Hier matin, j’ai entendu un des avocats des pirates somaliens sur France Inter. La façon dont il a décrit ses clients m’a ouvert les yeux.
Comme tout le monde, j’avais une image peu flatteuse du pirate. Formée à l’origine par ma lecture de l’Ile au trésor. Billy Bones, John Silver et les autres m’avaient laissé entrevoir un monde un rien inquiétant. A lire la vie de certains pirates célèbres, j’en étais venu à penser qu’il pouvait leur arriver de se monter sanguinaires, sans pitié, cruels, et généralement malhonnêtes. Car voler le bien d’autrui, fût-ce un bateau, les armes à la main n’est pas ce qu’on m’a appris au catéchisme. Bref j’aurais hésité à accorder la main de ma fille à un pirate.
Il est vrai que ces pirates-là étaient européens ce qui ne plaide pas en leur faveur. Désertant la vie facile du matelot sous prétexte d’une allergie au chat-à-neuf-queues ou aux vivres avariés, plutôt que de faire une honnête et prospère carrière dans la marine, ces nantis préféraient attaquer de paisibles navires s’en emparer, revendre leurs richesses et en dépenser le produit dans des bouges en compagnie de filles de mauvaise vie. A part ce dernier point, une vie hautement blâmable !
J’avais donc, jusqu’à ce matin tendance à penser que ces somaliens qui attaquent, pillent, tuent et rançonnent méritaient l’échafaud. Où l’auraient mérité avant que le bon Maître Badinter mette fin à cette cruelle pratique. Eh bien, il n’en est rien !
En fait, ces brave gens sont de pauvres pêcheurs (Prions pour eux !) poussés par la misère à piller, tuer et rançonner. A peine sortis d’une enfance qu’on imagine sage et studieuse, les voilà embarqués, souvent contre leur gré, dans une aventure que leur inexpérience et leur naïve bonté mènera au triste épilogue de ce cruel procès en terre étrangère. Il est à parier que si les forces spéciales françaises n’étaient pas venues se mêler de leurs affaires et qu’ils étaient parvenus à toucher les 2 millions de la rançon demandée ils auraient dépensé celle-ci en bonnes œuvres.
Des larmes me montèrent aux yeux quand j’appris que l’un d’entre eux n’avait fait partie de l’expédition que parce qu’il parlait anglais et que ce malheureux souffrait du mal de mer ! Le mal de mer ! Un pirate ! Si ce n’est pas une preuve de sa totale innocence ! Ou, à tout le moins une preuve de l’état lamentable des services d’orientation scolaire somaliens.
Pas étonnant dès lors que certains articles, lorsqu’ils parlent du procès mettent le mot pirates entre guillemets. Il y a entre un pirate et un « pirate » la même différence que font les Inconnus dans leurs sketch sur la chasse à la galinette cendrée (à 3mn 5 s) entre le bon chasseur et le mauvais chasseur.
Maintenant, si jamais j’avais le choix entre me faire rançonner voire malencontreusement exécuter par un « pirate » ou par un pirate, j’avoue que j’hésiterais…