Je parlais récemment des phobies. Il en est une qui dépasse
toutes les autres : la conophobie. Le con est un objet d’ostracisme
universel. Ainsi Michel Audiard put-il,
sans soulever de tollé de protestations, faire dire à un de ses personnages : « Je
ne parle pas aux cons, ça les instruit ». Vous voyez jusqu’à quel niveau de rejet ça peut
aller…
En fait, personne n’aime les cons. Je ne me souviens pas
avoir jamais entendu qui que ce soit se vanter d‘avoir des cons pour amis. Qui
de vous s’est vu dire : « Venez dîner samedi, il y aura les Léon, vous verrez,
ils sont très cons. Vous devriez bien vous entendre » ? En revanche, que de fois m’a-t-on vanté les
mérites de tel ou tel convive qui s’avéra en être un et un beau. J’ai l’impression
que quand les gens ont des amis complètement cons, ils cachent leur profonde
nature et vous les présentent sous d’autres qualités.
Le con lui-même a tendance à nier l’être ou au moins à
relativiser sa connerie (« Je ne suis pas plus con qu’un autre… »)
voire à la mettre en doute (« Je suis peut-être con mais… »).
La plupart des occurrences du terme s’accompagnent de
qualificatifs péjoratifs. Le con est pauvre, sale, triste, gros, méchant,
vieux, petit… Jamais un terme flatteur !
Et pourtant il en est de riches, de joyeux, de maigres, de propres, de gentils
et de jeunes.
C’est en vain que l’on chercherait une seule association
autre que fantaisiste qui prenne la défense du con. Ce type de racisme n’est
combattu par personne. Tout se passe comme si la cause n’en valait pas la peine
ou plutôt qu’elle n’en avait pas besoin. Une idée très répandue est que les
cons sont majoritaires. Beaucoup en voient au gouvernement, d’autres les voient
plutôt dans l’opposition.
En fait, ce qui nuit le plus au con est le côté flou de sa
nature. S’il est facile de désigner un géant ou un nain, c’est une autre paire de
manche d’identifier de manière certaine celui qui est atteint de connerie. Car la connerie est toujours relative. On peut être considéré par certains comme un
con total alors que pour d’autres on ne l’est que très partiellement. De même, si je
considère que Marcel en est un beau, il est fort à parier que de son côté
Marcel pense que c’est moi qui le suis. Et nous n’avons pas forcément tort. Comme
la beauté, la connerie se trouve-t-elle dans l’œil de celui qui regarde ?
La solution ne consisterait-elle pas à considérer que nous
le sommes tous ? Personnellement, je suis tout à fait prêt à l’admettre.
Qu’est-ce que ça changerait, au fond ? Pas grand chose ! Il y aurait toujours
des cons riches et des cons pauvres, des intelligents et des stupides, des
malades et des bien portants, des petits et des grands, des instruits et des
ignares, des de droite et des de gauche, des blancs, des jaunes, des noirs et
des bleus(les schtroumpfs), des jeunes et des vieux, des employés et des chômeurs, des sages et des fous, etc. Pour insulter, il faudrait se montrer plus spécifique...
Cette acceptation permettrait cependant que cesse la
désagréable impression que ressentent beaucoup d’être pris pour un con. L’étant,
il n’y aurait plus là rien d’offensant.
A quand une déclaration universelle des droits du con ?
Dernière minute : L’infâme multinationale Microsoft
semble vouloir monopoliser, entre autres, la connerie. Prenez un fichier quelconque tentez de
le sauvegarder sous le nom « con » (sans guillemets, bien entendu) et
vous verrez ce qui se produit ! Honteux !