Si vous ne connaissez pas la légende
du colibri qu'aime à raconter M. Pierre Rabhi, je vous la
livre telle qu'elle apparaît sur le site « Colibris » :
«Un jour, dit la légende, il y eut un immense incendie de forêt.
Tous les animaux terrifiés, atterrés, observaient impuissants le
désastre. Seul le petit colibri s’activait, allant chercher
quelques gouttes avec son bec pour les jeter sur le feu. Après un
moment, le tatou, agacé par cette agitation dérisoire, lui dit :
"Colibri ! Tu n’es pas fou ? Ce n’est pas avec
ces gouttes d’eau que tu vas éteindre le feu ! "
Et le colibri lui répondit : "Je le sais, mais
je fais ma part." »
Comme c'est touchant ! Cette
parabole encourage chacun à faire sa part avec à la clé l'illusion
que si chacun faisait ce qu'il pouvait à son petit niveau on
résoudrait de graves problèmes. Seulement, des millions de colibri
resteront bien moins efficaces qu'une escadrille de Canadair,
laquelle n'est pas pour autant assurée de venir à bout de
l'incendie. C'est triste mais c'est comme ça. Ce colibri je le vois
plutôt comme un oiseau-mouche-du-coche : un moralisateur
inutile.
Aujourd'hui seront donc organisées un
peu partout en France des « Marches pour le climat ».
C'est beau, c'est généreux, c'est grand, c'est magnifique, comme
écrivit M. Brassens sur un tout autre sujet. Reste à savoir si ça
ne s'apparente pas à l'action du légendaire colibri. Une marche de
ce même type avait eu lieu le 8 septembre dernier à Paris et dans
de grandes villes, réunissant tout ce que la France compte de belles
âmes (quelques dizaines de milliers). Peut-on dire que, suite à
cette démonstration de force, le climat ait beaucoup changé ?
Ce 'est pas frappant. Aussi, la piqûre de rappel d'aujourd'hui
est-elle peut-être indispensable ?
Admettons que ces marches marchent.
Que, brusquement réveillés de leur apathie face au péril
climatique, les habitants de la France décident de (et parviennent
à) diviser par deux leurs émissions de gaz à effet de serre, en
dehors des problèmes économiques qu'une telle réussite ne
manquerait pas de créer, le climat s'en trouverait-il profondément
modifié ? Hélas non ! Car notre beau pays n'est
responsable que d'une infime partie des émissions mondiales de ces
saletés de gaz.
Comme le signalait M. Marc Fontecave, directeur du laboratoire
de Chimie des processus biologique au Collège de France, qui n'est
donc pas forcément un imbécile, « La France, grâce à son
nucléaire, dégage très peu de CO2. Elle ne représente que 1,2%
des émissions mondiales. Elle ne peut pas grand chose dans la
réduction des gaz à effet à de serre. Qu'elle existe ou non, la
concentration de CO2 dans l'atmosphère passera de 400 à 499 ppm,
au lieu de 400 à 500. ».
Sauf à provoquer une réaction
mondiale, chose fort improbable, dans le meilleure des cas, ces
défilés de colibris ne serviront pas à grand chose. D'un autre
côté elles offriront à des gens qui ne savent pas trop quoi faire
de leur peau le samedi l'occasion d'aller prendre un peu l'air et de
se livrer aux joies de la marche à pied tout en se donnant bonne
conscience. Ce qui n'est pas rien.