Candide, après des voyages autour monde pour le moins riches
en péripéties, affirme que oui. Romain Gary, dans Le grand vestiaire, roman qui préfigure Émile Ajar bien que publié
en 1948, pense que non. Situées juste après la fin du deuxième conflit mondial,
les aventures de ses héros se terminent dans le jardin d’un garde-barrière
amateur de roses. Un beau salaud qui, tandis que la guerre faisait rage, avait
consacré tous ses soins à élaborer de nouvelles roses. Il avait même vu une de ses créations, l’Impératrice jaune recevoir le premier grand prix en 1943 !
Monsieur, alors que « des millions d’hommes se faisaient tuer pour [lui] »
vivait une vie paisible dans son mini éden au milieu des vignes ! Quelle ordure !
Gary, à travers ce personnage, et l’indignation qu’il
inspire à son jeune héros fait le procès du refus de l’engagement. Georges Brassens, dans Les
deux oncles lui répondit. C’était en 1964. Les temps ont changé !
Pourrait-on, alors que pratiquement tous les protagonistes de cette tragédie
sont morts ou bien engagés sur la voie du gâtisme, de nos jours écrire et chanter
un tel texte sans encourir les foudres des bien-pensants? J’en doute ! Les temps sont à l’héroïsme ! Aujourd’hui,
au moins en parole, l’engagement est essentiel.
Revienne l’occupation, on aurait dans les 100% de résistants, au bas
mot. Ce ne fut pas le cas en 1940.
Je suis d’une génération dont les parents ont connu la
guerre. A les écouter, eux qui ne furent ni héros ni traitres, les choses
semblaient moins simples qu’elles n’apparaissent aujourd’hui. Plus que rêver de plaies, de bosses, de
luttes armées, d’exploits glorieux et d’actions violentes, leurs récits et mon
tempérament m’ont plutôt mené vers le pacifisme. S’il doit y avoir des guerres,
qu’elles se fassent sans moi.
Contrairement à la tradition, il ne faudra pas non plus compter sur moi
pour pousser les jeunes à y prendre part. Je partage pleinement l’opinion de M.
Brassens (encore ? - oui, encore !) sur la question. Mourir pour des idées ?
Non merci !
Cela ne veut en aucun cas dire que l’on n’ait pas des idées
tranchées sur les choses de ce monde. Seulement, de là à vouloir les imposer à
autrui suite à un combat donquichottesque, il y a un pas que je ne franchirai
pas. A quoi sert de gagner par un combat douteux si seule la peur qu’engendre la force retient les vaincus d’exprimer ce qu’ils sont ? Seule l’adhésion d’une LARGE majorité à un
consensus social peut fonctionner. Violence, intimidation par la loi ne serviront
à rien. Si une grande majorité des passagers et de l’équipage du bateau sur
lequel je suis embarqué trouve judicieux de le saborder en pleine mer, les
chances de parvenir à les en empêcher
sont minces. On gagnera peut-être du temps en tentant de retarder leur accès à
la cale mais, sauf à les convaincre de l’inanité de leur intention, ça ne
servira à rien.
D’où l’intérêt de la culture jardinière. D’ailleurs, quoi qu’on
en dise ou proclame, cultiver son jardin, que ce dernier soit métaphorique ou
non, n’est-il pas la principale activité à laquelle se livrent ou aspirent l’immense
majorité des hommes et femmes ?
Comme le bon vieux Georges, j’inviterai les boutefeux de
tous bords qui disent ne rêver que de combats et y poussent les autres à aller s’entre-massacrer
en un lieu de leur choix et de nous foutre la paix. Je doute que nous perdions
ainsi grand monde et que cette perte soit grande…