De l’avis unanime, la Normandie est le plus bel endroit du
monde. Au sein de cette belle province dont on fit deux régions afin d’éviter qu’unie
elle ne domine le pays par le talent et la valeur de ses hommes et de ses
femmes, le département de la Manche est le plus beau, le plus vert et le plus
arrosé. Ce qui ne va pas sans créer de jalousies. En ce département béni des
dieux, la variété des paysages est totale : marais, collines, plaines,
plages sablonneuses, côtes rocheuses, forêts, bocages, riantes vallées où chantent
des rivières accrochant follement aux herbes leurs haillons d’argent, tout ce
qui est apte à exalter un cœur noble s’y trouve. Le reste de la province n’est
pas mal non plus. Pays d’Auge, de Caux,
d’Ouche, de Bray, Vexin, Perche Ornais, la liste entière des terroirs offrant
au monde leurs inouïes merveilles serait fastidieuse à dresser.
Historiquement, suite au traité de Saint-Clair-sur-Epte
signé entre Rollon, chef viking et Charles III le simple, la Normandie prit
naissance en 911. Ce bon roi, lassé de voir ses pays ravagés par les incursions
de ces pillards venus du Nord eut la sagesse de leur céder une partie de l’ancienne
Neustrie. Ce territoire étant plutôt restreint, les normands se mirent bien
vite en devoir d’arrondir l'étendue de leur duché afin d’avoir bonne figure
lors des réunions annuelles du SGF (syndicat des grand feudataires). Un des descendants du premier duc, vexé d’être surnommé « le
bâtard » eut une idée de génie :
il s’en fut, en 1066, guerroyer en Angleterre et suite à sa victoire d’Hastings s’y fit
couronner roi du pays et fut, grâce à cette habile manœuvre, surnommé « le
conquérant » ce qui a, vous en conviendrez, plus de gueule.
Un peu auparavant, les nombreux fils de Tancrède de Hauteville, hobereau manchois,
illustrèrent la tradition voyageuse et conquérante du normand en partant guerroyer
en Italie du sud avant de conquérir la Sicile sur les musulmans et d’y devenir
rois. S’arrêteront-ils là ? Ce
serait bien mal les connaître ! Certains Hauteville, mettant à profit les
croisades, deviendront Prince d’Antioche et même Roi de Jérusalem…
Le patrimoine architectural de cette riche province, quand
il n’a pas été rasé par les bombardements anglo-américains, est remarquable par
ses magnifiques abbayes dont la plus belle, justement nommée « La
Merveille » est celle du Mont-Saint-Michel, situé comme il se doit dans la
Manche, et à laquelle FR 3 Normandie consacre au moins un documentaire par
semaine. Pour ce qui est de la
littérature et des arts, La Normandie a fourni à la France tant de talents que
la liste en serait interminable et ce jusqu’aujourd’hui, où nombre de blogueurs
réactionnaires continuent de faire flotter au firmament l’étendard de gueules
aux deux léopards d’or.
Les riches pâturages normands permettent qu’on y élève quantité de vaches, chevaux, et autres ovins. Le
lait qu’on tire des premières permet de fabriquer des fromages renommés dont le célèbre Camembert, devenu un symbole
du bien vivre à la française. A ce propos, et cela montre la bonté profonde du
Normand, afin qu’au cas où il se montrerait, le soleil n’inflige ses
redoutables coups aux paisibles bovidés lactifères, furent plantés nombres d’arbres leur procurant une ombre protectrice. Les paysans réalisèrent bien vite
que ces arbres, non contents d’ajouter un charme certain aux campagnes lors de
leur floraison, fournissaient à terme des fruits un rien acides mais qui
écrabouillés dans un pressoir fournissaient, une fois fermenté, un breuvage qu’ils
nommèrent cidre (du latin ecclésiastique
sicera : boisson enivrante). Le Normand trouva ainsi un moyen de se
distraire lorsqu’un ciel bas et lourd pesait comme un couvercle sur son esprit
gémissant en proie au longs ennuis. Il s’aperçut fortuitement qu’en distillant
ledit cidre dans un alambic, on en tirait une liqueur bien plus enivrante qu’il
nomma Calvados et qui présentait l’avantage d’éloigner tout buveur non
aguerri. Proposer « encore une
chotte goutte de Calva » permettant de chasser à coup sûr les
cousins citadins importuns.
Les villes et villages normands sont si nombreux que nous n’en
citerons que les principaux : Rouen, Caen, Le Havre, Alençon, Evreux, Saint
–Lô, Chaulieu, le Plessis-Hébert et Bizou.
On s’y livre à l’industrie ou aux services avec une ardeur modérée par le bon sens.
Mais, nous n’insisterons jamais assez sur ce point puisqu’ il n’y a richesse ni force que d’hommes comme
disait Jean Bodin, ce qui fait l’attrait principal de cette province, c’est sa
population. Pt’êt’ ben qu’oui, p’t’êt’
ben qu’non et il pleut sont les
formules les plus usitées du Normand, prouvant à la fois la saine prudence et le
sens aigu de l’observation de ce peuple d’élite. Au contraire de certains méridionaux,
il ne pratique que peu l’exubérance. Ainsi, un mien voisin anglais m’a-t-il avoué
que bien qu’il ait pris l’habitude ces neuf dernières années de gratifier le
fermier d’à côté d’un geste de la main lorsqu’il passe en voiture, ce brave homme
n’a pas encore jugé utile de lui rendre son salut. C’est dire à quel point réserve et discrétion sont
des traits marquants d’une population
qui évite de vous lasser par ses oiseux bavardages.
Il y aurait tant à ajouter en faveur de cette belle province… Je m’en tiendrai là,
car on pourrait m’accuser, bien que je ne sois aucunement Normand, de manquer d’objectivité et me contenterai de
vous inviter à y venir passer d’agréable séjours que ce soit sur sa côte ou en son intérieur
(prévoir de chauds vêtements, quelle que soit la saison).
Petit jeu : Deux extraits de célèbres poèmes se sont harmonieusement intégrés à notre exposé afin d'ajouter un brin de lyrisme à l'austérité du discours scientifique. Sauras-tu les identifier ?