C'est un vieux con qui parle ici. Un de
ces ânes âgés ennemis du « progrès » qui évoque un
temps que les moins de X ans ne peuvent pas connaître. Un temps où,
cancres totaux mis à part, quiconque avait un tant soit peu suivi
des études secondaires partageait avec ses contemporains un minimum
de connaissances non seulement en histoire mais aussi en littérature.
Rares étaient ceux qui n'auraient pas tiqué en entendant que
Napoléon avait abdiqué en faveur de Vercingétorix ou que Ronsard
avait écrit « Spleen ». Les programmes faisaient
en sorte que se constitue un minimum culturel commun (d'où mon
titre).
Dans tous les lycée de France (et
peut-être dans ceux de Navarre) régnaient Lagarde et Michard,
imposant, siècle par siècle, leurs florilèges. Ainsi se
constituait un début de culture partagé. Pas par tous , bien sûr,
car beaucoup s'arrêtaient au primaire. N'empêche que « Rodrigue
as-tu du cœur ? », « Mignonne allons voir si
la rose », « Heureux qui commeUlysse »,
« Rome l'unique objet », « C'était
pendant l'horreur d'une profonde nuit », « Il faut
cultiver notre jardin », « Qu'allait-il faire dans
cette galère ? », « Quand le ciel bas et
lourd », « Ce siècle avait deux ans »,
pour ne citer que quelques fragments de phrases renvoyaient à un
patrimoine partagé. On apprenait par cœur les mêmes poèmes,
tirades et textes en prose. Et ça réunissait.
Notre très cher président a pu
déclarer sans provoquer un éclat de rire général :«Il
n'y a pas de culture française. Il y a une culture en France. Elle
est diverse». Comment ce grand esprit parvient-il à concilier
unicité et diversité reste à mes yeux un mystère. Il est vrai que
sa pensée est trop complexe pour qu'un humble mortel comme moi
puisse la saisir. N'empêche que mon incapacité m'amène à penser
que cette déclaration est paradoxale et/ou qu'il s'agit d'une ânerie
sans nom. S'il n'existait pas de culture française, autour de quoi
se fédérerait la nation ? Si tel était le cas ne serait-il
pas urgent que s'en constitue une afin de faciliter cette notion
fumeuse nommée le « vivre ensemble » ?
N'est-il pas plus aisé de vivre avec avec ceux avec qui nous
partageons beaucoup qu'avec ceux dont tout nous éloigne ?
Entendons-nous bien : je ne prône aucunement le rejet d'autres
cultures. Avoir longtemps vécu en Angleterre m'a permis d'apprécier
une autre culture mais sans que jamais je ne me sente le moins du
monde Anglais. Si une nation jadis unie devient multiculturelle elle
ne peut que voir se creuser en son sein fractures, discordes et même
affrontements. C'est pourquoi il me semblerait nécessaire que soit
restauré et développé un minimum culturel commun sans lequel
l'école, ayant cessé d'être le creuset de la nation, ne serait
qu'un simple lieu d'apprentissage, rôle que par ailleurs elle a de
plus en plus de mal à assurer.
Ce minimum se reconstituerait bien
entendu autour des auteurs classiques, qui certes, comparés au récit
autobiographique d'un jeune drogué de banlieue qui se prostitue,
sont moins tendance et manquent bougrement d'actualité mais qui,
nourrissant les générations qui les ont suivis, ont assuré la
pérennité de la culture et de la langue françaises sans empêcher
leur évolution. Si l'école veut retrouver le rôle prestigieux qui
fut le sien, elle ne saurait le faire en offrant à TOUS ce qu'elle
réservait naguère à certains. En ne fournissant qu'un
gloubi-boulga pseudo-culturel, elle ne fait preuve que de démagogie
et de mépris pour ceux et celles qu'elle accueille.