..Toi qui entres ici, abandonne tout espoir de trouver un contenu sérieux. Ici, on dérise, on batifole, on plaisante, on ricane.

mardi 22 novembre 2011

Un bien brave p’tit gars



Du temps où j’exerçais mes talents en tant que clown dans un zoo  ou, pour employer le jargon technique, professeur de lettres dans un établissement pour jeunes en grande difficulté,  la vie était souvent  rude.  Les p’tits gars, comme je les appelais étaient de naturel taquin.  Le problème, c’est que je n’étais pas d’un naturel à me laisser trop taquiner. D’où conflits. Ça ne se passait pas toujours bien. Parfois même plutôt mal.  Mais, vaille que vaille, je parvenais à les distraire sans trop de casse. Contrat rempli, donc.

Un matin arriva un nouveau. Je ne me souviens jamais des noms. Appelons-le Momo. Momo, donc, me frappa d’emblée : il y avait dans sa mise quelque chose d’élégant, de soigné.  Dans le genre Téci, il avait la classe : de fines bretelles soutenant un pantalon de jogging , un T-shirt sobre, des baskets dernier cri de chez le bon faiseur, des cheveux impeccablement coiffés,  une silhouette fine, une musculature affutée. Il sortait du lot, où sans vouloir me montrer critique, il arrivait qu’on notât un certain laisser-aller. Il me salua, s’assit  le dos bien droit à la place que je lui assignai et se mit en devoir d’écouter les mots de sagesse que je dispensais à ces jeunes âmes avides de connaissance. D’autant plus avides qu’il semblait que la présence du nouveau avait pour effet de renforcer considérablement leur capacité d’attention.

L’arrivée d’un nouveau était généralement une source de perturbations, les plus taquins voulant lui montrer l’ampleur de leur talent. Ça se traduisait par des provocations multiples. Ce jour-là, malgré le calme plutôt inhabituel, il y en eut quand même un qui voulut faire le malin. Je ne me souviens pas des propos exacts de l’insolent, mais je me souviens parfaitement de la réaction de Momo. Il expliqua calmement mais avec  fermeté  à l’impoli que l’on ne parlait pas comme ça à un professeur et le pria de s’excuser. Ce qu’à ma grande surprise il fit sans tarder.

A partir de ce jour, la vie au zoo, du moins dans cette classe, devint bien douce. J’en étais à regretter de ne  pouvoir l’emmener avec moi partout, tant son magnétisme naturel avait pour effet de ramener la paix alentour.  Une paix un rien tendue, certes, mais  cela ne valait-il pas mieux que des conflits ouverts ?  De plus, tous s’empressaient de se montrer obligeants. Souhaitais-je qu’on ouvrît une fenêtre pour rafraîchir la salle ou qu’on la fermât parce qu’il faisait frisquet ? Au lieu de ne le faire en maugréant qu’après nombre de demandes,  chacun se hâtait de me donner satisfaction.

Curieusement, Momo ne faisait pas l’unanimité parmi les collègues. Certains trouvaient suspecte  sa capacité à se créer si vite tant d’amis un peu partout dans l’institution jusque parmi le personnel. Ses savoir-faire sociaux lui nuisaient…

Un jeudi matin,  je m’aperçus que la place de Momo était inoccupée. Je m’inquiétai de son absence. Un collègue me renseigna. Il nous avait quittés. Suite à on ne sait quel malentendu, le brave p’tit gars avait montré à un de ses camarades  qu’il était fortement déconseillé de le contrarier.  Un coup de cutter dans la région de la gorge avait suffi.

lundi 21 novembre 2011

Pour une mort plus conviviale !





Je ne sais pas si vous avez remarqué, mais la mort a très mauvaise presse. En fait, elle semble même inspirer une certaine crainte chez la plupart de nos contemporains. On a tendance à la masquer, à l'édulcorer, à l'euphémiser. Alors que, jusqu'à nouvel ordre, nous avons tous rendez-vous avec elle. C'est même,  avec la naissance, la seule expérience que nous sommes certains de partager avec tous les humains et au-delà avec tous les êtres vivants. 

Le bon Michel de Montaigne, reprenant Marcus Tullius Cicero, écrivit que philosopher c'était apprendre à mourir. Et quoi qu'on en dise ou pense, ces deux gaillards n'étaient pas des pommes à l'eau. On notera toutefois que cette formule laisse entendre que mourir nécessite un apprentissage, un entraînement. Quelle erreur ! En fait, la mort nous vient on ne peut plus naturellement. On pourrait même dire que moins on s'y prépare plus on la rencontre. J'en veux pour preuve l'enthousiasme avec lequel les jeunes se ruent inconsciemment vers elle que ce soit sur un scooter pétaradant ou lorsque guerres ou révolutions leur en offrent l'occasion. Les vieux sont plus réticents, certes, mais ils y vont volens nolens.

Beaucoup d'entre nous sont assez lâches dans la vie. Pour des raisons de confort, ils se refusent à envoyer leur belle-mère sur les roses, à dire à leur conjoint ce qu'ils pensent réellement de sa tourte au potiron ou à dire son fait à leur patron ou à leur supérieur hiérarchique. Pourtant personne, jusqu'ici ne s'est efficacement refusé à mourir.

Cela dit, comment expliquer le peu d'attrait qu'inspire la mort ? Georges Brassens dans sa chanson Oncle Archibald, ouvre une piste. Le bonhomme, avant d'en venir à de meilleurs sentiments, convaincu par des arguments imparables, commence par s'adresser à la mort en des termes peu amènes : "Oncle Archibald, d'un ton gouailleur lui dit : " Va-t'en fair' pendre ailleurs ton squelette, fi des femelles décharnées vive les belles un tantinet rondelettes ! "". Toutes les réticences que génère la mort viennent de là : comme le disent nos communicants, elle souffre d'un problème d'image

Regardons-la un peu : un vrai squelette ! Drapée dans une robe informe, avec une capuche façon pénitent médiéval ! Et que tient-elle à la main ? Une faux ! Dans une société fortement urbanisée, elle se balade avec un ustensile agricole ! Pas plus bandante qu'une candidate écologiste ! Vous auriez envie de partir en java avec une nana pareille ? Franchement ?

Pour inverser la tendance grandissante au rejet qu'elle inspire, il est urgent de la relooker totalement. Je proposerais donc qu'elle remplace son physique ingrat par quelque chose de plus charnu de partout, qu'elle renonce à sa longue robe pour adopter une courte jupe et un haut avec décolleté plongeant, qu'elle abandonne la faux au profit d'un panier garni de victuailles et de bonnes bouteilles, avec, par dessus le marché, un sourire engageant. 

Filles et gars, jeunes et vieux seraient tout de suite plus réceptifs. Vous en connaissez beaucoup, vous, à part quelques pisse-froids, qui ne se feraient pas une joie d'aller faire une petite virée bien arrosée avec une jolie nana rigolote et pas farouche d'aspect ? Moi pas.

dimanche 20 novembre 2011

Experts ? Vous êtes sûrs ?



J'ai entendu hier que les psy qui avaient examiné le jeune meurtrier du collège de Chambon-sur-Lignon ne l'avaient pas jugé dangereux. C'est ce qu'on appelle de l'expertise !

Que tout être humain soit faillible, on ne le découvre pas aujourd'hui. N'empêche, il semblerait que les experts psychiatres le soient un peu plus que la moyenne.

Il existe bien d'autres experts. On imagine mal l'un d'eux, spécialisé dans l'automobile assurer que votre Ford Cortina modèle 1974, malgré ses 453 664 km (non garantis), sa carrosserie corrodée, la fumée noire qui s'échappe de son pot, l'huile qui ruisselle de son moteur et le bruit inquiétant de ses bielles est quasi-neuve et vaudrait plus de 20 000 Euros. On pourrait craindre qu'un tel expert ne voit pas souvent son concours réclamé par les compagnies d'assurances. 

Imaginons qu'existent des experts en animaux de compagnie et que l'un d'entre eux vous déclare que l'animal que vous lui avez demandé d'examiner est un yorkshire  parfaitement inoffensif. Alors qu'en fait il ne s'agit pas d'un p'tit chienchien à sa mémère mais d'un tigre mangeur d'homme qui à peine ramené à la maison vous dévore à belles dents, vous et votre famille. Vos héritiers, s'il en reste, ne seraient-ils pas en droit de demander des comptes à cet expert ?

Je ne sais si les experts psychiatres peuvent être tenus pour responsables de leurs erreurs de diagnostic et/ou de pronostic. Seraient-ils tenus à une obligation de moyens plutôt qu'à une obligation de résultats ? Quoi qu'il en soit, il semblerait que parfois ils ressemblent davantage au dernier expert que j'évoquais qu'à des personnes sur les dires desquels on peut baser l'encadrement d'un éventuel récidiviste. Et c'est bien dommage pour les victimes.

Vous me direz que l'être humain est infiniment complexe. Que prédire son comportement futur est plus délicat que de faire la différence entre une épave et une bonne occase ou qu'entre un yorkshire et un tigre. C'est l'évidence même. Et c'est ce qui pose question : si la science psychiatrique n'est pas en mesure d'établir des pronostics fiables, à quoi sert de la consulter ?

Si les psy qui ont examiné le jeune homme en question ont pu affirmer qu'il ne présentait aucun risque de dangerosité, ne sont-ils pas en partie responsables du drame que leur erreur a occasionné ? Ne devrait-on pas les poursuivre ?

Ne serait-il pas souhaitable que la psychiatrie se montre plus modeste,  voire avoue qu'en l'état des choses elle n'est pas en mesure de garantir la valeur de ses conclusions ? Ce serait, évidemment, se saborder. Pourtant ne vaut-il pas mieux avouer son incompétence que de pousser ceux qui vous font confiance à prendre des décisions aux conséquences dramatiques?

samedi 19 novembre 2011

Passer sous les roues d'un bus peut nuire gravement à votre santé



Faire une overdose de roues de bus est un des dangers qui menacent la santé de l'homme d'aujourd'hui (pour celui d'hier, c'était les roues de diligences). Je sais de quoi je parle.

J’allais au collège et j’attendais tranquillement mon bus lorsque je m’aperçus  que j’avais oublié ma trousse à la maison. Une journée d’école, c’est toujours ennuyeux, mais quand on n’a pas de quoi écrire, ça devient tout de suite plus pénible. Être en butte aux remontrances outrées des profs et aux quolibets des condisciples (qui se feraient un devoir de ne rien me prêter, cet âge étant sans pitié) ne me disait rien aussi trouvai-je vite une solution : De l’autre côté de la rue, un copain attendait le bus qui le mènerait au lycée. Je traversai donc et lui empruntai  un stylo. 

C’est alors que je m’aperçus que mon bus s'apprêtait à démarrer avec à son volant le célèbre Grand louis, un conducteur qui avait ceci de remarquable qu'il s’arrêtait boire son coup de rouge dans pratiquement tous les bistrots entre Montlhéry et la porte d'Orléans.  Et retour . Plusieurs voyages par jour. Ça n'affectait pas sa conduite, si bien qu'il ne venait à personne l'idée de lui en faire grief. Une autre époque, je vous dis.

Sans plus réfléchir je me ruai vers ce véhicule. Mal m’en prit car une voiture me faucha net et m’envoya dinguer sous le bus.  Si vous n’avez jamais vu des roues énormes rouler doucement vers vous, inutile d’essayer,  je peux vous  dire ce que ça fait : on ne reste pas traîner. Immédiatement, je me mis à ramper, stylo à la main ; les roues soudain s’arrêtèrent. Alerté par les hurlements  de ceux des passagers qui avaient vu la scène, Grand Louis avait freiné. Je pus donc  sortir de l’autre côté du bus et y monter. 

A peine assis, je me mis à trembler de tous mes membres. Vu que tous n’avaient pas réalisé ce qui m’était arrivé certains se demandèrent ce qui pouvait bien troubler à ce point ce petit gars.


Mais ce n’est pas là le plus curieux. J’appris par le copain qui m’avait prêté le stylo que le plus choqué était surement le conducteur de la voiture. Mettez vous à la place d’un gars qui vient de renverser un gamin, de l’envoyer rouler sous un car et qui ne trouve pas trace de sa victime !

vendredi 18 novembre 2011

Comment je ne suis jamais allé aux USA



Quand j'ai vu leur annonce, je me suis dit pourquoi pas ? Il s'agissait d'aller enseigner le français dans des écoles primaires de Caroline du nord. 20 000 dollars par an, exempts d'impôts, voiture et assurance maladie fournies. C'était pas le Pérou mais ça paraissait jouable.

En plus, ça ravivait un de mes rêves de jeunesse : conduire une grosse voiture américaine sur les routes poussiéreuses du Sud. Ayant consacré mon mémoire de Maîtrise d'anglais à Erskine Caldwell, j'étais en pays de connaissance...

Et puis il faut dire que donner des cours de français à des cadres supérieurs de banque ou à des hauts fonctionnaires dans la City ou à Westminster ne nourrissait guère son homme... 

Je me rendis donc à Birmingham où avaient lieu les entretiens. J'y rencontrai deux femmes charmantes, l'une anglaise, l'autre américaine. La conversation fut cordiale et je crois que quand je leur expliquai comment j'avais, alors que je travaillais dans une école secondaire de l'East End, amené un jeune cockney raciste à travailler avec un petit pakistanais, je gagnai leur cœur. Je quittai Birmingham plutôt confiant. Nous étions au printemps : en septembre je serais en Dixie Land.

Deux jours plus tard, le téléphone sonna et, au bout du fil, l'américaine me fit une proposition inattendue : je lui avais fait une si bonne impression, que ce n'était pas en septembre mais tout de suite, là, maintenant que je pouvais être embauché. Il me faudrait partir sous huitaine.

Imaginez mon embarras ! Il me fallait donner ma réponse le lendemain.  Seulement, il y avait un petit hic : je vivais alors avec une jeune anglaise et la laisser choir ainsi me paraissait un rien cavalier. Gentleman un jour, gentleman toujours ! Certes, elles avait un caractère épouvantable et les amours n'étaient plus au beau fixe, mais quand même. De plus, elle avait son boulot à Londres et à quel titre entrerait-elle aux États-Unis si la folie la prenait de m'y suivre? Les States ne sont pas un moulin. Non, décidément, ce n'était pas possible.

Je recontactai mon interlocutrice, lui expliquant que le délai était trop court mais que je continuais d'être intéressé par un contrat en septembre. Ce dernier ne vint jamais.

En septembre, quand je me vis proposer un poste en France dans une institution pour jeunes "en grande difficulté" à prendre immédiatement, je n'hésitai pas un instant. Et vogua la galère...

C'est ainsi qu'il y a dix-huit ans je ne vécus pas le "rêve américain".