Le bâtiment entouré, en bas à droite est le préfabriqué où j'enseignais |
En mars 1973, il y eut des élections législatives. Je me
trouvais alors enseigner à Dreux dans le quartier un temps célèbre puis
débaptisé des Chamards. Cette résidence de 400 logements conçu au début des
années soixante abritait dix ans plus tard un mélange d’autochtones et d’immigrés.
Le gérant, ancien combattant d’Algérie, pratiquait une politique de ségrégation
raciale basée sur la hauteur : les arabes dans les petits immeubles et les souchiens
dans les hautes tours. C’était comme ça. Le « brave homme » était
sans états d’âme…
Or donc, en la bonne ville de Dreux qui devait s’illustrer dans les années 80 en devenant le
premier bastion conquis par le FN, la campagne électorale faisait rage. En bon
petit soldat gauchisant, j’y pris une part active : la nuit venue, en
compagnie d’autres militants, je collais des affiches. Au deuxième tour, ce fut
le candidat socialiste, Maurice Legendre, qui se trouva porter les couleurs de
la gauche. Cependant, une chose me
chiffonna durant les affichages : en dehors de militants communistes, j’étais
le seul à coller. On sentait comme une
animosité de ces manieurs de pinceaux vis-à-vis des « sociaux-traîtres ». Il leur
fallait mobiliser tout leur sens de la discipline pour faire campagne pour des
gens qu’ils détestaient profondément.
Une autre caractéristique amusante de mes rouges camarades était l’ardeur avec laquelle ils se ruaient
sur les affiches des gauchistes pour les réduire en lambeaux tandis qu’ils
épargnaient les affiches de l’UDR.
Legendre l’emporta. M. Badinter, un moment pressenti pour
représenter le PS dans la circonscription mais qui vit sa candidature rejetée
par les locaux, vint même le soutenir lors d’un meeting. Je ne pus m’empêcher
de remarquer l’empressement que mit l’avocat-milliardaire-par-sa-femme (fait
que j’ignorais alors) à s’éclipser son
intervention finie, refusant la proposition du candidat de prendre un pot avec
les militants. Être socialiste est une chose, se mêler aux ploucs en est une
autre… Je suis méchant : peut-être faudrait-il n’y voir qu’un reste de rancune
suite au rejet.
Mais cette victoire, me laissa un goût amer. Mon
anticommunisme était déjà virulent. Le militantisme et le nombre de ses membres
me fit craindre qu’en cas de victoire de la gauche le Parti Communiste ne prît
le dessus et n’imposât ses vues un rien particulières sur la démocratie.
Innocent que j’étais ! Je plaiderai
la jeunesse. Toujours est-il que je pris alors la décision d’adhérer au PS,
pensant qu’il était urgent d’en renforcer la base militante.
Cette expérience fut
ennuyeuse. Les réunions de section étaient surtout consacrées aux
problèmes « institutionnels ». Si je me souviens bien, suite aux
problèmes d’investiture, la section avait été dissoute et il fallait trouver
une solution pour la reconstituer. On ne parlait que de ça. L’un brandissait
une lettre de Pierre Maurois, l’autre laissait entendre que sa lettre, il
pouvait se la carrer où je pense. Débats animés mais sans intérêt. Je
sympathisai avec une militante dont les idées, très à gauche, me semblaient
compatible avec les miennes. Elle militait au sein du CERES, un courant mené
par un jeune loup : Jean-Pierre Chevènement. Il est, au passage, curieux
de noter comme le temps transforme en vieux jetons les jeunes loups. De plus,
ce sympathique courant était d’un anticommunisme rabique. Tout pour plaire.
Malheureusement, la section était plutôt de tendance ex-SFIO et évitait les débats idéologiques.
Une jeune camarade nous rejoignit en la personne de
Françoise Gaspard, fille d’un vieux militant local, qui devait quelques années
plus tard devenir maire de Dreux puis députée. Agrégée, Sciences-po, elle s’apprêtait
à rejoindre l’ENA. Compensant son
brillant cursus par une froideur et une distance remarquables cette passionaria
du lesbianisme devait perdre la ville en 1983 au profit d’une alliance FN-RPR.
Quelques mois plus tard, je partis passer un an Outre-manche.
On continua de m’y envoyer les convocations pour les réunions de section.
A mon retour d’Angleterre, je partis étudier à Tours. Je ne
renouvelai pas mon adhésion et là, suite à des déceptions syndicales, j’abandonnai
définitivement mes convictions de gauche.