..Toi qui entres ici, abandonne tout espoir de trouver un contenu sérieux. Ici, on dérise, on batifole, on plaisante, on ricane.

lundi 7 juin 2021

Le fraisier, un végétal de compagnie méritant

Le cadeau que mes fraisiers m'ont offert ce matin : presque une livre de succulentes fraises !

Il m’est souvent arrivé de recommander ici tel ou tel NAC (Nouvel Animal de Compagnie). Je n’ai aucune idée du nombre de familles, de couples ou de personnes seules qui ont pu, grâce à mes conseils, voir leur foyer égayé par la présence , entre autres, d’un lycaon, d’un capybara, d’un lombric ou d’une hyène, mais je dois avouer que me semble venu le temps d’élargir aux végétaux les sources de compagnie pour une humanité en besoin d’affection.

Cette évolution, je la dois à M. Aymeric Caron, qui avec MM. Mélenchon, Mamère, Plenel et, à un moindre degré, Joffrin, est de ces homme qui accompagnent le difficile cheminement des Français vers la lumière. Végan, antispéciste, ses paroles alimentent ma réflexion. Car en fait, de quel droit excipons-nous pour asservir nos frères animaux ? La question, sans que j’aie encore pu y trouver une réponse, me taraude. J’en suis à me dire que sans totalement exclure la compagnie animale, nous pourrions accorder une place plus importante à celle des végétaux.

Parmi les espèces végétales les plus sympathiques, le fraisier et son pseudo-fruit la fraise me paraît tenir une place de choix. Depuis des millénaires l’homme aime la fraise qui le lui rend bien. Très longtemps, en Europe, il lui fallut se contenter de fraises des bois dont le goût délicieux ne parvenait pas à faire oublier la taille réduite. On essaya bien des sélections et des croisements mais sans résultats probants. Il fallut attendre ce jour béni que fut le 17 août 1714 pour qu’un ingénieur français, un certain Amédée-François Frézier (cliquez sur le lien si vous croyez que je délire) de retour à Marseille ramenât du Chili une fraise blanche qu’y cultivaient les Indiens. Croisée avec une fraise d’Amérique du Nord, elle donna ensuite naissance à notre fraisier cultivé. Quelle aventure !

Aimée de tous, sa culture ne demande que peu de soins. Elle produit, grâce à ses stolons, de nouveaux pieds. Quand vient le joli mois de mars, les plants se couvrent de fleurs qui, plus ou moins rapidement selon le temps qu’il fait, deviendront de délicieux fruits. Peu de soins, des pieds qui se multiplient, une grande générosité fruitière, si au compare le fraisier, par exemple, au chat, au chien, au canari ou au poisson rouge il n’y a pas photo ! De plus, le fraisier est paisible et ne saurait vous nuire. Si coqs, grenouilles, vaches, cloches, tronçonneuses provoquent parfois l’ire des néo-ruraux, on n’en a jamais entendu un seul se plaindre du voisinage d’un champs de fraises.

J’espère vous avoir convaincu d’en adopter.

Pour finir, une anecdote linguistique concernant l’expression « ramener sa fraise ». Contrairement aux idées reçues, la fraise dont je vous parlais n’a rien à voir là dedans. Pas plus que celle du dentiste ou du tourneur-fraiseur. En fait, on trouve son origine dans les Mémoires de Maximilien de Béthune, duc de Sully. Le grand ministre, compagnon d’armes du futur Henri IV, recueillit une confidence de ce dernier du temps qu’il était l’époux de Marguerite de France. Je cite : « Elle nous les casse, la belle doche à toujours ramener sa fraise* » signifiant que sa belle mère, Catherine de Médicis, célèbre pour les fraises qui ornaient son cou, l’agaçait en étant toujours fourrée dans ses pattes. La mode des fraises a passé, l’expression est restée. Ainsi quand un importun intervient de manière inepte dans une conversation continue-t-on de le prier de ne point ramener sa fraise.


* Notez au passage que, bien que Béarnais de naissance, le bon roi Henri entravait et jaspinait parfaitement l’argomuche parigot. 

samedi 5 juin 2021

Un sentiment de bonheur

 

Les Français sont d’incorrigibles sentimentaux. Toutes sortes de sentiments les agitent : sentiment d’insécurité, sentiment d’être envahis, sentiment d’être pris pour des cons, sentiments de ne pas être aussi enrichis qu’on veut leur faire accroire, sentiment que M. Macron n’est pas parfait, etc.

En tant que Français, je ne saurais déroger à la règle et je partage les sentiments sus-mentionnés à part peut-être celui d’insécurité vu que j’ai choisi de vivre dans des endroits paisibles. Mais depuis ce matin, encore plus que d’ordinaire, j’ai le rare sentiment d’être pleinement heureux.

Il faut dire que j’ai d’excellentes raisons pour cela. Alors que je me rendais au magasin de la coopérative pour y faire l’emplette de dahlias, le ciel était bien bleu, le soleil brillait. Ma petite ville normande me parut, et elle l’est, pimpante, propre, fleurie. Un endroit où il fait bon vivre. N’est-ce pas une raison de se sentir heureux ? Et s’il n’y avait que ça…

Les Anglais ont une expression que je mets en pratique : « Count your blessings »que l’on pourrait traduire par « Comptez vos bénédictions » et qui pour moi est l’exact opposé de « Ressassez vos malheurs » maxime trop souvent mise en pratique.

Arrivé à l’automne de ma vie, ma principale source de contentement est de n’avoir aucun regret. J’ai pourtant connu de mauvaises passes mais elles me furent utiles. Comment apprécier le printemps quand on n’a pas connu les rigueurs de l’hiver ? Un peu de soleil quand, comme le disait si bien Brassens, on vit dans « des pays imbéciles où jamais il ne pleut, ou l’on ne sait rien du tonnerre » ? Ça n’a pas toujours été un long fleuve tranquille, et tant mieux ! Je n’en apprécie que davantage ma sérénité actuelle.

Si on met à part les petits ennuis de santé qui de temps à autre m’ont amené à faire un tour à l’hôpital sans pour autant perturber mon équanimité, j’ai vraiment tout pour être heureux : je bénéficie de revenus qui sans être importants me suffisent, je vis dans un endroit qui me plaît, ma maison est spacieuse et agréable, sauf accident ma forme est plutôt bonne, je sais m’occuper de façon à éviter ce que cet incorrigible boute-en-train de Baudelaire nommait « les longs ennuis », si je vis en solitaire, j’ignore les affres de la solitude. Que rêver de mieux ?

Pour certains, les éléments constitutifs de ce bonheur seraient autant de sources de plaintes. Ils ne supporteraient pas de voir leur santé décliner, auraient l’impression de vivre dans le trou-du-cul du Monde, leur maison serait trop petite (ou trop grande), leurs moyens trop restreints, ils s’ennuieraient comme des rats morts, rechercheraient de la compagnie à tout prix.

N’étant pas un ravi de la crèche, je sais qu’il est possible que les choses se gâtent, que d’insupportables souffrances ou infirmités viennent m’affliger, que des deuils m’accablent. Qu’importe ? J’aurai connu de bons moments. J’aurai su les apprécier. Ce qui est pris n’est plus à prendre…

Pour illustrer mon propos, une vue de mon modeste coin de paradis :


Demain soir, en sirotant du whisky, je compte bien y faire cuire du travers de porc et des tomates sur le barbecue puis m’en régaler arrosé d’un rosé de Corse tout en profitant du serein. Et ça m’suffira.

vendredi 4 juin 2021

Une si longue absence...

 

Presque un mois s’est écoulé depuis mon dernier article. Délai inégalé depuis la création de ce blog, il y aura bientôt dix ans. Comment expliquer cela ? Les raisons en sont multiples. Bien sûr, la lassitude qui fait que ma blogroll ressemble de plus en plus à un cimetière et que depuis une assez jolie lurette le rythme de publication des survivants s’est bougrement ralenti y a sa part. Une perte totale d’intérêt pour ce qui est censé constituer l’actualité n’y est pas non plus étrangère, Toutefois, la raison principale de mon silence est tout autre.

Ce qui a motivé mon absence est une nouvelle crise de bricolite aiguë. Les mois d’avril et de mai se sont avérés climatiquement déplorables, vous l’aurez probablement noté. Alors que pour moi l’arrivée du printemps est synonyme de jardinage, la froidure ou les pluies m’ôtèrent toute envie de renouer avec cette tradition. Plutôt que de me résigner à une coupable oisiveté laquelle est comme chacun sait mère non seulement de tous les vices mais aussi de cette calamité qu’est l’ennui, j’ai donc décidé de mener à son terme la rénovation de ma maison commencée trois ans auparavant. Ne restaient plus à rafraîchir que deux pièces d’eau à savoir les toilettes du rez-de-chaussée et la salle de douche contiguë. Comme à mon ordinaire je m’attelai donc à cette tâche avec l’optimisme habituel qui me fait grandement sous-estimer les difficultés et les délais de mes entreprises.

Nous étions à la mi-avril. Voulant commencer par remplacer le mitigeur du lavabo de la salle de douche, je m’aperçus que cela était impossible sans déplacer la cabine du même nom. Ce faisant, je découvris pourquoi l’écoulement de l’eau d’icelle était défectueux : mon prédécesseur, bricoleur sans talent, avait installé l’évacuation maladroitement, si bien qu’en mettant la cabine en place il en avait écrabouillé le flexible. Y remédier fut aisé. Profitant du déplacement de la cabine, je réalisai qu’en perçant le mur il me serait possible d’installer à partir de l’alimentation en eau froide de la douche une conduite d’eau menant à l’extérieur vers un robinet permettant d’arroser mon jardin. Ce que je fis. Quand le meuble du lavabo et la cabine furent remis en place, j’eus la désagréable surprise de constater que cette dernière fuyait de partout : ses joints en silicone avaient rendu l’âme suite au déplacement. Résoudre ce problème ne fut possible qu’après de multiples tentatives. Le changement du lavabo des toilettes et de son mitigeur fut également l’occasion de nombreux problèmes de plomberie.

Ces questions résolues, je pus terminer mon chantier. Changer le papier peint , installer des lambris en PVC pour masquer les affreux carrelages muraux, remplacer goulottes, interrupteurs et prises, recouvrir le sol de lino et poser des plinthes ne présenta pas de problèmes majeurs. Et voici le résultat :



Les frimas s’étant calmés, je vais donc pouvoir jardiner, activité moins prenante...

Dernière minute : J’ai décidé de rouvrir les commentaires.

lundi 10 mai 2021

Dies irae !

 

La vision d'une telle image peut choquer les personnes sensibles et sensées

Il y a quarante ans de cela, j’avais encore quelques heures d’espoir devant moi. Quand l’heure fatidique sonna et qu’un crâne déplumé commença d’apparaître à l’écran il ne me resta plus que quelques secondes d’illusion avant que la lugubre nouvelle ne tombât : M. Mitterrand était élu.

Ce fut pour moi un choc. J’eus du mal à y croire. Ce n’était après tout qu’une estimation, tous les bulletins n’avaient pas encore été comptés. Comme un naufragé accroché à une planche dérisoire, j’espérais encore un improbable retournement de la situation. Il ne vint pas.

Cinq semaines d’espoirs suivirent : le 14 juin, les Français allaient rectifier le tir, réparer leur erreur, recouvrer la raison. Il n’en fut rien. Le sursaut de participation du second tour ne servit qu’à confirmer et amplifier la catastrophe. Au moins cinq années durant la France allait être dirigée par un vieux cheval de retour de la quatrième, un politicien arriviste, à qui seule son appartenance à un groupe charnière avait permis à de multiples reprises de se pavaner sous les lambris dorés de la République suite à des « combinazione » politiques.

Pour moi, l’année 81 fut un tournant amorcé quelques semaines avant ce jour de colère. Avec mon épouse, nous avions décidé de nous lancer sur les marchés. Enseignant alors dans un collège rural aux confins de la Touraine, je m’y sentais aussi à l’aise qu’une grenouille au cœur du Sahara. Je voulais faire de ma vie autre chose que cette lente décrépitude qu’entraîne le statut de fonctionnaire. On y est certes protégé des aléas qu’entraîne une prise en main de son destin mais au prix d’une lente sclérose. J’avais trente ans. Depuis longtemps déjà, suite à un mouvement syndical qui m’avait fait réaliser que derrière des idées supposées généreuses ne se cachaient que de misérables revendications corporatistes, j’avais tourné le dos à ces quelques années durant lesquelles les sirènes de la gauche m’avaient attiré. Le temps de l’adulescence, au moins en matière politique, était pour moi, à la différence d’autres qui s’y maintiennent jusqu’à ce qu’une mort de vieillesse ne les en sépare, terminé.

Un an plus tard, je quittai l’Éducation Nationale pour huit ans d’aventures que j’ai narrées ici. Si j’avais le goût des regrets, le seul que j’aurais serait de m’être trouvé, faute de choix et poussé par la nécessité, contraint de retourner à l’enseignement d’abord en Angleterre puis dans le privé en France.

Je ne me lancerai pas dans l’établissement d’une liste exhaustive de mes griefs vis-à-vis de celui qu’il est aujourd’hui de bon ton de considérer comme un GRAND président. Je ne vois en lui qu’un habille magouilleur qui de reniements en changements de caps et en tripatouillages divers est parvenu, bien que les urnes l’aient par deux fois désavoué, à se maintenir coûte que coûte à un poste qui, après lui, a été occupé par trop de politiciens et aucun homme d’État digne de ce nom. A mes yeux, il n’a fait que s’inscrire dans la droite ligne du processus de décomposition amorcé par M. Giscard d’Estaing, pour lequel et par défaut j’avais voté en ce jour de colère.

Quarante ans plus tard, je suppose que les media vont nous abreuver de dithyrambiques éloges du « Grand homme », on lui attribuera toutes les vertus de la Terre et probablement d’autres venues du Ciel. Je ne les écouterai pas. Si ma colère s’est apaisée, Il n’en demeure pas moins qu’au contraire de M. Lang pour qui, en ce jour de mai 1981, on serait passé de la nuit à la lumière, je n’y ai vu que quelques lueurs d’espoir disparaître.

lundi 26 avril 2021

Tuer le cochon

 

Brûlage des soies

Les plus perspicaces d’entre vous s’en doutent peut-être déjà mais mon enthousiasme pour le véganisme est assez tiède. Il faut dire que, bien que né dans la banlieue parisienne et y ayant passé mes jeunes années, je n’ai jamais perdu le contact avec la vie campagnarde et que depuis plus de vingt-cinq ans, je vis dans un environnent rural. Voir tuer un animal, que ce soit une poule, un lapin, un agneau ou un cochon ne m’a jamais choqué et encore moins traumatisé. A Sartrouville, mes parents, dans le jardin de leur pavillon, élevaient poules et lapins. Il fallait bien en passer par là pour les retrouver dans nos assiettes. En vacances en Bretagne, je voyais mon oncle charcutier abattre dans son arrière cour (c’était alors permis) les porcs qui alimentaient son commerce. Plus tard, que ce soit en Poitou ou dans le Berry, quand l’occasion se présentait, nous achetions un demi cochon sur pied et nous rendions à la ferme pour assister au rite du cochon.

Si je parle de rite, c’est que j’ai pu constater, au musée de Brive, sur une une série de gravures du XVIIe siècle qu’en trois siècles rien n’avait changé. Gestes et outils étaient les mêmes.

Par un matin d’hiver, les protagonistes de la cérémonie se retrouvent dans la cour de la ferme en toute illégalité, car au contraire des siècles passés, dans les années 70 et 80 du XXe, il était déjà interdit d’abattre une bête ailleurs que dans un abattoir. Dire que cela nous posait problème serait exagéré. Si se trimballer avec une moitié de cochon partiellement transformé en charcuteries dans sa voiture était une infraction, on ne peut pas dire que la peur du gendarme nous tétanisait. D’autant moins que la maréchaussée étant alors généralement d’origine rurale, cette pratique n’était pas toujours étrangère à ses membres.

Le tueur ou saigneur de cochon arrivé, le rite peut commencer. La première étape consiste à sortir le porc de sa bauge, ce qui ne va pas de soi. Allez savoir pourquoi, l’intrusion du saigneur et de ses aides dans son logis semble inquiéter l’animal qui se débat et pousse des cris aigus. Des corde nouées à ses pattes et à son cou permettent de l’en extraire. On lui entrave ensuite les pieds puis, d’un maître coup de gros maillet sur la tête, on l’assomme. Ce coup n’est aucunement mortel. Il faut que son cœur batte pour qu’il soit bien saigné. L’officiant lui tranche alors la gorge et son sang est recueilli dans une grande poêle et on le bat pour éviter qu’il ne coagule avant d’être transformé en boudin.

Vient ensuite le brûlage des soies. Le cadavre du porc est placé sur un lit de paille auquel on met le feu. Opération délicate car un feu trop vif endommagerait la couenne. Les flammes éteintes, à l’aide d’une boîte de pilchards percée par de trous, on gratte la couenne après quoi on passe aux choses sérieuses. Le suidé est placé sur une échelle où on l’attache par ses pieds arrières. L’échelle est placée contre un mur pieds en haut et tête en bas, le saigneur lui ouvre le ventre et en extrait viscères et boyaux. Ces derniers seront retournés, grattés et nettoyés afin des participer à la confection du boudin, des saucisses et autres andouillettes. L’eau pour cuire le boudin est en train de chauffer car celui-ci ne saurait attendre. La confection de saucisses, pâtés et rillettes peut être remise au lendemain.

La bête est ensuite débitée et sa viande mise dans des jarres emplies de sel ou plus modernement congelée ou encore hachée pour préparer la charcuterie. La graisse sera fondue pour en faire du saindoux.

Si cette chronique d’une mort annoncée vous a choqués, j’en suis désolé mais n’en éprouve aucun remord. En effet, cette pratique multi-centenaire, faisait partie de notre culture, cette culture qui tend à totalement disparaître. Je doute que même en campagne on trouve encore beaucoup de saigneurs. La tyrannie hygiéniste a dû avoir raison de leur activité. Tout doit être aseptisé. Une niaise sensiblerie mène à l’anti-spécisme qui place l’animal à égalité avec l’humain. Plus qu’un progrès le véganisme me semble une dégénérescence découlant d’une rupture entre l’homme, la nature et sa culture. Le chemin vers le monde « apaisé » et mignon qu’il prône, comme celui de l’enfer est apparemment pavé de bonnes intentions mais où mène-t-il vraiment ?

Quand on s’indigne autant, voire davantage, de la mise à mort d’animaux (qui ne sont nés et élevés que pour ça) que de l’égorgement d’humains par des fanatiques, je crains qu’on se prépare mal à affronter les menaces qui se profilent...