J’ai, d’une oreille distraite et de façon intermittente plus
ou moins suivi la conférence de presse de M. Hollande. Une chose m’a frappée :
à un moment, le président s’est mis à parler de l’histoire et de la tradition
françaises. Entendre le représentant le plus éminent d’un parti (oui, je sais,
il est théoriquement président de tous les Français, mais avec 13% de soutien,
cette fiction devient de moins en moins crédible) qui, à moins que je ne m’abuse,
me semble ennemi de tout ce qui peut rappeler les traditions et l’histoire
séculaires de notre pays s’en dire le défenseur m’a laissé pantois. Il a continué,
pour donner un exemple de son inscription dans le respect de nos principes
nationaux, par rappeler le sacrifice des troupes coloniales lors des derniers
conflits mondiaux et réaffirmer la légitimité ainsi acquise par leurs
descendants à s’intégrer à notre communauté
nationale. Raisonnement qui me paraît spécieux car une participation plus ou
moins volontaire d’ancêtres à la libération d’un territoire ne constitue
aucunement un titre suffisant pour
appartenir à une quelconque nation. En ce cas, Anglais, Américains, Canadiens,
Australiens, Polonais, Tchécoslovaques, Grecs et Norvégiens auraient également
ce privilège suite à leur participation au débarquement de Normandie. En fait, les
deux questions ne sont aucunement liées : c’est le droit du sol et lui
seul qui offre la nationalité française aux enfants d’étrangers nés en France.
Des enfants d’Allemands ayant combattu la France et nés sur son sol ont le même
droit à devenir Français.
Le problème est que lorsque M. Hollande parle de tradition
et d’histoire, il n’en retient qu’une partie largement fantasmée. Pour lui, la France
n’a de traditions que celles des droits de l’homme, du « progrès » et
de l’ « ouverture sur l’autre » et son histoire ne commence qu’en
1789, et encore en en effaçant les périodes ne s’inscrivant pas dans le droit
fil de la « Grande Révolution » (et en se couvrant la tête de cendres
au souvenir de politiques pourtant républicaines comme fut la colonisation). Si on
ne retient que les trois éléments de tradition précédemment cités, la porte est
ouverte à toutes les entreprises de destruction de ce qui a construit notre identité
nationale (excusez l’obscénité du terme) française. Une « tradition de
progrès » autorise à mettre cul par-dessus tête tout ce qui a pu être
patiemment mis en place afin de donner une certaine unité à la nation. Que s’y établissent
le communautarisme, le multiculturalisme ne pose pas problème : le pays n’est
qu’un territoire. Curieusement, ce territoire qui n’est en sa majeure partie que
le résultat d’une multiséculaire politique de conquêtes et d’annexions menée
avec des hauts et des bas par nos rois, s’inscrirait selon notre chef d’État, dans
des frontières intangibles. C’est du moins ce qu’on peut en conclure quand ce
dernier a décrit les tendances sécessionnistes de certains comme un danger
menaçant l’Europe (qu’on peut le soupçonner de vouloir supranationale).
En résumé, pour M. Hollande (en admettant qu’il soit
cohérent) la France n’est qu’un territoire aux frontières immuables, ne pouvant
survivre que dans le cadre de l’Union Européenne et où la « tradition de
progrès et d’ouverture à l’autre» permettrait
de remettre en question tout ce qu’elle a hérité de sa longue histoire et d’accueillir
sans nécessairement les assimiler ceux qui
désireraient s’y installer. Pas grand-chose,
en somme…
Je ne suis pas certain de m’inscrire dans ce qu’il nomme « tradition ».
J’en ai même une tout autre conception…