Hier matin, je m’en fus à la banque parler placements avec
mon cher directeur d'agence. Ce bavard était bien entendu en retard, occupé qu’il était
à parler des élections municipales où il est candidat. Pendant ce temps, je faisais le poireau dans
le coin-salon réservé à l’attente en lisant le supplément de la Manche Libre
consacré à l’immobilier. On tue le temps comme on peut…
Mon interlocuteur finit par arriver mais s’arrêta d’abord pour saluer l’employé
anglais chargé de la clientèle de même origine. Vu que 12 % des pratiques de l’agence sont des Britanniques, sa
présence n’est pas un luxe inutile. Ce brave homme attira l’attention de son
directeur sur une magnifique automobile rouge garée devant la banque, disant à quel point ce modèle était rare et appartenait à un temps où Jaguar était encore
Jaguar. Vu son français approximatif, je pris l’initiative de lui signaler dans
sa langue qu’il s’agissait en fait d’une Daimler. Je reçus en réponse et dans
la même langue une réplique flatteuse : « Je ne savais pas que vous
étiez Anglais » Je rectifiai en annonçant ma nationalité, ce qui l’étonna.
La conversation se poursuivit en cet idiome et je me vis complimenté pour la
quasi-inexistence de mon accent et ma pratique étonnamment courante de la
langue.
Il m’arrive de temps en temps de venir à l’aide de clients
anglais dans les commerces quand ils ont du mal à exprimer leur requête. Ce qui
me vaut l’estime du commerçant et l’étonnement reconnaissant des assistés.
Cette surprise vient surtout de ma nationalité. Il semblerait que pour les
Anglais, un Français ne peut, dans le meilleur des cas, que balbutier sa langue
avec un accent à la Maurice Chevalier. Dans le cas contraire, il vous classe au mieux parmi les siens et au pire vous croit Hollandais.
Ainsi donc, cette journée commençait par deux agréables
flatteries : un véhicule et un anglais d’exception ! De quoi vous mettre de bonne humeur si vous
ne l’étiez déjà…
L’entretien avec mon banquier fut agréable et se poursuivit,
nos affaires réglées, devant un apéro au café d’en face où nous parlâmes
escroqueries et pratiques bancaires sans que les deux sujets ne se
mélangeassent. Après cette agréable
matinée, je rentrai chez moi et passai l’après-midi à installer le chauffage
dans ma cabane de jardin et à terminer son isolation avec cette sérénité de l’âme qui caractérise le bilingue
poseur de placo.Comme quoi il est des bonheurs simples...