Si la vie n’était qu’une succession de félicités, ça se
saurait. Toutefois, on pourrait espérer que nous soient épargnés des moments de
grande tension lorsqu’on effectue des démarches simples comme s’abonner au
téléphone. Ce serait trop demander. Ainsi ce matin ai-je vécu une expérience
particulièrement stressante. Lorsqu’on appelle le 3900, service commercial d’Orange,
on tombe d’abord sur un serveur vocal qui vous demande d’appuyer sur telle ou
telle touche en fonction de votre situation. Ainsi vous tapez 1 si votre appel
concerne la ligne d’où vous appelez et 2 si c’est pour une autre ligne. Vous
tapez donc le 2 et là on vous demande de taper le numéro de la ligne en
question. Si vous voulez faire installer une nouvelle ligne, vous n’avez donc
pas de numéro à taper. Le premier réflexe qu’on aurait logiquement serait de se
dire que l’on a appelé le mauvais numéro et d’en chercher un autre.
Erreur ! Ce qu’il convient de faire est de ne rien taper. Après quelque
temps, le serveur vous demande de taper 1 si vous souhaitez faire une demande
d’abonnement. Vous tapez 1 et, oh miracle, une voix enregistrée sur fond
musical vous annonce qu’un conseiller vous prendra en charge dans un maximum de
3 minutes. Après un bon quart d’heure d’un extrait de chanson anglaise qui
passe en boucle, soudain une voix féminine vous arrache à votre torpeur
naissante. Vous vous croyez sauvé. Vous avez tort.
En fait, le plus pénible vous attend. La charmante personne
censée vous assister semble rencontrer de sérieux problèmes avec le maniement
de la langue française. Ce n’est pas qu’une impression. Après vous avoir donné,
d’une voix teintée d’un fort accent, un nom que vous n’avez pas compris mais
qui paraît bien exotique, elle vous demande si vous avez déjà une ligne Orange.
Vous acquiescez et lui en donnez le numéro. Après quelques vérifications elle vous
gratifie d’un « M. Jacques » qui ne présage rien de bon. Et en effet,
va suivre pendant plus d’une heure une série de malentendus. Lui ayant dit qu’il
s’agissait d’une résidence secondaire, elle comprend que je veux une deuxième
ligne pour ma maison de Normandie. Elle finit par comprendre et recommence tout
à zéro. Le moindre nom est l’occasion d’épeler mais le résultat n’est pas
souvent atteint aussi dois-je recommencer en collant un prénom pour chaque
lettre… Stressant. L’ancien propriétaire, M. Bassaler dont j’ai dû épeler le
nom trois fois se voit appeler tour à tour Bessalard ou Bassalar, et elle ne
parvient pas à le trouver dans ses listings. Étrange, non ? Après bien des
vicissitudes, je me vois attribuer un numéro et confirmer un rendez-vous. C’est
alors que je lui demande ce qu’il en sera de l’Internet. Elle me dit qu’il
aurait fallu le signaler avant. Je l’avais fait mais visiblement ça lui avait
échappé. Il faudra donc faire une demande quand j’aurai le téléphone. L’aurai-je
un jour ? Le technicien ne parcourra-t-il pas en vain la Normandie à la
recherche du mystérieux Bissalourd ? Les factures me parviendront-elles dans
le Mortainais comme je l’ai demandé ? Je crois qu’il sera plus sage d’aller
à la boutique Orange de Tulle, en espérant que le personnel n’y parle pas qu’Occitan.
Et si, au lieu de délocaliser les plateformes afin de gagner
trois francs six sous, on les gardait en France et qu’on y employait des gens
pour qui la Corrèle (sic) n’est pas en Normandie et pour lesquels le moindre
nom français n’est pas une énigme ? L’idée est audacieuse mais peut-être
satisferait-elle le client, allez savoir…