La politique c'est bien, mais il n'y a
pas que ça dans la vie. Il y a aussi et peut-être surtout le hachis
parmentier, plat simple et roboratif que je fréquente depuis bien
plus longtemps. Dire que ma mère en mettait dans mes biberons,
serait exagéré mais cette façon d'utiliser les restes de
pot-au-feu fait remonter en moi de bien anciens souvenirs. Samedi
dernier, j'avais fait mitonner plat de côte, navets, carottes et
choux trois heures durant en compagnie d 'un bouquet d'aromates
du jardin, rajoutant la dernière demi-heure des pommes de terre de
même provenance. Après que nous nous fûmes repu par deux fois de
ce plat divin (contrairement à certains, je préférerais dans un
paradis digne de ce nom qu'on me le servit plutôt que de me taper 70
vierges ou réputées telles) je constatai qu'il me restait beaucoup
de bœuf, je me mis donc en tête de confectionner ce mets. Seulement
qui dit hachis dit hachoir et qui dit hachoir dit bon vieux hachoir à
main. Hélas, du bon vieux hachoir à main de ma jeunesse ne me
restait que la mélancolie. Le mixeur-broyeur que j'avais utilisé
lors de ma dernière tentative m'ayant beaucoup déçu, je me mis
donc en quête dudit appareil.
Je fouillai Amazon, explorai Cdiscount,
arpentai Le bon coin mais en vain et m'en sentis marri car le
désir de hachoir est impérieux. Soit les délais de livraison
étaient trop longs, soit ceux qui en proposaient à un prix
raisonnable étaient trop loin, bref je restai sur ma faim. C'est
alors que me vint l'idée d'aller à « Main dans la main »
une œuvre charitable installée dans le bourg voisin qui récupère
toutes sortes de bidules hétéroclites qu'ils vendent avant, je
suppose, de faire bénéficier je ne sais qui de plus ou moins
méritant du produit de leurs transactions. Si l'objet de mon désir
ne se trouvait pas dans leur fourbi, c'est qu'il n'y avait plus de
Bon Dieu ! Attendant le vendredi, jour d'ouverture, je m'y
rendis donc et mes craintes de cieux désertés s'y évaporèrent
comme fonds publics dans une mairie de gauche. Parmi des mixeurs et
des hachoirs électriques, mollement alangui sur une étagère, il
m'attendait. Dix euros en était le prix. Je fis donc d'une pierre
trois coup : félicité, bonne action et bonne affaire. On
pourrait même dire quatre vu que j'y dénichai aussi le moulin à
légumes dont rêvait Nicole. Il est des jours bénis.
Aussi, après l'avoir débarrassé de
sa poussière me mis-je en devoir de l'étrenner ce matin. Il hache à
merveille. J'avance, je prouve :
Le hachis fut délicieux. Le plat, qui
eût pu fournir matière à deux repas n'en dura qu'un. Comme se
plaisait à dire Lao-Tseu « Si l'homme heureux n'a pas de
chemise, il ne saurait se passer d' un hachoir à main. ». Je
confirme.