L’autre soir, j’ai, pour la énième fois et toujours avec le même plaisir, regardé ce merveilleux film qu’est Coup de tête, avec le formidable Patrick Dewaere. Si j’étais du genre à établir des hit parades, ce film y occuperait sans doute la première place. Il tient dans mon histoire familiale une place spéciale : pour moi, pour ma défunte ex-épouse, pour ma fille, « Allez Trincamp ! » a été et reste une sorte de cri de guerre ou plutôt d’encouragement. Quand un problème se pose, quand le moral connaît un petit ou grand coup de mou, ce sont ces deux mots magiques (parfois accompagnés de « But ! But ! But !» qui viennent soutenir notre courage. Bien qu’aucunement intéressés par le foot, l’utilisation de cette formule dérisoire a pour but d’amoindrir la gravité d’obstacles que ferveur et courage ne peuvent que surmonter.
Je ne vois pas l’intérêt que j’aurais d’expliquer les raisons de mon inconditionnelle admiration pour ce film de Jean-Jacques Annaud. Tout y est au top : scénario, personnages, acteurs. Toutefois, le film terminé, je me suis pris à réfléchir sur ce qui pouvait le rattacher aux autres du « triumfilmat » que je place au-dessus de tout, à savoir La Fiancée du Pirate et Coup de torchon. La réponse est claire : bien que situés dans des contextes très différents, ces films montrent, au sein de microcosmes, des personnages qui, pour une raison ou pour une autre, s’y trouvent marginalisés. Marie, vit dans une misérable cabane à l’écart du village, les minables « notables » du pays l’exploitent elle et sa mère éhontément, lui imposent un droit de cuissage. François Perrin, injustement viré de l’équipe de foot, ayant perdu son emploi, se voit accusé d’un viol qu’il n’a pas commis, on l’emprisonne avant d’aller le rechercher pour qu’il joue suite à un accident du car des joueurs. Lucien Cordier, flic d’une bourgade d’Afrique « colonisée » est en butte au mépris et aux humiliations de tous. Chacun à sa manière va se venger…
N’étant pas de tempérament vengeur, ce qui me plaît dans ces trois films, c’est la manière dont, à partir d’un microcosme où les traits des personnages sont parfois forcés jusqu’à la caricature, leurs auteurs dépeignent des archétypes de la comédie humaine. On n’y est loin du Comte de Monte-Chisto ! Question de ton. Les persécuteurs n’y sont que de pathétiques guignols. Aussi risibles que mauvais. Leurs victimes, quoi qu’ils fassent, y restent de brave gens. La comédie, quoi qu’il arrive, n’y cède jamais le pas au drame.
La vision du monde qui en ressort n’est guère flatteuse pour ce dernier. Il n’empêche que je la partage. Avec le temps, j’ai progressivement perdu tout réel intérêt pour une comédie humaine généralement jouée par de bien piètres acteurs. Je continue, avec de plus en plus de recul, d’en observer le spectacle sans trop d’émoi. Les bisounours, les ravis de la crèche, les indignés de tout bord, les âmes auto-proclamées « généreuses », les hypocrites sincères, les salauds de toute obédience, je les regarde avec un amusement teinté de dégoût. S’il m’arrive de temps à autre je leur donne un coup de griffe, c’est histoire de détendre mes opinions en toute gentillesse. Je ne saurais leur faire de mal vu que leur certitude d’être du bon côté des choses les rend invulnérables.
Puisque vous avez été sages je vous offre un super bonus :
PS : Puisqu’on en est à parler cinéma, hier soir, j’ai regardé Bonnie and Clyde. C’était pas mal. Comme quoi, il arrive de temps en temps que les Américains fassent des films acceptables. Ou du moins que, dans le passé, ils en étaient capables.