L’excellent
Didier Goux s’étant récemment étonné dans un commentaire de billet de ce que je
n’avais encore rien écrit sur cet animal, je me suis illico mis en devoir de
pallier ce manque.
S’il y a un animal dont la présence sur terre donne une
claire vision de ce qu’est la totale inutilité, c’est bien la girafe. Autrefois
nommée caméléopard (en grec καμηλοπάρδαλις) parce que ces escrocs qui mettent aujourd’hui
l’Euro en péril pensaient qu’elle était le fruit d’amours contre-nature entre chameaux
et léopards (fallait-il qu’ils soient sots, les bougres !), elle doit son
nom moderne à l’arabe zarāfah (زرافة,), terme auquel un
traducteur audacieux pourrait donner le sens de « girafe ».
Selon certains esprits affidés à sa cause, la taille de la
girafe en ferait l’animal terrestre dont les ossicones seraient le plus
éloignés de la plante des pieds. Cette particularité expliquerait le relatif
insuccès de la bête en tant qu’animal de compagnie vu que les quelques 5,80 m
qui séparent l’extrémité des cornes veloutées du mâle du sol requièrent une hauteur de plafond
qui est peu courante dans les HLM. Problème que ne posent aucunement le serin,
le poisson rouge, la belette ou le rhinocéros.Si on y ajoute le coût prohibitif des laisses, cela explique pourquoi il est rare de rencontrer des élégantes se promenant dans les parcs de nos villes en compagnie de ce grand dadais d'animal.
Le ridicule est la caractéristique principale de cette
aberration de la nature. On a tenté d’expliquer la longueur de son cou par le fait que son élongation lui aurait permis
en des périodes où l’herbe se faisait rare dans la savane de se repaître de
feuilles d’arbres. Tout esprit rationnel se demande alors, pourquoi le zèbre (sorte
d’âne en pyjama) et l’antilope qui hantent grosso-modo la même aire de
répartition n’en ont pas fait autant. Une autre théorie voudrait que les mâles
aient développé une longueur de cou extraordinaire afin de mieux affronter leurs
rivaux dans la compétition sexuelle. On est alors en droit de se demander
pourquoi l’ensemble des animaux ne les a pas imités. En fait la réponse est
simple : doté d’un odorat délicat, ce ruminant émet des flatulences particulièrement
nauséabondes et ses déjections ont une odeur à faire s’évanouir la hyène la mieux
aguerrie, de plus elle ne supporte pas la promiscuité que lui impose la savane avec
le zèbre doté comme chacun sait d’une haleine de poney. C’est pourquoi son cou
s’est allongé progressivement lui permettant de s’éloigner de ces miasmes morbides.
Malgré ses nombreux handicaps, la girafe a été chantée par
bien des poètes. Qui ne se souvient avec émotion des vers du bon La Fontaine ?
« La girafe ayant chanté tout l’été…»,
« Une girafe se désaltérait dans le
courant d’une onde pure… » Que
dire des nombreux romans qui lui furent consacrés ? Des chefs-d’œuvre éternels qu’elle suscita, au
nombre desquels se comptent Au bonheur
des girafes d’Émile Zola, A l’ombre des girafes en fleurs, de l’impayable
Marcel Proust ou encore, plus près de nous, Voyage
au bout de la girafe de L-F Céline, Des
Girafes et des hommes de John Steinbeck et La Possibilité d’une girafe de Michel Houellebecq ? L’art
pictural ne fut pas en reste, loin s’en faut ! Géricault et son Radeau de la girafe, les Girafes molles de Dali, et, cerise sur
le gâteau, La Girafe de Leonardo dont
le sourire énigmatique fit couler tant d’encre… Elle est partout !
A suivre…