Vous aimeriez être celui ou celle que l’on fête, que l’on invite partout, sur qui l’on compte pour animer soirées, baptêmes, communions ou mariages ou même banquet des pompiers. Vous vous imagineriez volontiers dans le rôle du boute-en-train de service. Mais vous ne savez trop comment vous y prendre, vous pensez qu’il faut pour cela avoir de l’humour, de la conversation, un sens de la répartie, un dynamisme, voire un charisme dont vous n’êtes pas certains d’être doté.
Foin de tout ça, en fait c’est beaucoup plus simple. Pour devenir celui ou celle qu’on s’arrache il vous suffit de quelques chansons. Je vous ai, il y a quelque temps, fourni le premier élément du répertoire qui fera de vous la coqueluche des salons et autres noces et banquets. Aujourd’hui je poursuivrai l’œuvre esquissée.
Certains me diront que leurs capacités vocales sont restreintes, voire nulles. Que même, dès qu’ils essaient de pousser la chansonnette, on les prie de se taire. Au risque de les froisser, je leur dirai qu’ils se cherchent des excuses pour masquer leur crainte de se mettre en avant. Tout le monde peut chanter : je n’en voudrai pour preuve que Luciano Pavarotti ou Florent Pagny. S’ils n’avaient pas compensé par un rien d’audace leur médiocre talent, auraient-ils réussi ? Suivez leur exemple !
L’important c’est le répertoire. Voici donc un petit bijou ciselé peu avant la Grande Guerre. Ce qui caractérise le chef d’œuvre, c’est sa capacité à exprimer l’universel humain. Par delà l’élégance du style, l’exigeante recherche lexicale, la finesse de l’humour, et l’entraînante musique qui en sublime les effets, c’est la poignante humanité qui impose le texte qui suit parmi les fleurons de la poésie lyrique française. Jugez-en plutôt :
LE TROU DE MON QUAI
(Paroles: Paul Briollet, Jules Combe / Musique: Désiré Berniaux, 1906)
Dranem
Autres interprètes: Les Charlots (France) - 1971.
Je demeure dans une maison tout près d'la Seine,
Où l'on fait depuis trois s'maines
Des fouilles et des travaux
Pour faire passer le métro.
De ma fenêtre tout en fumant des pipes,
Je regarde les équipes
Dont les hommes sont occupés
A faire un trou dans mon quai.
Et si vous voulez mon adresse
C'est pas difficile à trouver
Afin que chacun la connaisse
En deux mots j'vais vous renseigner.
Y a un quai dans ma rue
Y a un trou dans mon quai
Vous pourrez donc contempler
Le quai de ma rue et le trou de mon quai.
L'autre jour j'rencontre un vieil ami d'province,
J'lui dis tu tombes bien mon prince
De ma rue je vais t'montrer
Toutes les curiosités.
J'voudrais d'abord voir la gal'rie des machines
J'lui réponds tu t'imagines
Qu'à Paris il n'y a qu'celle là
J'en ai une plus chouette que ça.
Accepte à dîner je t'en prie
Après sans trop nous fatiguer
Je te ferai voir une gal'rie
Qui certainement va t'épater
Y a un quai dans ma rue
Y a un trou dans mon quai
Tu pourras sans t'déranger
Voir le quai de ma rue et le trou de mon quai.
Mais hélas ici bas, la joie n'est qu'un leurre
Et l'on m'a dit tout à l'heure
Que les travaux d'terrassement
Vont s'terminer prochain'ment.
C'est pas drôle pour moi qu'en avait l'habitude
Et ça va m'paraître rude
Quand l'dernier coup d'pelle donné
Le trou d'mon quai s'ra bouché.
Adieu joies et rêveries nocturnes
Adieu journées d'activité
Comme autrefois seul dans ma turne
J'n'aurai plus hélas qu'à chanter.
Y a un quai dans ma rue
Mais y a plus d'trou dans mon quai
J'nai donc pour me consoler
Que la vue du quai de ma rue, j'ai plus d'trou d'mon quai.
Pour vous entraîner, vous trouverez ici une version chantée de l’œuvre. L’image est floue, le son est mauvais mais malgré cela la magie opère !
Ne me dites pas merci. Contentez-vous de me tenir au courant des progrès de votre vie sociale. Je publierai ici-même les témoignages les plus émouvants.