Il y a quelques jours, M. Jégoun m’adressa un cinglant :
« Vous n’aimez pas les gens ». Paf ! Prends-toi ça dans les
dents !
Cela faisait suite à mon étonnement de le voir fréquenter
des gens comme l’Abdel auquel il
consacra quelques billets. Ce brave homme venait d’être tué par un autre
charmant personnage dans des circonstances aussi obscures que glauques sur
lesquelles je ne reviendrai pas. J’ajoutai mon peu d’enthousiasme pour les
bistros. A vrai dire, ne buvant pratiquement jamais entre les repas, je ne
vois pas trop ce que j’irais y faire. Surtout que les gens qu’on y rencontre…
C’est bien joli, la compagnie de gens plus ou moins imbibés
mais il faut l’être soi-même pour l’apprécier. Au temps déjà lointain où avec
les collègues j’allais au pub à Londres, j’ai fait l’expérience pénible, lors d’une
période de cure de sobriété, de passer une soirée sans une goutte d’alcool avec
d’autres qui ne suivaient pas mon régime. Ce fut à la limite du supportable.
Entendre la même personne répéter pour la nième fois la même blague ou anecdote
déjà vaseuse au départ ça gave vite
grave…
Et puis je dois dire qu’avec le temps je me suis rendu
compte que, de manière générale, je suis un solitaire et que je ne ressens que peu
le besoin de compagnie. En dehors des quelques rares personnes pour lesquelles
je ressens une sincère affection, je me trouve bien plus à mon aise seul qu’accompagné.
Un copain alcoolo repenti m’expliquait que, du temps où il buvait, l’alcool, plus
que lui faciliter le contact avec autrui, l’aidait surtout à supporter sa propre
compagnie. J’ai de moins en moins ce problème.
Au risque de faire de la peine au regretté Blaise Pascal pour qui «tout le malheur des hommes
vient d'une seule chose, qui est de ne savoir pas demeurer en repos dans
une chambre »,
j’y parviens très bien. En sortir et voir du monde me pose plus problème.
Le monde vient vers moi par le net. Et puis il y a les livres, le
bricolage, le jardinage. En fait, je ne m’ennuie jamais.
J’en viens donc à penser qu’il se peut que l'« amour des gens » relève plus d’un besoin de se fuir que
d’un généreux élan vers l’autre.
Aussi lamentable que cela peut paraître, tout bien réfléchi, je crois
que Nicolas a raison : je n’aime pas les gens, seulement mes quelques
proches. Ce qui ne m’empêche pas d’apprécier
les qualités de beaucoup d’autres.