Certains avancent que ce sont les
petits blancs déclassés. D'autres qu'une majorité de gens des
catégories supérieures lui ont apporté leur suffrage. Certains
évoquent le vote des « ploucs » (un peu court dans un
pays où la population est urbaine à plus de 80%). Ce qui est
étonnant, c'est que l'on se pose la question et qu'on y réponde de
manière à faire passer l'électorat « populiste » (ou
de droite traditionnelle) comme forcément composé de tristes
abrutis bas du front.
Pourquoi se poser la question de la
pertinence d'une telle interrogation ? Eh bien parce que les
réponses qu'on y apporte ont pour effet de dessiner en creux le
portrait de l'électeur de gauche : un homme ou une femme
parfaitement à leur aise dans la société, d'une finesse d'esprit
remarquable, urbains, supérieurement instruits, etc. Moi je veux
bien. Seulement, réunir une majorité de suffrages à partir de tels
critères me paraît difficile, voire impossible. L'électorat de
gauche est largement aussi bigarré que celui du camp adverse. S'il
comprend , bien sûr, les bobos, ceux-ci ne constituent que la partie
émergée de l'iceberg du vote « progressiste », celle
qu'on voit, qui prend la parole. Le reste, je crains qu'il ne compte
en ses rangs pas mal de déclassés, de bas du front, de ploucs,
d'assistés qui savent de quel côté leur tartine est beurrée, de
médiocres qui tirent de leur adhésion moutonnière à la doxa naguère en
vogue un sentiment de supériorité, etc.
Pour en revenir à l'élection
étasunienne, on nous présente d'un côté un ramassis de déclassés imbéciles
autant que haineux et de l'autre des gens biens sous tout rapport.
Partant, la quasi-totalité des « Afro-américains »
(terme curieux vu qu'on ne saurait l'opposer aux Euro-américans ou à
toute autre combinaison continentale) qui a voté Clinton ne saurait
compter parmi ses rangs que des individus d'élite dont il serait
inutile de scruter les motivations.
Une autre question se pose : avant
qu'une vague populiste ne déferle sur les nations occidentales, pour
qui votaient les abrutis sinon pour les partis « honorables » ?
A moins que la « crise » ne les ait soudainement
transformés ? En ce cas comment expliquer que tous n'aient pas
été touchés ?
Il me semble que la réponse n'est pas
à chercher dans les frustrations créées par les difficultés
matérielles mais plutôt dans le refus d'un système idéologique
qu'à tort ou à raison de plus en plus de gens affichent quels que
soient leur niveau de réussite sociale ou d'éducation. Si les idées
de droite progressent c'est que celles de gauche reculent, que leur
pouvoir de conviction s'émousse, que ses grands prêtres voient
fondre le nombre de leurs fidèles. Plutôt que d'invectiver les
renégats, la gauche ne devrait-elle pas revoir les fondamentaux de
son discours, réaliser que son statu quo idéologique finira par
l'amener à prêcher dans le désert ?
Hélas pour elle, elle semble préférer
le déni de réalité à la moindre remise en question. Son
politiquement correct lasse-t-il ? Elle le renforce. Des
millions de Français sont-ils au chômage ? Elle ouvre les
frontières. Ses réformes sociétales ou sociales exaspèrent-elles
de plus en plus de monde ? Elle en concocte de plus hardies.
Etc.
Pour répondre à ma question-titre, il
me semble que la réponse est simple : une partie suffisante du
peuple américain.