Une excursion en Bourgogne m'a permis,
le mois dernier, de découvrir Dijon et ses habitants. Chaque fois
que l'on s'aventure en pays inconnu ce n'est pas sans une légère
appréhension. Comprendra-t-on la langue des autochtones ?
Seront-ils hostiles ou amicaux ? Quid de leur habitat, de leur
mode de vie ? Et la ville elle-même sera-t-elle agréable ?
N'y verra-t-on que de belles tours en béton aux façades ornées de
jolies paraboles ou sera-t-elle défigurée ici et là par nombre de
palais, d'églises, de monuments, témoins à charges d'époques
heureusement révolues ?
Je dois à la vérité de dire que sur
ce dernier point le choc fut sévère. En centre-ville du moins,
s'élèvent un Palais des Ducs et des États de Bourgogne, un Palais
du Parlement, tous deux d'une regrettable ampleur, une cathédrale,
moult églises et nombre d'hôtels particuliers des XVIIe et XVIIIe
siècles ayant généralement appartenu à des membres du parlement
sus-mentionné. A croire que seuls les riches y avaient accès ou
qu'y avoir accès y favorisât l'enrichissement (à moins que ces
deux hypothèses ne se combinassent). Ces trop nombreux vestiges de
temps haïssables et de goût douteux y occupent une place si
exagérée que les larmes de rage vous montent aux yeux à l'idée de
toutes les belles cité HLM qu'on aurait pu y construire en les
rasant.
Passé ce désolant constat, venons-en
à ce qui fait la richesse d'une ville, c'est à dire ses habitants.
Le brave Jean Bodin n'écrivait-il pas « qu'il n'est de
richesse ni de force que d 'hommes » ? Qui
sommes-nous pour oser mettre en question les dires d'un tel phare de
la pensée (ou les prévisions météorologiques de son descendant
Louis) ? Surtout si la phrase ne signifie pas, comme certains
pourraient le penser, que la fortune d'un homme (ou d'un État)
s'évalue au nombre de ses esclaves.
Je n'ai été à même d'étudier qu'un
échantillon relativement réduit de Dijonnais. En fait deux. Après
avoir noté qu'ils usent d'un langage articulé compréhensible des
Français, je commencerai par souligner leur hospitalité
remarquable : en effet nous fûmes hébergés et nourris sans
qu'aucune facture ne nous fût présentée. Faute de bénéficier
d'une HLM, ces Dijonnais habitent, dans un immeuble Art Déco, un
vaste appartement aux plafonds moulurés d'une hauteur déraisonnable
et au sol en parquet de chêne à bâtons rompus.Une fenêtre en
bow-window assure une luminosité certaine au salon. Dommage qu'elle
donne, comme les autres fenêtres, sur un des nombreux balcons de fer
forgé qui défigurent la façade du vieil immeuble. Eh bien, croyez
moi ou pas, malgré tous ces défauts ces Dijonnais semblent
satisfaits de leur acquisition, signe d'une heureuse nature qui les
fait se contenter de peu. Nous étions un peu inquiets quant aux mets
qui nous seraient servis. Loin de nous voir offertes des platées de
moutarde à la crème de cassis arrosés des tristes breuvages des
climats de la Côte comme nous le redoutions, nous fûmes nourris de
manière très satisfaisante.
Un dernier point sur lequel j'aimerais
insister : les Dijonnais et plus particulièrement leur élément
féminin sont très affectueux. Je me vis appelé « Papa »
par la maîtresse de maison tandis que son partenaire se montrait un
peu plus réservé. Entre eux semble régner une forte affection.
J'irais jusqu'à dire qu'il se peut qu'ils soient amoureux comme
semble l'indiquer leurs prochaines fiançailles auxquelles ils m'ont
convié.
En conclusion de cette étude je
déclarerai donc les Dijonnais éminemment fréquentables bien qu'ils vivent en un bien triste endroit.
NB : J'entends déjà les
critiques que certains individus ne manqueront pas de m'adresser :
mon travail porte sur un échantillon trop réduit et partant non
représentatif. Certaines personnes « bien informées »
avanceront que le fait que la Dijonnaise dont je parle soit ma fille
nuit à l'objectivité de ce rapport. Et alors ? Vous croyez que
les micro-trottoirs et autres soi-disant études sociologiques dont
les media vous abreuvent chaque jour dans le (souvent vain) espoir d'orienter
votre pensée ont davantage de valeur ? J'envie votre
innocence !