..Toi qui entres ici, abandonne tout espoir de trouver un contenu sérieux. Ici, on dérise, on batifole, on plaisante, on ricane.

mercredi 18 juillet 2012

Repentance, mon cul !





Après le devoir de mémoire, serait venu le temps de la repentance.

Le devoir de mémoire est certes une bonne chose. Se souvenir de son histoire est important pour un peuple. Ça  participe à la définition de son identité. Ça permet aussi, dans une certaine mesure, de voir ce qu’il serait bon de reproduire et ce qu’il faudrait éviter. En étant bien conscient qu’analyser avec les valeurs d’aujourd’hui le monde d’hier est souvent aussi stupide que malhonnête et inapproprié. Comme le disait le bon Montaigne, « Le monde n'est qu'une branloire pérenne : toutes choses y branlent sans cesse, la terre, les rochers du Caucase, les pyramides d'Egypte : et du branle public, et du leur. La constance même n'est autre chose qu'un branle plus languissant. » Comment juger ce monde perpétuellement changeant à partir de critères qui, si on les croit universels et intangibles, ne tirent pas moins leur apparente valeurs que d’une mode fugace ? L’immuable n’est pas de ce monde. Pour qui ne croit pas en l’ « autre monde », il est de nulle part.

Venons-en à la repentance. D’abord, notons que dans le Petit Robert, mon vieux compagnon (édition de 2003), le terme est noté « vieilli ou littéraire ». Preuve de plus que le vocabulaire comme toute chose est soumis au « branle universel ». Il y a neuf ans, il était plus moderne d’utiliser le mot repentir (« Vif regret d’une faute accompagné d’un désir d’expiation, de réparation »).  En fait, ce renouveau de vigueur lexical le mot le doit à sa contamination par son sosie intégral anglais lequel était dérivé de l’ancien français… repentir ! Le serpent linguistique se mord parfois la queue !

Récemment, ce terme est passé du domaine religieux  ou de la morale individuelle aux domaines du droit public et des relations internationales.  Les états pourraient ou mieux devraient exprimer leur repentance vis-à-vis d’autres états ou de « communautés » (plus ou moins clairement définies) sur des actions passées réputées mauvaises. Il est évident que le jugement porté sur ces actions se fait en fonction des valeurs morales et de l’interprétation de l’histoire que l’on a à une époque donnée.  Avec toutes les variations que cela a impliqué, implique et impliquera.

En admettant qu’un état pense devoir exprimer son « vif regret et son désir d’expiation » au sujet de telle ou telle « erreur » commise dans un lointain passé cela reviendrait à reconnaître la transmission héréditaire des culpabilités. Ce qui a connu des précédents  regrettables comme dans le cas de l’antisémitisme qui faisait des juifs les héritiers des déicides et justifiait aux yeux de certains leur persécution.  Et puis, cette fameuse culpabilité, qui la porte ? L’état ou les citoyens ? L’état, en tant que personne morale, doit-il endosser l’héritage des régimes qui l’ont précédé et que le régime actuel a renié ?  Les citoyens peuvent-ils être considérés comme responsables héréditaires de fautes auxquelles leurs ancêtres n’ont pas nécessairement participé et dont ceux-ci n’ont pas obligatoirement bénéficié ? S’il y avait réparation à opérer qui en faire bénéficier ?  Dans le cas de la traite négrière s’agirait-il des descendants des esclaves, des citoyens des états qui se sont vus amputer d’une partie de leur richesse humaine ?  Des deux ? De leurs états, même si ceux-ci n’existaient pas au moment des faits ou ont collaboré à la traite ?

La repentance paraît une belle chose vue de loin. Elle semble pourtant poser plus de problèmes qu’elle n’en résout. Dans le meilleur des cas, elle constitue un « beau geste » aussi gratuit qu’inutile et formel ; dans le pire elle relève d’une forme de masochisme offrant à ceux qui s’y adonneraient  le trouble plaisir de se couvrir la tête de cendres et l’occasion d’une délectation morose pouvant à terme les mener à l’auto-détestation.  Je n’en vois l’intérêt ni  pour les  descendants des « victimes » ni pour ceux des « bourreaux ». A moins que l’on juge utile de revivifier de vieux ressentiments afin de compliquer le bon voisinage des communautés ou des nations ?

Le président Sarkozy avait déclaré au soir de son élection, le 6 mai 2007 : « « Je veux en finir avec la repentance qui est une forme de haine de soi, et la concurrence des mémoires qui nourrit la haine des autres ».  C’est ce que je voulais exprimer de manière lapidaire par mon titre.

mardi 17 juillet 2012

L’omniprés(id)ence !


Ce quinquennat, faute de s’annoncer grand  (quoi qu’en pensent certains) s’annonce réjouissant. On sent bien le changement !  On reprochait à M. Sarkozy  de se mêler de tout. Son successeur, pour affirmer sa différence, semble ne s’occuper de rien mais le faire partout. 

Il n’y a pas une journée où on ne nous le montre, visage réjoui, blagounette vaseuse à la bouche, aux quatre coins de la France. Brest, Avignon, l’Insep : il est partout ! Après l’hyper-président nous voici avec l’omniprés(id)ent.

Curieusement, les média semblent vouloir donner au moindre de ses faits et geste une portée qu’on a du mal à saisir.  Il tire à l’arc et met dans le mille ! Fascinant, non ? Admirons :



Que n’aurait-on pas dit de Sarkozy s’il s’était livré à ce genre de pitreries ? Faut-il ne voir en cet exploit que le début d’une longue série ? Quand le temps le permettra, le verra-t-on torse nu participer aux moissons ? Fera-t-il un bout de chemin à vélo avec les forçats de la route lors de sa prochaine visite au Tour de France ? Nous le montrera-t-on bientôt courir, sauter, monter, tirer, lancer, nager, pédaler, lutter, boxer  à Londres ? 

En fait, s’il n’y prend garde, l’omniprés(id)ent en poursuivant sur cette lancée courrait le risque de rappeler  un autre dirigeant qui fut en son temps meilleur danseur, meilleur moissonneur, meilleur nageur, meilleur meilleur de son pays. Il se prénommait Benoît mais à l’italienne…

Il est évident qu’au niveau politique ils diffèrent. S’il avait été socialiste, l’autre  ne l’était plus. Pourtant quelque chose les réunit : le profond ridicule. Quant aux médias, ils ont évolué : plus besoin de les asservir, ils devancent les désirs des puissants ( à condition qu'ils soient socialistes) !

lundi 16 juillet 2012

Le principe de la charrette




Ce principe est méconnu. Je pense même être le seul à l’avoir conceptualisé, du moins sous ce vocable, il y a déjà bien longtemps. Il tire son nom d’une histoire que j’avais entendue dans ma prime jeunesse. Je vous la livre avant d’en venir à l’énonciation du principe.

Précisons que cette histoire se passe en ces temps reculés où plutôt que de les obliger  à s’ennuyer au collège on contraignait les jeunes dès leurs tendres années à travailler. Âmes sensibles s’abstenir (d’ailleurs on se demande ce que pourrait bien faire une âme sensible dans un lieu si nauséabond).

Or donc, un matin, à l’heure de l’embauche, un gamin d’une douzaine d’années se tient à côté d’une charrette à bras lourdement chargée. Il est en bas d’une rude côte. Il semble rassembler ses forces pour attaquer la montée.
Vient à passer un brave ouvrier (l’ouvrier, en ces temps barbares était généralement brave et se déplaçait à pied). Il comprend immédiatement la situation et propose son aide au gamin, lequel accepte. Il saisit donc  les brancards et entreprend de tirer la voiture à bras, tâche qui s’avère difficile même pour un robuste travailleur. Essoufflé et suant, l’homme interroge le gamin qui monte à ses côtés, mains dans les poches et sifflotant.
-          C’est ton patron qui t’a confié cette charrette ?
-          Oui m’sieur !
-          Donner un tel travail à un gamin de ton âge ! Il n’a pas honte ?
-          Non m’sieur !
-          C’est vraiment dégueulasse ahane la belle âme !
-          Non, pas vraiment, lui répond le pauvre gosse.
-          Comment, ça ? Il faut vraiment être une ordure pour faire faire un tel travail à un enfant !
-          Comme vous y allez ! Une ordure ?
-          Oui, j’appelle ça une ordure dit l’offusqué, arrivant en nage en haut de la côte là où les marchandises doivent être livrées.
-          En fait, mon patron est très gentil avec moi.
-          Gentil ? Tu appelles ça gentil de  confier une tâche qu’un costaud à du mal à accomplir à un p’tit bout de chou comme toi ?
-          Oui, c’est lui qui avait  amené la carriole en bas. Il est parti en me disant : « Je te laisse maintenant, tu trouveras bien un con pour la monter à ta place ! »

Enoncé du principe : Qui sait attirer la pitié trouvera toujours un brave con pour accomplir à sa place les tâches pénibles.

La pitié n’est pas son seul moteur. L’exaspération peut la remplacer. Ainsi certaines personnes, persuadées d’être efficaces ne supportent pas de voir la maladresse d’autrui et, plutôt que de le voir crapahuter laborieusement, elles s’empressent de montrer leur savoir faire. Elles sont immédiatement récompensées de leurs efforts par le sentiment de  supériorité qu’elles en retirent.  

Quel que soit le moteur qui met en œuvre le principe de la charrette, il faut en user avec prudence dans le monde du travail. Sauf à occuper une position supérieure et en être indéboulonnable, y avoir trop souvent recours peut entraîner un renvoi pour incompétence, la vanité de l’aidant ayant ses limites. Dans la vie privée, en revanche, on peut l’utiliser sans modération.

Cynique ? Peut-être… J’ai tendance à considérer que les termes cynisme et pessimisme sont pour les idéalistes  des mots qui stigmatisent le réalisme. Mais c’est être bien cynique qu’écrire cela…


dimanche 15 juillet 2012

Salauds de (grands) patrons !




Tout le monde le sait. Certains le déplorent. Les patrons sont des salauds. Jusqu’à récemment je pensais que leur seul but dans la vie était de rendre leurs employés malheureux : dans un premier temps, ils embauchaient de braves gens qui auraient été bien mieux chez eux afin de les humilier en les forçant à accomplir des tâches dégradantes. Ensuite se découvraient leurs véritables motivations : ils ne les avaient embauchés que pour se vautrer dans les plaisirs troubles qu’ils ressentent en les foutant à la porte. Certains me diront : « mais de quoi se plaignent-ils les malheureux exploités quand on les libère du joug ? » Je prierais certains de se taire et de ne pas troubler la poursuite de mon raisonnement par leurs questions à la con.

Donc, comme tout un chacun, je pensais que le licenciement était à la fois le but initial et ultime de tout entrepreneur qui se respecte (ou pas). Eh bien il n’en est rien !  Ces crapules  ont un autre agenda caché : faire parler d’eux. Le licenciement  est, en plus du plaisir qu’il procure, un moyen de parvenir à leurs fins.
Cela m’est apparu de manière éclatante lors de la malheureuse affaire de la réduction d’effectifs chez PSA. 

En temps normal, qui se soucie, mis à part quelques rédacteurs de la presse économique et leurs rares lecteurs, de qui peut bien diriger Peugeot ? Franchement, tout le monde s’en fout !  Ces vampires qui se goinfrent à s’en faire péter la sous-ventrière de sang  prolétarien, n’ont rien de Brad Pitt, leurs affaires d’alcôve, leurs joies, leurs peines, la tenue qu’ils portaient au bal du CCE, le monde entier s’en tape ! Et ça les dérange ces messieurs !  Ils ont l’argent, la puissance. Ils voudraient la gloire médiatique. Des unes ! Des passages à la radio ! Et pourquoi pas à la télé ?

Or comment y parvenir ? Mais c’est très simple : on envoie 8000 employés se faire voir chez plumeau et toc ! Il n’y en a plus que pour eux. On les voit à la télé, on n’entend plus qu’eux à la radio ! M. le directeur gni-gni, M. le directeur gna-gna…  Journalistes de se presser !  Pluie d’interviews !  Enfin ils intéressent !

Vanitas vanitorum ! Omnia vanitas !

Quoi ? Le marché automobile européen se contracte ? Les usines tournent à moitié de leur capacité ? La société perd 200 000 000 d’Euros par mois ?  Et alors ? Vous appelez ça des arguments ?  Excusez-les ces salauds pendant que vous y êtes !  Non, non ! La vérité est que ces petits malins sont arrivés à faire d’une pierre deux coups : un nombre record de licenciements avec tout le plaisir que ça comporte et, cerise sur le gâteau,  la célébrité. Sales bâtârds* !

*Je prie mes amis de ne pas prendre le premier accent circonflexe de "bâtârds"  pour une faute. Il s'agit d'une tentative de rendre la prononciation de ce cri de colère qui monte aux lèvres de l'ouvrier d'Aulnay.

samedi 14 juillet 2012

Poseur de soucis, un bien beau métier !




«Il faudra, à l'occasion, nous expliquer comment vous vous y prenez pour “poser un souci”, et où vous le posez. »

Voilà les questions angoissées que posait Didier Goux à MmeRosa pas plus tard qu’hier.  

Puisque ce blog se donne pour but, entre autres, d’édifier les masses et de répondre aux interrogations qui taraudent les consciences modernes, nous allons tenter d’y répondre.

Signalons d’emblée à ceux qui  l’ignoreraient que la pose de soucis est une activité qui a connu ces dernières années un véritable boum. Le poseur de souci  a quasiment réduit à néant l’activité jadis florissante de la pose de problèmes. Nous ne saurions trop vous engager à conseiller à vos enfants cette orientation tant il est vrai qu’un bon poseur aura toujours de l’ouvrage.

Poser un souci est tout un art. Malheureusement comme chaque fois qu’apparaît une nouvelle niche susceptible d’engendrer de gros profits, toutes sortes d’aigrefins se ruent pour les empocher. Ainsi a-t-on vu de nombreux poseurs improvisés vous poser des soucis à la barbare, à la hussarde ou à la va-je-t’en-fous  comme on poserait un vulgaire lapin ! Il est donc essentiel, lorsqu’on attend une pose de qualité de s’adresser à un véritable professionnel pratiquant la pose « à l’ancienne ».  Cette méthode est également nommée « à la Savoyarde » ou  «à la Suisse » car dans ces contrées d’émigration et d’immigration  la pose de soucis est une activité traditionnelle dont les secrets se transmettent  de génération en génération au cours de cérémonies initiatiques  rappelant celles de la franc-maçonnerie ou du compagnonnage. Un véritable poseur ne saurait trahir son secret.  Aussi, n’ayant pas été moi-même initié, je ne puis vous en dire davantage.  Je ne peux que vous mettre en garde contre tout poseur ne justifiant  pas de son appartenance au puissant SNPSA (Syndicat  National de Poseurs de Soucis à l’Ancienne) ou mieux encore à la plus prestigieuse AHSPS(Association Helvético-Savoyarde des Poseurs de Soucis).

Reste la question de l’endroit où faire effectuer cette pose. A la différence du carrelage que l’on pose généralement dans les cuisines ou dans les salles de bains, des Velux qui se posent uniquement sur les toits,  les soucis se posent quasiment partout et à tous les niveaux. Nous ne saurions donc vous conseiller un endroit spécifique où poser les vôtres. Chacun choisit selon ses goûts. Qu’ils soient métaphysiques, sociaux, économiques (ou couteux) on les pose où l’on veut. Profitez donc sans retenue d’un  des rares espaces où la liberté demeure totale.

Nous espérons que ces quelques indications vous auront été utiles et que désormais cette question délicate ne vous posera plus de problèmes.

vendredi 13 juillet 2012

Ces choses-là sont rudes, il faut pour les comprendre avoir fait ses études (3)


Une épreuve de didactique ? C'est nouveau !


Nous approchions de la fin de ce qui aurait pu être mon avant-dernière année d’IPES. Normalement la dernière, mais il avait été prévu par le bon état-providence d’offrir en fonction de leurs notes à 25% des Ipesiens une année supplémentaire afin qu’ils préparassent l’agrégation et en cas d’échec se représentassent au CAPES. Comme nous étions 4, j’aurais été celui là.

C’est alors que j’appris qu’avoir le CAPES équivalait à se retrouver dans le Nord où tout autre endroit si charmant qu’aucun ne voulait s’y rendre. Je ne me voyais pas quitter la Touraine ou même la région Centre. Je m’étais marié, ma femme avait ses attaches dans la région. Me retrouver à Pétaouchnock pour une poignée de dollars de plus me paraissait un plan carrément pourri. Oui, bien sûr, avec le temps je finirais bien par revenir mais tous ces déménagements ne me disaient rien qui vaille. Je préférais donc retourner dans le corps des PEGC.

Autre petit détail : après six ans mon enthousiasme estudiantin commençait pour le moins à s’émousser. Je suis ainsi fait qu’après un emballement plus ou moins durable, tout d’un coup l’objet de ma passion m’apparaît totalement dénué d’intérêt.  Il faut que je passe à autre chose.

Je ne demandai donc pas de quatrième année et allai passer le CAPES avec l’espoir de le rater. Il faut préciser que les Ipesiens étaient, au même titre que les élèves de l’ENS dispensés d’écrit pendant deux années consécutives. L’oral consistait en une épreuve d’Explication de texte et une autre de Langue vivante ou ancienne. Être recalé n’était donc pas évident pour moi. L’épreuve d’anglais se passa si bien que quand je quittai les deux examinatrices elles paraissaient ravies. Heureusement, l’autre épreuve consacrée à un texte de Molière, auteur que j’appréciais et apprécie toujours, fut plus délicate. Le texte choisi me parut d’emblée de ceux sur lesquels il n’y a rien à dire. Et pourtant je suis bavard… Tant bien que mal je fis mon exposé. Les deux membres du jury qui avaient dû prendre des cours de sourire avec Arlette Chabot me reprochèrent de ne pas avoir fait ressortir tout le comique de la scène. Je répondis aux deux rigolotes qu’il ne m’était pas apparu. Lorsqu’une d’elles me demanda comment je ferais pour faire passer l’humour moliéresque auprès de mes futurs élèves, je lui déclarai que je choisirais d’autres textes. Elles avaient l'air mécontentes et me demandèrent, avant que je ne les quitte si j’étais bon en anglais. Avec une certaine morgue, je répondis que j’avais une maîtrise en la matière. Cela dut influencer leur notation. Pas favorablement.

Finalement je fus recalé. Je rejoignis un poste de PEGC. Deux ans plus tard je quittai l’enseignement de manière définitive. Du moins je le pensais. Pour aller vendre des fringues pas chères sur les marchés. J’étais probablement un des camelots les plus diplômés de la place. Comme quoi, hein, les études…

jeudi 12 juillet 2012

Ces choses-là sont rudes, il faut pour les comprendre avoir fait ses études (2)




Me voici donc à Tours, laissant à Londres une fiancée éplorée. Elle allait vite s’en remettre. A mon (plus ou moins) grand dam.  La première année nous suivions quelques cours au centre et devions obtenir la première partie du Deug à la faculté. Ce fut une promenade de santé. Un événement capital se produisit pourtant : cette année-là je rencontrai celle qui devait devenir ma première épouse et la mère de ma fille. L’année suivante, nous devions suivre des cours au centre. Je décidai de terminer mon Deug d’anglais parallèlement. Ça ne demandait pas trop d’efforts et j’avais commencé de prendre goût aux études. Des velléités d’ambition pointaient en moi.

A la fin de l’année, je décidai de me présenter au concours des IPES d’anglais. Les IPES étaient une facilité qu’un gouvernement généreux offrait aux étudiants méritants : suite à un concours, il offrait un salaire aux lauréats afin de terminer leur licence puis de préparer un an durant le concours du CAPES.  Hélas, nous étions en 1976 et la générosité se faisait, suite à la crise, languissante.  Il n’y avait que 4 postes pour toute l’académie. J’arrivai  5e. Premier sur la liste supplémentaire. Autant dire recalé, vu qu’aucun des reçus n’eut la bonne idée d’intégrer l’ENS ou de décéder pendant l’été. J’étais vexé comme tout.  Dégoûté, je décidai de tenter ma chance en Lettres Modernes l’année suivante.

La troisième année fut très active. Au centre c’était la formation pratique avec stages et tout. J’entrai en Licence d’Anglais et en 1ere année de Deug de Lettres Modernes à l’université. Trois années à mener de front. J’avais attrapé le virus. De plus, je voulais voir ce que je pouvais obtenir comme résultat en me donnant à fond. Jusque là j’avais fait dans la facilité : aucun effort et résultats médiocres. Les études supérieures me stimulaient. Je voulais réussir brillamment.

Le résultat fut un sans faute : Diplôme de PEGC, Licence d’anglais, titulaire de la première partie du DEUG et, cerise sur le gâteau, reçu premier aux IPES de Lettres. C’était la seule chose qui m’importait vu que cela me permettait de rester trois ans de plus à Tours auprès de la belle de mes pensées.

J’entamai donc des  études de Lettres. Je m’y jetai avec le sens de la mesure qui me caractérise. Durant la deuxième année de Deug, je découvris l’Ancien Français. Allez savoir pourquoi, je me passionnai pour la grammaire historique. J’étais bien le seul. A côté de cela je choisis des UV de linguistique, de phonétique  ou de stylistique. J’étais encore le seul. Les jours d’examens, j’avais du mal à dissuader les filles de venir s’assoir sur mes genoux. Affection intéressée, certes, mais faut pas être trop regardant.  A part ça, je terminai une maîtrise d’anglais consacrée à Erskine Caldwell.

L’année de licence fut tranquille : pour la première fois depuis trois ans je ne poursuivis qu’un lièvre à la fois.  Je continuai l’ancien français, littérature et grammaire, le latin, la stylistique. Je préférais de loin ces sujets un rien ardus mais qui m’évitaient le plaisir mitigé de déposer aux pieds de grands textes des bavassages médiocres.  Je n’y échappais pas totalement, c’eût été impossible, mais m’en tenais aussi loin que possible.

L’année suivante, ce fut la maîtrise consacrée aux « Images de clercs dans le Roman de Renart » et la préparation du CAPES. Et c’est là que, comme on dit avec élégance outre-manche, « la merde frappa le ventilateur ».