Le Tarn est à feu et à sang ! Des échauffourées
opposent les forces de l’ordre aux opposants à la construction du barrage de
Sivens, projet soutenu par les conseils généraux des départements du Tarn et du
Tarn-et-Garonne et combattu par des écologistes dont le vice-président de la
région Midi-Pyrénées alliés à la Confédération Paysanne.
Pourquoi tant d’agitation ? Eh bien figurez-vous que la
réalisation de ce barrage créerait un lac de retenue de 40 ha qui submergerait
la zone humide du Testet laquelle abrite des espèces protégées dont des salamandres,
des couleuvres, des chauve-souris. En tout 94 ! Je ne serais qu’à moitié
étonné que parmi celles-ci figurent également le mouflard à crête mauve, la
capistrole chauve, le trifougnard visqueux, le Nyctamère bouffon, le
tire-chevillette, la bobinette chéra, le glapion rieur et de nombreuses espèces
de morbaques dont l’intérêt pour les zones humides n’est plus à démontrer. Mais pourquoi un barrage, me direz-vous ?
Eh bien pour irriguer les cultures. Les amis de Bové et les bons écolos
répliquent qu’irriguer les cultures participerait d’une agriculture
productiviste, modèle dépassé, vu qu’on peut très bien produire moins et plus
cher tout en sauvegardant glapions et trifougnards.
Les pro-barrage ont beau arguer qu’une fois submergée la zone
n’en sera que plus humide, rien n’y fait. La création d’une zone humide plus
étendue à quelque distance de là est considérée par les opposants comme
insuffisante. En effet, les espèces protégées sont, tout comme
le lombric, sujettes au mal du pays et, comme les Confédérés Paysans,
préfèreraient y crever que de vivre
ailleurs. D’où leur juste colère et leurs actions de résistance. Dans un
premier temps, certains se sont déguisés en clowns (bien qu’entre un écolo et
un clown il ne soit pas toujours aisé de faire la différence) et se sont cachés
dans les bois afin d’empêcher l’abattage des arbres. Ce que constatant, les
forces de l’ordre les en ont, comme il se doit, débusqués à coups de grenades lacrymogènes.
Le ton est monté, foin de clowneries, on passa au sérieux : cocktails Molotov,
barricades et tutti quanti. Évidemment, face à ces actions bon enfant, furent
envoyés des renforts de police. Et c’est là tout le paradoxe.
En effet, quand on est amoureux des couleuvres et des
capistroles, est-il bien raisonnable de venir en nombre piétiner leur
territoire, d’y attirer conséquemment des centaines de gardes mobiles chaussés
de godillots et de lancer sur iceux des liquides
inflammables ? Tout en voulant bien
faire ne risque-t-on pas ainsi de nuire à ceux que l’on veut protéger ? Combien
d’innocents morbaques, de joyeuses bobinettes, d’insouciants mouflards se
verront malencontreusement écrabouillés
par les forces de l’ordre comme par leurs défenseurs ? Il n’est que de
voir le triste état de la robuste salamandre une fois que la botte d’un CRS lui
est passée dessus pour imaginer celui de ces malingres bestioles. Combien de couleuvres
et de Tire-chevillettes, allergiques aux bruits d’explosion des grenades, quitteront à jamais leur patrie jadis paisible ? Combien
de glapions rieurs à qui leur
métabolisme permet de transformer les déchets végétaux en kérosène prendront spontanément
feu suite à la chaleur dégagée par les projectiles enflammés ?
Eh oui, on croit bien faire et on transforme en enfer le
paradis qu’on souhaitait sauver ! Ne serait-il pas plus raisonnable d’aller
manifester ailleurs ? Seulement, l’idée de ces opposants est d’empêcher
que soit ravagée la zone humide : s’ils s’en éloignaient, les bûcherons
pourraient la détruire en toute tranquillité. Quel dilemme ! Entre l’inefficacité d’une protestation
formelle et les dégâts qu’inflige à la nature sacrée une protestation musclée l’âme
de l’écolo doit être bien torturée. Je ne me féliciterai jamais assez de ne pas en être un !