J'apprends avec horreur que M. Coppé
s'est lourdement trompé sur le prix du pain au chocolat lors d'une
émission de radio ce matin ! Il l'évaluait à 10 ou 15 cents !
Vous vous rendez compte ? Comment un homme qui ne connaît pas
une chose aussi fondamentale pourrait-il aspirer à une fonction
politique quelconque ? Ne doit-on pas voir là la preuve que nos
élites sont complètement déconnectées de la VIE RÉELLE ?
N'y a-t-il pas là matière à émouvoir nos media ?
Curieusement, en y réfléchissant, je
me suis rendu compte que moi non plus je n'avais pas la moindre idée
du prix de cette viennoiserie. Il faut dire que j'en achète rarement
et que quand il m'est arrivé d'en acheter, ça n'a pas fait pas
partie des événements marquants de ma vie, de ceux qui m'ont laissé
un souvenir impérissable. Poussant plus loin la réflexion, je me suis
aperçu, alors que je fais souvent l'emplette de nouilles, de
plaquettes de beurre, de steaks, ou de pommes de terre, je serais
bien en mal d'en préciser le prix. Non que je sois indifférent au
coût des choses mais parce que je fais toujours mes courses dans le
même supermarché et qu'entre les produits qu'il propose je choisis
celui qui me paraît le plus intéressant en fonction de mes
critères. Je suis donc moi aussi déconnecté de la VIE RÉELLE.
J'en conclus que le scandale de ce matin ne suffirait pas à me
détourner d'un vote Coppé si d'autres raisons m'y incitaient.
Toutefois, si ce genre de connaissances
est d'un tel intérêt, ne devrait-on pas remplacer les élections
par des quiz sur le prix de divers produits et services ? Au
lieu d'interroger les politiques sur des questions budgétaires et
autres « réalités » économiques ou sociétales, on
leur demanderait le prix moyen du kilo de poireaux, celui d'un
paquet de lessive, du remplacement de la courroie de distribution sur
une Clio III ou d'un train de pneus sur une Bentley Continental GT, voire
d'une turlute dans la forêt de Sénart par temps pluvieux. Celui qui
s'en tirerait le mieux serait élu après examen de ses réponses par
un collège d'experts indépendants. Bien entendu, les gros candidats
seraient avantagés car des équipes de conseillers leur
prépareraient des fiches et certains crânes d’œuf éblouiraient
le populo en lui assénant une liste exhaustive des prix du dos de
cabillaud dans plusieurs centaines de localités. « Voilà un
gars qui connaît son boulot ! » s'extasierait-on dans les
chaumières...
Tout cela n'est-il pas grotesque ?
Seulement, vu que de plus en plus on demande à tout candidat à la
présidence d'être capable de répondre, chiffres à
l'appui, à toute question portant sur des sujets souvent secondaires
comme si cette fonction devait être tenue par un homme orchestre
connaissant le détail du moindre dossier, il me semble que nous
sommes déjà bien engagés sur la route du n'importe quoi
pseudo-technocratique.
A mon sens, un candidat à la
présidence digne de ce nom ne devrait se soucier que des grandes
orientations qu'il entend donner à la politique du pays, laisser à
ses futurs ministres le souci de leur mise en œuvres et aux
techniciens et autres comptables le soin des détails. Évidemment,
cela supposerait qu'ils aient des idées et des projets (autres que
celui de se faire élire) et qu'ils s'adressent à un peuple un peu
moins abruti. On n'a que les dirigeants que l'on mérite et, vus ceux
qu'on se donne, on ne doit pas mériter grand chose.