Saint Mamert (qui ne se fête à Noël qu’à Bègles et encore
pas par tout le monde), Saint Pancrace et Saint Servais se sont vus,
probablement pour leurs mauvais résultats, contraints à céder leur place au
calendrier à, respectivement, Sainte Estelle, Saint Achille et Sainte Rolande. Qu’on déplore ou non cette rétrogradation il n’en
reste pas moins que ces trois compères, dont les mérites sont bien mal connus,
conservent leurs inconditionnels pour qui, contre vents et marées, « Saint-Mamert, Saint-Pancrace, Saint-Servais font à trois un petit
hiver ». Pour leurs zélateurs, les gelées les accompagnent obligatoirement. C’est
comme ça et pas autrement. Comme tout dogme, ça ne se discute pas.
Et pourtant, mes chers frères, mes chers sœurs,
en ce 12 mai où nous fêtions, jusqu’en 1960, le grand Saint Pancrace, décapité en l’an de
grâce 304 sur l’ordre de l’empereur Dioclétien qui était mauvais comme la gale,
il fait une chaleur du diable. Et ma longue expérience de jardinier m’a permis
de constater que c’est loin d’être la première fois qu’un tel scandale se
produit. Seulement, rien ne saurait ébranler les convictions de leurs fidèles
et, chaque fois que j’ai évoqué des Saints de glace où on suait sous un cagnard
d’enfer, je me suis vu au mieux considéré comme un esprit égaré méritant la
pitié, au pire comme un blasphémateur qui faisait regretter le bon vieux temps
où le bûcher venait sanctionner de pareils errements.
La vérité est que, du fait que les trois élus
s’étaient vus attribuer, afin qu’on leur rendît le juste culte que méritaient
leurs insignes mérites, trois des derniers jours précédent la mi-mai, il
arrivait que se produisent, au moment de leur fête, les dernières gelées de l’année.
Qu’il gèle, passé le 15 mai, en nos contrées tempérées d’Europe occidentale, est
exceptionnel.
Ces froidures du milieu de printemps ont pour les cultures des
conséquences désastreuses. En effet, elles tuent les fleurs des arbres
fruitiers comme elles détruisaient les fragiles et tendres pousses que la
douceur printanière avait conduites à s’exposer aux rigueurs provoquées par les
effets des impardonnables tribulations de l’anticyclone des Açores* alliés au
passage de fronts froids.
Ainsi, le prudent jardinier, refroidi par ces
cuisantes expériences (oxymore !), évitera-t-il de sortir, semer ou
planter trop tôt des plantes gélives. Non par crainte des fameux saints mais
parce qu’ignorer les possibles gels, c’est jouer avec le feu (oxymore, encore).
*J’ai déjà déploré que
la France, nième puissance du Monde et patrie des droits de l’homme se contente
d’un anticyclone originaire d’une dépendance lusitanienne.