Je ne parle pas de la nature mais de ce que de longs efforts
humains ont fait d’elle. La nature naturelle, est brouillonne, anarchique et
pour tout dire assez hostile à l’homme. Ses forêts pullulent de loups, d’ours, de
sangliers, de cerfs, de chevreuils et de
sales bêtes de toutes sortes qui s’y entrebouffent quand elles ne s’attaquent
pas à l’élevage et aux cultures que les hommes ont la légèreté de pratiquer
dans leur voisinage. Quand le sol n’est pas propice à la futaie, s’y
développent landes ou maquis. L’homme,
égoïstement, a déchiffré les forêts, exterminé les carnivores et toute bête
jugée nuisible, transformé les espaces arides en vignobles ou prairies, bref, a
rendu vivables et utiles des lieux qui ne l’étaient pas et cela pour son seul
profit. C’est assez naturel : toute espèce tend à assurer sa subsistance
et cela forcément au détriment de ses concurrents, de ceux qui peuvent lui
nuire d’une quelconque manière ou de ce qui peut la nourrir. En veut-on à la
vache pour le sort qu’elle réserve à l’herbe ?
Je vis, selon certains, en pleine nature. A part que rien n’y
est naturel, je l’ai déjà dit. Bien sûr, on y voit plus de geais, de pies, de
corbeaux, de buses qu’au cœur de Paris. La verdure n’y manque pas, surtout
quand le printemps fait se couvrir de feuilles les arbres des talus. Cependant,
les prairies sont ensemencées, on y met de l’engrais, les talus ne se sont pas
montés tout seuls et les arbres n’y croissent que parce qu’on les y a plantés
(quoique le geai des chênes et d’autres oiseaux participent à leur
dissémination mais de manière
irrationnelle autant qu’involontaire).
Un mien voisin, plus par négligence que par écologisme,
laisse le terrain derrière sa maison en
friche. Nous avons acquis nos terrains en même temps. Du côté de ma clôture, l’herbe
est régulièrement tondue. Du sien la « nature » reprend ses
droits. En six ans y sont apparus divers
arbres (saules, lauriers-fleurs, noyer) arbustes (ajoncs, genêts) fougères et
autres ronces. Ma préférence va d’autant
moins vers son approche que ses ronciers ont tendance à m’envahir. A mon sens, cette « nature »
est inesthétique et désolante. Il me
semble utile pour contrebalancer l’effet attristant de cieux souvent bien gris
d’entretenir en massifs des plantes dont la couleur vient égayer, plantes
souvent venues de loin et qui doivent plus à un patient travail de sélection
humaine qu’à « mère nature ».
Éradiquer tout animal
ou plante qui n’est pas directement utile à l’activité de l’homme, n’est pas
mon credo. Je ne crois pas davantage à l’existence
d’un quelconque « écosystème naturel » où tout devrait être respecté.
Entre ces deux extrêmes, il me semble qu’on puisse tolérer certains
désagréments qu’implique la « nature » à la condition qu’ils ne
compromettent pas nos activités. Les
loups et les ours sont incompatibles avec l’élevage, c’est même pour cela qu’on
les a exterminés. Si on tient à en élever, qu’on le fasse dans des parcs d’où
ils ne sortiront pas pour ravager les troupeaux. On peut trouver de l’utilité à
tout animal. La taupe est censée apporter nombre de bienfaits au terrain qu’elle
fouit en amenant à sa surface des
couches plus profondes, en le drainant et en y chassant divers nuisible comme
le ver blanc. D’un autre côté, elle se nourrit à 80% de lombrics. Or, le
lombric, comme chacun sait est lui aussi extrêmement bénéfique au sol. Alors on
parie sur qui ? Le Lombric ? La taupe ? Les deux ? Quand je vois
ma pelouse ravagée de monticules, j’ai du mal à hésiter…
Si vous avez eu la patience de me lire jusqu’ici, vous
méritez une récompense. Voici une vue d’un massif du jardin qui n’a
rien de naturel où azalées, Rhododendron, ancolies, géraniums s’y allient
pour faire oublier la grisaille de ce matin
pluvieux :
Ne me félicitez pas, tout le mérite en revient à Nicole. Personnellement, j'ai réalisé quelques carrés plutôt réussis au potager : chacun son métier et les vaches seront bien gardées ! |