Que la vie soit dure, ce n’est pas moi qui vous l’apprendrai. Toutefois, il arrive que son injustice dépasse un tantinet les bornes. Figurez vous que depuis plus de treize ans je fréquente assidûment les pages que M. Facebook met à la disposition de l’humanité souffrante afin qu’elle y expose ses joies, ses peines, ses idées, les plats qu’elle a concoctés, ses photos de famille ou de vacances, ses grasses plaisanteries, ses indignations, ses insuffisances orthographiques et intellectuelles, y donne libre cours à ses haines, bref, tout ce qui fait d’elle le Sel de la Terre .
Tout au long de ces années, je m’y suis tenu correctement. Jamais un mot plus haut que l’autre, toujours poli, gai, honnête et droit. Les braves gens que j’y fréquente, mes chers « amis », tous d’affreux réacs, y faisaient souvent état de leurs démêles avec le sheriff qui assure l’ordre à Facebook City. Leurs propos supposés racistes, homophobes, obscènes ou violents leurs valant une ou deux semaines de cachot. Parfois même un mois. Je me félicitais in petto de n’avoir jamais été accusé d’avoir enfreint les limites de la bienséance et pensais continuer toujours de le faire.
Jusqu’à ce qu’hier matin je découvre, sidéré, cette notification :
Les bras m’en tombèrent. Les ayant prestement ramassés, je cliquai sur ladite notification afin de voir de quelle manière j’avais pu contrarier « leurs standards de la communauté* »et découvris le pot-aux-roses : mon article d’avant-hier en était la cause. Malgré des efforts soutenus de réflexion, je ne parvins pas à saisir en quoi mes élucubrations sur les mutations des maladies de l’animal ou du végétal pouvaient être contraires à ces fameux Standards. Je tâchai donc d’en savoir plus comme on me le proposait. En fait, je n’obtins aucune réponse précise quand à la nature du ou des Standard (s) que j’aurais involontairement contrarié (s). Il me fut simplement indiqué qu’en cas de récidive, je me verrais sanctionné, voire banni. Toutefois, il m’était loisible de contester ladite décision.
Le Sheriff est donc aussi bon garçon que la République est bonne fille. Les mystérieux Standards du premier, comme les Valeurs de la seconde n’ont qu’un défaut : celui d’être d’une évidence telle que nul n’est besoin de les préciser. Ce qui rend la contestation des jugements sur leur transgression un brin compliqué. Je décidai donc de garder le silence car à quoi bon aller expliquer que l’emploi du substantif « écureuil » n’a rien d’offensant en soi si le litige porte sur celui de « pomme-de-terre » ?
Le mystère demeurera entier. Restera la terrible blessure infligée à mon honorabilité.
* pour respecter la syntaxe innovante du censeur.