Le cadeau que mes fraisiers m'ont offert ce matin : presque une livre de succulentes fraises ! |
Il m’est souvent arrivé de recommander ici tel ou tel NAC (Nouvel Animal de Compagnie). Je n’ai aucune idée du nombre de familles, de couples ou de personnes seules qui ont pu, grâce à mes conseils, voir leur foyer égayé par la présence , entre autres, d’un lycaon, d’un capybara, d’un lombric ou d’une hyène, mais je dois avouer que me semble venu le temps d’élargir aux végétaux les sources de compagnie pour une humanité en besoin d’affection.
Cette évolution, je la dois à M. Aymeric Caron, qui avec MM. Mélenchon, Mamère, Plenel et, à un moindre degré, Joffrin, est de ces homme qui accompagnent le difficile cheminement des Français vers la lumière. Végan, antispéciste, ses paroles alimentent ma réflexion. Car en fait, de quel droit excipons-nous pour asservir nos frères animaux ? La question, sans que j’aie encore pu y trouver une réponse, me taraude. J’en suis à me dire que sans totalement exclure la compagnie animale, nous pourrions accorder une place plus importante à celle des végétaux.
Parmi les espèces végétales les plus sympathiques, le fraisier et son pseudo-fruit la fraise me paraît tenir une place de choix. Depuis des millénaires l’homme aime la fraise qui le lui rend bien. Très longtemps, en Europe, il lui fallut se contenter de fraises des bois dont le goût délicieux ne parvenait pas à faire oublier la taille réduite. On essaya bien des sélections et des croisements mais sans résultats probants. Il fallut attendre ce jour béni que fut le 17 août 1714 pour qu’un ingénieur français, un certain Amédée-François Frézier (cliquez sur le lien si vous croyez que je délire) de retour à Marseille ramenât du Chili une fraise blanche qu’y cultivaient les Indiens. Croisée avec une fraise d’Amérique du Nord, elle donna ensuite naissance à notre fraisier cultivé. Quelle aventure !
Aimée de tous, sa culture ne demande que peu de soins. Elle produit, grâce à ses stolons, de nouveaux pieds. Quand vient le joli mois de mars, les plants se couvrent de fleurs qui, plus ou moins rapidement selon le temps qu’il fait, deviendront de délicieux fruits. Peu de soins, des pieds qui se multiplient, une grande générosité fruitière, si au compare le fraisier, par exemple, au chat, au chien, au canari ou au poisson rouge il n’y a pas photo ! De plus, le fraisier est paisible et ne saurait vous nuire. Si coqs, grenouilles, vaches, cloches, tronçonneuses provoquent parfois l’ire des néo-ruraux, on n’en a jamais entendu un seul se plaindre du voisinage d’un champs de fraises.
J’espère vous avoir convaincu d’en adopter.
Pour finir, une anecdote linguistique concernant l’expression « ramener sa fraise ». Contrairement aux idées reçues, la fraise dont je vous parlais n’a rien à voir là dedans. Pas plus que celle du dentiste ou du tourneur-fraiseur. En fait, on trouve son origine dans les Mémoires de Maximilien de Béthune, duc de Sully. Le grand ministre, compagnon d’armes du futur Henri IV, recueillit une confidence de ce dernier du temps qu’il était l’époux de Marguerite de France. Je cite : « Elle nous les casse, la belle doche à toujours ramener sa fraise* » signifiant que sa belle mère, Catherine de Médicis, célèbre pour les fraises qui ornaient son cou, l’agaçait en étant toujours fourrée dans ses pattes. La mode des fraises a passé, l’expression est restée. Ainsi quand un importun intervient de manière inepte dans une conversation continue-t-on de le prier de ne point ramener sa fraise.
* Notez au passage que, bien que Béarnais de naissance, le bon roi Henri entravait et jaspinait parfaitement l’argomuche parigot.