Hier tandis que je me promenais avec compagne et chien sur l’ancienne
voie ferrée devenue voie verte, en fait de carnivore je n’aperçus, de
loin, qu’une misérable belette. Je fis la remarque que le Sud-Manche manquait
bougrement de loups et d’ours. La réintroduction de ces aimables carnivores
dans les montagnes est certes un pas dans la bonne direction mais un pas bien
timide pour ne pas dire insignifiant. Contrairement à ce que pense un vain
peuple ours et loups, à la différence du skieur, ne sont aucunement des espèces
montagnardes. S’ils n’ont tant bien que mal subsisté dans des parties de plus
en plus reculées des massifs montagneux, c’est uniquement parce que, depuis l’Antiquité
on les avait progressivement exterminés, d’abord en plaine, ensuite en moyenne puis
haute montagne au point que n’en subsistent que quelques individus dans endroits
hostiles et d’altitude élevée.
La puissance d’une nation se mesure en PNB, si elle s’estimait
en ours ou loup par habitant, nous serions mal, très mal classés. Il me
paraîtrait donc souhaitable que ces espèces soient réintroduites en masse sur l’ensemble
du territoire et non à doses homéopathiques dans de rares endroits
inhospitaliers.
On pourrait initier cette réintroduction dans le bocage normand.
La nourriture (bovins, ovins) y est grasse et abondante. Contrairement à ce qu’on
raconte, ces sympathiques animaux, à la différence du chien, du chat et du morpion,
évitent au maximum le contact avec l’homme (probablement à cause d’une atavique
allergie au coup de fusil) et ne constituent donc aucun danger pour lui.
Toutefois, il se pourrait que, fortuitement, on les rencontrât. On ne serait
donc plus réduit au statut du proverbial « homme qui a vu l’homme qui a vu
l’ours » mais on deviendrait un témoin direct, enchanté par la vision d’une
si charmante bête. De tels moments compenseraient largement les dommages
éventuels causés aux troupeaux. D’ailleurs, à les écouter, les éleveurs se
plaignent de ce que la vente de leurs produits ne couvre pas leurs frais de
production. On peut donc logiquement en déduire que moins ils auraient de bêtes
plus légères seraient leurs pertes. Quoi qu’il en soit, le paysan se plaint
sans cesse, que ce soit de la coopérative, des intermédiaires, de la grande
distribution ; sa vie n’est qu’un long lamento. Qu’ours et loups viennent s’ajouter
à la liste de ce contre quoi il récrimine ne changerait pas grand-chose.
Seulement, en ce domaine comme en bien d’autres, on se contente d’inutiles
réformettes au lieu de prendre le problème à bras le corps et d’apporter de
réelles solutions. Je crains une fois de plus de prêcher dans le désert.