Cette journée de la gentillesse ne me concerne pas. Etant
gentil de nature, je n’ai besoin d’aucune
occasion spéciale pour mettre en pratique cette qualité. Peut-être pourrais-je
tenter d’être encore un tout petit peu plus gentil que d’ordinaire mais je ne
pense pas que cela soit possible.
J’espère que ceux qui n’ont pas ma chance auront mis à
profit ce jour spécial pour faire un effort dans le sens de plus de bonne
grâce, d’empressement à être agréable. Ce
n’est pas toujours facile. Pourtant chacun peut y parvenir.
Le brave garçon que les vicissitudes de l’existence ont
contraint, pour subsister, à dépouiller de vieilles personnes en leur faisant
avouer sous la torture où elles cachent leur magot, ne pourraient-ils pas, leur
travail terminé laisser quelques douceurs sur la table de la cuisine ? Les vieux en raffolent souvent…
Le violeur qu’une société violente à amené à mal maîtriser
ses pulsions ne pourrait-il pas, avant de quitter sa victime déposer un chaste
baiser sur son front ?
Le jeune qui, faute de s’être vu offrir un emploi stable, ne peut faire autrement que de dealer
des substances, ne pourrait-il pas envelopper chaque barrette de shit ou gramme de coke dans des images pieuses propres à amener ses clients à réfléchir à leurs errances ?
Le braqueur ne pourrait-il pas, avant de s’enfuir avec la
caisse, lancer, un doux sourire aux lèvres, une rose à la commerçante ?
Je ne multiplierai pas les exemples. Chacun saura trouver ce
petit rien, ce geste aimable qui adoucira la brutalité inhérente à une société
injuste.
Le premier d’entre nous, celui que la providence nous a envoyé pour soulager
nos misères, celui dont la sage douceur a su rassembler autour de lui tous les
peuples de France dans leur enrichissante bigarrure, parle au moment où j’écris.
Je l’écoute d’une oreille distraite mais j’entends bien ses intentions : l’effort
qu’il fait pour alléger les souffrances des insomniaques est méritoire.
Puisse tant de gentillesse nous inspirer tous !