L’autre jour alors que nous nous promenions avec ma
compagne dans la campagne (paronomase !),
je ne sais pourquoi nous en vînmes à parler des ruisseaux qui descendent en
nombre des verdoyantes collines alentour. Elle me dit que désormais les
cultivateurs n’avaient pas le droit de curer lesdits cours d’eau. Je crus d’abord
mal entendre, puis je mis cette affirmation sur le compte des ravages de l’âge qui sèment le trouble dans bien des
esprits. Avant-hier, alors qu’avec le père du gendre de Nicole, nous parlions
des diverses réglementations qui viennent chaque jour limiter un peu plus nos
libertés (pour le plus grand bien de la
démocratie, ça va sans dire), nous évoquâmes d’abord l’interdiction des feux
(variable d’une commune à l’autre) puis il évoqua la fameuse interdiction d’entretenir
les ruisseaux. Je me dis que,
décidément, ça devait être contagieux et que les seniors de la Manche
entretenaient de bien curieuses et paranoïaques lubies… Hier enfin, ma campagne, histoire de prouver
qu’elle n’était pas en proie au délire comme je semblais le penser, me fit lire
un article du journal local, La Manche
Libre (adjectif qu’il serait peut-être temps de changer pour « Entravée »
afin de mieux coller à la réalité)
consacré au « problème ».
Il y était dit que la tension montait entre la FDSEA et l’Onema
(Office national de l’eau et des milieux aquatiques), organisme chargé de la « police »
des cours d’eaux. Le syndicat agricole se plaint de ce que soient depuis 2013
dressés des procès verbaux pour curage
intempestif de cours d’eaux ou de fossés. Les cultivateurs se seraient livrés sans retenue à cette
criminelle activité sans avoir préalablement demandé d’autorisation administrative ! Ce qui leur valut des amendes
allant jusqu’à 1500 €. D’où mécontentement, manifestations devant les locaux de
l’office en question et revendication
que le soin d’entretenir les cours d’eau
soit rendu aux agriculteurs.
Je devais me rendre à l’évidence : le délire n’était
pas où je l’avais soupçonné. Mais, me direz-vous, pourquoi de telles
limitations ? Mais pour préserver la biodiversité, quadruples buses ! Il est urgent de laisser les branchages former
des barrages afin de mieux inonder, les terres entraînées par le ruissellement
transformer le bas des pentes en marécages afin que le triton à crête mordorée
et le turlupin salace y prolifèrent ainsi que leurs prédateurs ! Il en va de l’ « écosystème »,
nom de diou !
Mouais, à part que l’ « écosystème » qu’on nous présente comme naturel ne l’est pas plus que le tablier dont se vêtent nos élégantes
vaches où les bretelles qui maintiennent en place les pantalons de nos chers lapins.
Cet «écosystème » n’existe que parce que l’homme, par des siècles d’efforts
a modelé la nature. Par exemple, mon coin regorge de geais des chênes, joli
corvidé se nourrissant en partie des glands (d’où son nom) qu’il récolte à la
bonne saison et enterre en vue de temps moins fastes. Sa présence, en l’absence de forêts, s’explique par le fait qu’en haut des talus
les paysans ont planté des chênes qui leur fournissent un bois de chauffage de
qualité et abritent leurs champs et prés des vents tempétueux. Sans ces arbres,
point de geais. On pourrait multiplier les exemples de ce genre.
Reste à savoir ce que l’on recherche. Voudrait-on faire « revenir »
nos campagnes où ABSOLUMENT RIEN n’existe qui n’ait été modifié par l’homme à
un état « naturel » fantasmé ?
Ne s’agit-il que de soumettre toute activité humaine à des réglementations
propres à l’aliéner chaque jour un peu
plus ? La campagne a-t-elle pour but essentiel la prolifération du triton
à crête mordorée et du turlupin salace ? N’a-t-elle pas également pour fonction
de nourrir les hommes ? De plus,
sauf à croire en la génération spontanée, la fameuse biodiversité préexistait à
l’interdiction des curages…