalement absurde. Tenter de faire de Rodrigue ou d’Orgon des personnages contemporains est ridicule car si peuvent encore se poser le problème du choix  entre amour et devoir ou celui  de l’hypocrisie des fanatiques ça ne saurait aucunement être dans les mêmes termes que dans la première ou la seconde moitié du XVIIe siècle. Corneille met sa plume au service de la politique de Richelieu. Il traite des problèmes contemporains de la France même si l’intrigue est censée se dérouler au XIe siècle espagnol. De même Tartuffe se fait l’écho des débats de son temps : le parti dévot s’y sentira attaqué et fera interdire la pièce avant que le roi n’en autorise la représentation deux ans plus tard.  

Si les pièces du répertoire classique ont un intérêt, il faut le chercher dans leurs qualités intrinsèques et non dans leur capacité à traiter des questions d’actualité. Un avare d’aujourd’hui n’a pas le comportement d’Harpagon pas plus que Scapin n’est l’archétype du personnel de maison d’aujourd’hui. Quand au bon Charlemagne des chansons de geste, si chères à l’ami Mat, il faut une capacité peu commune à la distorsion des faits pour y voir un président de la Ve république.

Si on veut traiter des mêmes sujets à la mode de notre époque, il faut écrire de nouvelles pièces et non habiller Rodrigue en costume trois-pièces, faire de Tartuffe un « intégriste » d’aujourd’hui ou de Charlemagne un démocrate humaniste. La démarche qui consiste à « actualiser » les personnages classiques relève de la plus crasse des démagogies et du mépris d’un public qu’on juge incapable de comprendre les problématiques d’une autre époque et suffisamment infantile pour ne pouvoir s’intéresser qu’à ce qui concerne son quotidien.

lundi 6 octobre 2014

Combien d’égorgements aujourd’hui ? (Billet cynique)



Les islamistes continuaient d’égorger au couteau ébréché de plus en plus d’otages. Hélas pour eux, dans l’indifférence générale. On s’y était fait. Ce qui était au départ apparu comme le summum de la cruauté s’était peu à peu transformé en statistiques. Les premières décapitations avaient fait un tabac. On poussa les hauts cris ici et là, on parla d’inacceptable barbarie, on évoqua d’éventuelles et terribles représailles. Et puis, comme toutes les choses qui se répètent, on finit par s’en lasser, ça devint un chiffre comme celui des morts de la route, du tabac ou du suicide, en bien moindre…

Pour relancer la machine à indigner, on égorgea les nouveau-nés de volontaires humanitaires, on tourna des vidéos de viols collectifs de leurs femmes avant qu’on ne les crucifie, mais ce ne furent au départ que des demi-succès avant qu’ils ne rencontrent la plus parfaite indifférence. On engagea alors, à prix d’or, des communicants de pointe pour tenter de relancer l’intérêt mais rien n’y fit. Ahmed Abdel Trucmuche, l’homme qui décapite plus vite que son sabre, fit un temps renaître l’espoir : quarante Amerloques,  dix Angliches, huit Franchouillards et deux Chleus zigouillés en 60 secondes chrono,  d’un coup net, d’un seul,  il faut reconnaître que ça avait de la gueule. Mais,  que voulez-vous, même les plus étonnants numéros de music-hall fatiguent à la longue…

Le principal problème des barbares est leur barbarie. Leur cerveau arriéré  leur interdit de comprendre la mentalité de l’occidental d’aujourd’hui. Ils croient sottement pouvoir l’influencer par de dérisoires mises en scènes, ils pensent pouvoir ainsi instiller l’effroi dans son esprit. Seulement, l’occidental a bien d’autres préoccupations. Quelques exécutions sommaires pratiquées dans le trou du cul du monde, quoi qu’il prétende, l’intéressent bien moins qu’un retard de paiement de ses allocations, que le futur score de l’équipe qu’il soutient ou que le prochain tirage du loto.

Il y a des pros chargés de ces affaires : on les envoie larguer quelques centaines de tonnes de bombes sur la tête de ces connards, lesquelles font bien plus de victimes en beaucoup moins de temps qu’Ahmed Abdel Trucmuche au mieux de sa forme, victimes dont on se fout au point de ne pas prendre la peine de les mentionner. Et le monde continue de tourner…

Les barbares vivent dans un monde de foi violente. Notre monde est fait de spectacle et d’indifférence où les bons sentiments affichés dissimulent mal la vacuité morale. Quelque part, le barbare nous prend pour son égal, son semblable, son frère. Il tente de nous frapper là où ça lui ferait  mal. Il se trompe. Des décennies d’abrutissement nous ont rendus quasi-invulnérables aux attaques externes. Nous ne saurions mourir que des maux internes qui se développent sous notre impénétrable cuirasse. C’est de ces derniers que nous ne réchapperons  pas !