Depuis quelque temps, main dans la main
comme ils le sont très souvent, gouvernement et media soulignent
l’inouïe dangerosité du mouvement des « Gilets jaunes ».
Déjà DEUX morts et des centaines de blessés dont quelques uns
l'ont été gravement. Vous vous rendez compte ? DEUX morts en
quelques jours alors que les émeutes de 1968 n'en avaient fait
aucun ! L'anarchie est à nos portes ! Il est temps d'agir,
de mettre fin à l'hécatombe ! La Patrie est en danger !
Entendez-vous dans nos campagnes, mugir ces féroces gilets ?
Si j'ai bien suivi, la première mort
fut provoquée par une personne qui, paniquant, aurait foncé sur un
barrage et la deuxième par la collision entre une moto et un camion
qui manœuvrait. Dans un cas, donc, on ne saurait taxer de violente
une personne qui s'est fait écraser par une automobiliste aux nerfs
pour le moins fragiles et aux talents de conductrice discutables.
Dans l'autre, on peut ne voir qu'un regrettable accident de la
route.Pour les autres victimes, on nous laisse dans le flou
artistique quant aux raisons de leurs blessures : renversés par
des automobilistes paniqués ou lors d'affrontements à la barre de
fer, au cocktail Molotov ou au gigot congelé avec les forces de
l'ordre ? Allez savoir...
Je me souviens, il y a quelque temps
déjà, avoir dû patienter dans un embouteillage causé par un
barrage filtrant de nos amis de la CGT, portant gilets fluos et
drapeau rouge au vent. Je me demande si, au cas où la fantaisie
m'aurait pris de foncer sur un de ces braves défenseur d'une cause
aussi juste qu'inconnue de moi et de l'écrabouiller, on m'eût
décrit comme « paniqué » et on eût accusé de
violence ces bons syndicalistes.
Je n'irai pas jusqu'à dire que
j'approuve sans réserve toute action des « Gilets jaunes ».
N'étant pas, à la différence du regretté (et souvent regrettable)
Jean Ferrat « de ceux qui manifestent » leurs choix ne me
paraissent pas nécessairement les meilleurs. Il n'empêche que la
manière dont le gouvernement cherche à criminaliser et discréditer
leur mouvement est pour le moins cousue de fil blanc. Au point qu'on
en connaît la suite : les manifestations de samedi donneront
forcément l'occasion à nos gentils casseurs de se livrer à leurs
traditionnelles émeutes. A qui en attribuera-t-on la culpabilité ?
A ces « Gilets jaunes » qui viendront jusque dans nos
bras égorger nos fils et nos compagnes après les avoir agonis
d'insultes homophobes, racistes, antisémites, etc.
Fait-on de même lorsqu'en marge d'une
manif de gauche se produisent des faits similaires ? Que nenni !
Et pour une raison bien simple : les syndicats et autres
organisations de gauche ne représentent aucun danger, ils font
partie de la famille comme le Tonton
Nestor que chanta Brassens : on se passerait volontiers
d'eux mais on les sait inoffensifs et minoritaires. En revanche, un
mouvement spontané dans lequel peut se reconnaître une majorité de
Français représente une réelle menace pour le pouvoir en place en
ce qu'il peut favoriser l'émergence d'une vague populiste
susceptible de remettre en cause le jeu politique traditionnel, de
donner naissance à un « nouveau monde » politique bien
différent de celui prôné par Macron qui, recyclant de
vieux chevaux de retour et obéissant au doigt et à l’œil aux
diktats bruxellois, n'a rien de bien nouveau.
Il est donc urgent de décrédibiliser
ce mouvement, de transformer l'espoir dont il peut être porteur en
une salutaire peur qui fasse bien vite rentrer les moutons dans le
rang. Nous saurons bientôt si ça marche ou si ça s'avère contre
productif.